ExxonMobil a dépensé 60 milliards de dollars pour racheter un groupe spécialisé dans l’extraction de gaz et de pétrole de schiste avec la bénédiction de l'administration Biden. Idéal pour réaliser des profits à court terme. Mais cauchemardesque pour faire avancer la lutte contre le réchauffement climatique priée de faire profil bas.
ExxonMobil. Au pays de l’or sale
C’est une scène qui en dit long sur le secteur du pétrole. Le 29 août dans le cadre de l’université d’été du Medef, le climatologue Jean Jouzel débat avec le PDG de Total Patrick Pouyanné. Les échanges sont tendus. Alors que le premier alerte sur un changement climatique en passe de devenir incontrôlable, le second défend l’extraction de l’or noir : "Je dois assurer la sécurité de l’approvisionnement au coût le plus efficace", assume le dirigeant français. Le message est clair. Malgré une communication verte, les majors ne comptent pas changer de modèle. Le rachat de Pioneer Natural Resources par ExxonMobil pour la "modique" somme de 60 milliards de dollars en est la preuve. Le deal a été officiellement annoncé le 11 octobre.
C’est (pas) du propre
L’entreprise texane de plus de 2 000 salariés existe depuis 1997. Son activité consiste à extraire le gaz et le pétrole de schiste. Un business particulièrement polluant. Les sites de Pioneer Natural Resources sont concentrés dans le bassin permien à cheval entre le Texas et le Nouveau-Mexique. La zone fourmille déjà de pipelines et de puits de pétrole. D’autres sont en projet puisque les réserves estimées dans la région sont colossales. Selon l’organisme américain chargé des études géologiques (USGS), le potentiel est de 50 milliards de barils de pétrole et 300 000 mètres cubes de gaz naturel. Et malgré des promesses de neutralité carbone ou de respect de la nature, le but est clair. Il s’agit de forer, d’extraire et de transporter le plus de gaz et de pétrole possible.
Le prix fort
Pour asseoir ses positions dans cette région stratégique, Darren Woods, PDG d’ExxonMobil a mis le prix fort : 60 milliards de dollars (via échanges d’actions). Il s’agit de la plus grosse opération de croissance externe du groupe depuis 1999 et le rachat de Mobil par Exxon. Dans l’immédiat, cela permettrait à ExxonMobil de doubler sa production de gaz et de pétrole de schiste aux États-Unis. La nouvelle entité est désormais en mesure de produire 1,3 million de barils par jour, l’objectif étant de dépasser la barre de 2 millions à l’horizon 2030.
L'administration Biden souhaite renforcer l'indépendance énergétique du pays, tout en remplaçant les Russes sur le marché européen
Le début des grandes manœuvres
Pour les bons connaisseurs du secteur énergétique, cette acquisition sonne le début de grandes manœuvres. Après des difficultés liées au Covid 19, les majors américaines ont de nouveau les poches remplies de dollars. Elles lorgnent sur les sociétés spécialisées dans l’extraction de pétrole et de gaz de schiste. Malgré l’impact environnemental, elles sont encouragées par l’administration Biden qui se veut flexible vis-à-vis des règles anti-trust. Le pays de l’Oncle Sam souhaite renforcer son indépendance énergétique tout en remplaçant les Russes sur le marché européen. Pour ce faire, les préoccupations environnementales passent au second plan.
Plusieurs sociétés américaines peu connues comme Apa Corporation, Chesapeake Energy, EOG Resources ou Marathon Oil Corporation pourraient attirer les acheteurs dans les années voire les mois qui viennent. Et les majors US ne prendront probablement même pas la peine de faire du greenwashing.
Lucas Jakubowicz