CEO de la start-up namR depuis plus de deux ans, l’architecte et ingénieure X-Ponts est convaincue que la data combinée à l’intelligence humaine peut être en mesure de répondre à la nécessaire transition énergétique. Portrait d’une technicienne.
Chloé Clair, l'artiste rationnelle
Chloé Clair fait partie de ceux qui pensent que la tech peut apporter sa pierre à la transition énergétique. Depuis plus de deux ans, l’architecte-ingénieure a pris la tête de namR, première plateforme qui se sert de la data pour révéler le potentiel écologique de n’importe quel actif immobilier et ainsi accompagner l’action des banques, assureurs, collectivités, ministères ou promoteurs. Une sorte de "Back Market de la donnée", l’entreprise se servant de la data en libre accès, et donc déjà créée, pour cibler et mesurer les possibles actions. "Tenir les objectifs de neutralité carbone implique de rénover massivement les bâtiments, explique la CEO. Réutiliser des informations en open data pour évaluer et planifier des travaux, cela permet d’œuvrer de manière sobre et de gagner du temps."
Travailleuse acharnée
Si au moment de prendre le poste, Chloé Clair s’est un temps posé la question de sa légitimité (la quadragénaire affiche tout de même neuf années d’études dont elle a tiré quatre masters), elle a, comme à chaque étape de sa carrière, travaillé dur pour ne pas laisser place au débat. À côté de son ancienne fonction de CTO chez Vinci Construction, elle se forme quatre mois à l’intelligence artificielle afin d’être certaine de comprendre le métier de développeur. Elle ne compte pas non plus ses heures quand il s’agit, lorsqu’elle est nommée à la tête de namR, d’aller lever des fonds nécessaires à la survie immédiate de l’entreprise, qui n’avait pas encore développé de produit malgré ses avancées en recherche et développement.
"Réutiliser des informations en open data pour évaluer et planifier des travaux, cela permet d’œuvrer de manière sobre et de gagner du temps."
Plus jeune, Chloé Clair n’était pas particulièrement intéressée par les sujets tech. Celle qui a grandi dans la région Rhône-Alpes et adorait la littérature, opte finalement pour les maths lorsqu’elle entre en classes préparatoires à Stanislas. Afin de nourrir son côté artiste, elle décide à la suite de Polytechnique de coupler son master de Ponts et Chaussées avec des études d’architecture, ouvrant ainsi la voie à un double cursus qui n’était pas habituel à l’époque. Ses études achevées, son côté très structuré prend le pas sur sa créativité : Chloé Clair décide de faire vivre son diplôme d’ingénieure.
Le goût de l’international
Elle intègre Bouygues Construction, groupe qui lui permettra de passer onze années à l’international, de piloter l’édification de l’aéroport de Larnaca à Chypre ou encore celle de la plus grande tour de Bangkok, le MahaNakhon. Alors que le sujet n’était pas dans le vent, Chloé Clair s’intéresse à l’impact énergétique des bâtiments, à l’efficacité des matériaux. "Je suis une ingénieure convaincue que le cerveau humain est capable de conceptualiser juste ce qu’il faut, là où il faut. C’est mon art."
Indispensable sororité
Puis, il y a six ans, Chloé Clair est chassée pour entrer au Comex de Vinci Construction où elle devient chief technical officer. Avec ses équipes, elle développe une marque de béton bas carbone ou encore des robots pour les chantiers. Si le poste est prestigieux, la CTO regrette que ses convictions et les solutions qu’elles proposent ne donnent pas lieu à autant d’actions concrètes qu’elle le voudrait. L’idée de devenir entrepreneur la travaille, sans toutefois y mettre toute ses billes ou fonder elle-même son entreprise. Chloé Clair s’interroge. Est-ce un véritable risque d’abandonner son statut, de changer d’échelle et faillirait-elle ainsi à la mission qu’elle s’est donnée de faire monter les femmes dans une grande entreprise ? Elle qui a toujours été la première de son genre dans bon nombre de domaines et qui a manqué de rôle modèle, tient à la sororité.
Mais devenir patronne d’une start-up n’empêche en rien cela. "Quand on est dirigeant, on aligne ses aspirations et son métier, remarque-t-elle. Ça se paie cher en stress mais le poste de CEO est le plus beau cadeau que l’on puisse se faire." Et pour ce qui est de sa fibre artiste ? Chloé Clair s’"arrange" pour changer d’habitation tous les quatre ans et la refaire entièrement. Recommencer et apprendre tout au long de sa vie, tel est son credo.
Olivia Vignaud