Après une année 2020 où l’activité de VINCI s’est trouvée fortement perturbée, voire mise à l’arrêt, en raison de la crise sanitaire, le groupe a su réagir et rebondir. Christian Labeyrie, son CFO, revient pour nous sur son rôle au cours de cette période où l’adaptation de la stratégie et la résilience de l’activité mais également des hommes et des femmes du groupe ont été essentielles.

Quels ont été les effets de la crise sanitaire sur l’activité et la stratégie de VINCI ?

Christian Labeyrie. Nous avons été très impactés avec une baisse du chiffre d’affaires consolidé de 10 % en 2020, celle-ci étant encore plus marquée dans nos concessions chez VINCI Autoroutes avec une chute de 18 %, et chez VINCI Airports de près de 62 % en raison de fortes baisses des trafics. Les pôles VINCI Energies et VINCI Construction ont, en revanche, mieux résisté. La baisse du chiffre d’affaires se traduit par une forte diminution du résultat net consolidé ramené à 1,2 milliard en 2020 contre 3,3 milliards d’euros en 2019.

Malgré un contexte très difficile, nous avons eu des sources de satisfaction au cours de l’année passée. Tout d’abord, le niveau du cash-flow libre a été très élevé, atteignant 4 milliards d’euros, proche du record de 2019. Cela a été rendu possible grâce à une gestion du besoin en fonds de roulement efficace avec un très bon niveau de recouvrement des créances clients et à la maîtrise des coûts et des investissements. Ensuite, notre carnet de commandes a continué de progresser en 2020 avec de nombreux succès commerciaux importants, dont plusieurs lots sur la nouvelle LGV en Angleterre remportés par VINCI Construction. Enfin, nos liquidités se sont accrues grâce au soutien de nos banques relationnelles, qui nous ont accordé une ligne de crédit spéciale, et à la confiance des marchés financiers, avec plusieurs émissions d’emprunts obligataires dont un « Green Bond » inaugural.

Les métiers de gestionnaire d’infrastructures en concession et de travaux sont complémentaires, tant en termes de synergies opérationnelles qu’en termes financiers. De plus, la diversité des implantations géographiques participe à la capacité de résilience du Groupe ; toutes les activités n’ont pas été affectées de la même manière. De même, géographiquement, tous les pays n’ont pas été touchés de façon égale.

À la différence des années passées où la plus grande source de résultats et de liquidités provenait des concessions, ce sont les métiers du contracting avec VINCI Énergies et VINCI Construction qui en ont représenté la plus grande part en 2020. Ce constat confirme la pertinence de la stratégie de diversification menée depuis des années par VINCI.

Ces dernières années, les sujets de RSE se sont beaucoup développés : quelle stratégie avez-vous mis en œuvre sur ces points ?

Il s’agit de sujets importants pour toutes les entreprises. En tant que constructeur, nous réalisons des ouvrages qui ne sont pas neutres pour les écosystèmes dans lesquels ils s’insèrent. Nous sommes, par ailleurs, au cœur des problématiques environnementales en matière de transport avec nos concessions d’aéroports et d’autoroutes.

Depuis maintenant une quinzaine d’années, avec la nomination de Xavier Huillard comme président- directeur général, la feuille de route de VINCI porte non seulement sur la recherche de la performance économique et technique mais également sur l’excellence en matière sociale, sociétale et environnementale. Nos activités ayant des effets majeurs sur toutes les parties prenantes concernées, notamment le public et les collectivités locales avec lesquels nous interagissons, nous nous devons d’être proactifs dans ces domaines.

Un manifeste a été rédigé à l’époque. Il comporte différents plans d’actions concernant, entre autres, la sécurité au travail avec un objectif de zéro accident, dont nous nous rapprochons progressivement d’année en année. Puis, en matière de parité, nous avons porté la part des femmes managers de 18 % en 2015 à 21 % en 2020 et souhaitons continuer d’accroitre cette proportion. Un sujet très actuel, mais dont nous parlions déjà il y a quinze ans. Enfin, une charte éthique doit être signée par tous les patrons chez VINCI.

En matière sociétale, nous prenons de nombreuses initiatives pour favoriser l’insertion par l’emploi. Depuis presque trois ans, par exemple, notre programme "Give Me Five" vise à présenter à des jeunes collégiens des quartiers d’éducation prioritaire nos métiers de l’intérieur au cours de leur semaine d’orientation en classe de troisième. Depuis 2002, la Fondation "VINCI pour la cité" soutient des projets parrainés par des collaborateurs dans les quartiers difficiles.

D’un point de vue interne, nous permettons à nos collaborateurs qui le souhaitent de devenir actionnaires de VINCI en bénéficiant de conditions préférentielles dans le cadre d’un Plan d’épargne Groupe. Aujourd’hui, grâce à ce dispositif mis en place il y a une vingtaine d’années, plus de 160 000 salariés ou ex-salariés détiennent collectivement 10 % du capital.

Sur le plan environnemental, nous avons fondé une stratégie ambitieuse sur trois volets. Tout d’abord, en agissant sur le climat en visant une réduction de nos émissions directes de CO2 de 40 % d’ici à 2030 – par rapport à 2018 – mais également en optimisant les ressources, notamment grâce à l’économie circulaire et au recyclage des matériaux. Enfin, nous mettons un point d’honneur à préserver les milieux naturels et la biodiversité. Nous avons présenté une résolution spéciale sur ces thèmes à nos actionnaires, réunis en assemblée générale en avril dernier. Cette résolution a été approuvée à la quasi-unanimité et nous entendons rendre compte chaque année des progrès réalisés.

Enfin, un Prix de l’environnement a été lancé en interne auprès des collaborateurs du Groupe. L’objectif est de développer des solutions concrètes en faveur de l’environnement et de récompenser les meilleures initiatives. Plus de 2 500 projets ont ainsi été présentés par près de 4 000 candidats à travers le monde. 50 000 de nos collaborateurs ont déjà voté pour désigner les meilleurs projets.

Quelles sont les qualités attendues d’un CFO dans ce cadre de reprise chez VINCI mais aussi au sens large ?

Généralement, quelle que soit la fonction, il importe d’adhérer aux valeurs du Groupe : l’engagement, la prise de risque et de responsabilité individuelle, le sens de l’intérêt collectif, la réactivité, la transparence et aussi l’humilité sont essentielles. Personne ne peut obtenir de bons résultats à lui seul. La réussite est le fruit d’un travail d’équipe.

Ce sont d’ailleurs ces valeurs qui nous ont permis de traverser la situation exceptionnelle générée par la crise sanitaire et d’y faire face au mieux. Ainsi, lors du confinement de mars 2020, une bonne partie de nos activités ont été suspendues ou tournaient au ralenti. Dans ce contexte, nous avons donné la priorité à la gestion du cash et à la maîtrise des coûts et des investissements car nous n’avions aucune visibilité sur la durée et l’ampleur de la crise.

Maintenant que la reprise est là, l’attention des financiers opérationnels peut se porter à nouveau sur l’accompagnement du développement de nos métiers. Cela passe principalement par la croissance externe, qui implique d’identifier et d’analyser les cibles pertinentes en réalisant notamment des due diligence approfondies. Le financier joue un rôle clé dans ce processus.

Un dernier sujet, très actuel, lui aussi, avec les périodes de confinement et l’institution du télétravail, est celui de la cybersécurité. Les entreprises comme la nôtre sont attaquées tous les jours avec des méthodes parfois très perfectionnées. Il nous faut améliorer sans relâche la sécurité de nos systèmes d’information et sensibiliser nos collaborateurs. Nous avons recruté des spécialistes de la cybersécurité dont la mission est de définir et mettre en œuvre des plans d’action et de les adapter constamment.

Quels sont les projets à venir pour VINCI ?

En 2020, en dépit de la situation complexe que nous traversons, nous avons engagé des discussions avec ACS, un groupe espagnol de BTP et de services, en vue d’acquérir sa division énergie. Celle-ci offrait l’intérêt d’être présent là où nous ne l’étions pas ou peu, notamment en Espagne et en Amérique du Sud, dans des métiers assez similaires à ceux de VINCI Energies. Il s’y ajoute une capacité démontrée de développer des projets de production d’énergie renouvelable.

La transaction, annoncée en avril dernier, pourrait être finalisée vers la fin de l’année 2021. Elle est très bien accueillie par les investisseurs qui voient, avec le développement des concessions d’énergie renouvelable, un nouveau relais de croissance pour le Groupe, s’agissant notamment des fermes solaires et des champs d’éoliennes. Cette opération stratégique, qui permettra à VINCI d’améliorer sa contribution à la transition climatique, démontre encore une fois notre capacité à se projeter sur le long terme, malgré les difficultés rencontrées.

Propos recueillis par David Glaser

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