La gestion des RPS est un sujet complexe pour les DRH. Marion Minvielle et Aurélie Salon, toutes deux avocates au sein du cabinet Ledoux & Associés et expertes en la matière, nous éclairent sur cette question.
"Il peut s’agir de situation de stress, de violences exercées en interne ou par des personnes extérieures à l’entreprise", entretien avec Marion Minvielle et Aurélie Salon (Ledoux & Associés)
Décideurs RH. Quelles évolutions observez-vous en matière de gestion des RPS ?
Marion Minvielle. De manière générale, nous observons une multiplication des enquêtes internes au sein des entreprises. Dans la plupart des cas, elles font suite à des signalements émanant de salariés portant sur des situations susceptibles d’être caractérisées de harcèlement moral ou sexuel. Il y a eu une évolution jurisprudentielle importante en la matière. En présence d’un tel signalement, l’employeur est désormais non seulement dans l’obligation de diligenter une enquête interne mais il est également tenu de le faire dans un très court délai.
Heureusement, les employeurs sont de mieux en mieux formés et informés sur ces questions. En cas de signalement, plusieurs options peuvent être envisagées. L’employeur peut choisir de mener une enquête en interne (par ses propres moyens, avec le soutien de référent préalablement désigné, le CSE…) ou décider d’externaliser cette enquête, soit parce qu’il estime ne pas avoir les moyens de la diligenter en interne, soit pour lui garantir une plus grande objectivité vis-à-vis des salariés, mais également dans l’éventualité d’un contentieux à venir.
Quelles sont les demandes les plus fréquentes des DRH ?
Aurélie Salon. En matière de gestion des RPS, les entreprises font généralement appel à nos services dans deux situations : dans la première, des signaux laissent supposer l’existence de risques psychosociaux au sein de l’entreprise et cela est relevé par l’Inspection du travail ou par la médecine du travail qui demande à l’employeur d’agir. Notre intervention porte alors sur la réalisation d’un diagnostic pour évaluer les risques psychosociaux et de préconiser des mesures afin de minimiser ces risques. Dans la deuxième situation, la plus fréquente, la direction de l’entreprise nous contacte à la suite d’une alerte de harcèlement. Après une analyse rapide des éléments et à moins que le harcèlement moral ou sexuel ne soit manifestement avéré, il nous est demandé de diligenter une enquête interne.
Dans les deux cas, une intervention rapide est nécessaire afin de faire cesser une situation susceptible d’altérer la santé mentale des salariés ou d’éviter la réalisation imminente d’un risque.
"C’est souvent après la réalisation de ces situations de "crise" que les entreprises prennent conscience de la nécessité d’anticiper les risques par la mise en place d’une politique de prévention pérenne."
Il faut bien comprendre que les risques psychosociaux ont évidemment des conséquences néfastes sur la santé des salariés, mais également sur la productivité de l’entreprise, tant ils peuvent être vecteurs d’absentéisme, de turnover et plus généralement d’une dégradation du climat social.
Quels conseils donneriez-vous à une entreprise pour mettre en place une politique de prévention pérenne ?
M. M. Une politique de prévention des risques psychosociaux doit s’organiser autour de trois niveaux. La prévention primaire consiste à anticiper et identifier l’ensemble des risques qui peuvent peser sur la santé des salariés. Il s’agit d’une obligation légale pour l’employeur qui doit notamment transcrire et mettre à jour régulièrement un document unique d’évaluation des risques. Ce document a vocation à identifier les risques et les mesures prises par l’employeur afin de les neutraliser ou de les réduire au maximum. Un diagnostic permettant d’analyser les situations de travail réelles, notamment lors de la création d’un poste ou de modifications organisationnelles au sein de l’entreprise peut également être envisagé dans ce cadre.
L’employeur doit par ailleurs s’attacher à informer et former son personnel sur les risques présents dans l’entreprise (formation à la gestion du stress, à la reconnaissance du harcèlement, communication sur les procédures internes...). Il s’agit de la prévention secondaire qui vise à réduire les atteintes à la santé des salariés en leur offrant des outils pour gérer les situations à risques. Enfin, la prévention tertiaire vise à limiter au maximum les conséquences de la réalisation d’un risque. Elle passe par la mise en place de procédures et de consignes de sécurité internes claires destinées à permettre une réaction rapide en cas de réalisation d’un risque (procédure de signalement, cellules psychologiques après la survenance d’un événement). L’anticipation permet à l’employeur de prendre les mesures appropriées sans délai. En respectant ces trois niveaux, l’entreprise s’assure une prévention globale des risques psychosociaux.
Il faut néanmoins avoir conscience du fait qu’il s’agit d’un travail permanent. L’ensemble des mesures et actions mises en place doivent être testées et suivies afin de garantir leur évolution et leur adaptation aux conditions de travail effectives des salariés.
Pensez-vous que les salariés soient plus « fragiles » qu’auparavant ?
A. S. Les risques psychosociaux peuvent prendre de multiples formes, il peut s’agir de situation de stress, de violences exercées en interne ou par des personnes extérieures à l’entreprise. Chaque professionnel peut un jour y être exposé. Certaines circonstances actuelles peuvent néanmoins accroître le développement de ces risques. C’est notamment le cas de certaines techniques de management volontairement déstabilisantes qui peuvent créer un contexte professionnel extrêmement lourd et stressant pour les salariés. L’absence de temps de déconnexion, la généralisation du court ou très court terme dans le traitement des demandes sont autant de facteurs de risques, de même que le télétravail qui, dans certaines situations, peut aboutir à l’isolement complet d’un salarié. En contrepartie, les salariés sont heureusement de plus en plus informés sur ces questions et ils se montrent plus à même de reconnaître une situation à risque ou d’identifier des faits de harcèlement, ce qui peut permettre une remontée de l’information plus rapide. C’est en cela que la prévention revêt une importance capitale.
Comment évolue le cabinet pour rester au plus proche de ses clients ?
M. M. et A. S. La singularité du cabinet Ledoux & Associés réside dans notre approche globale des risques accidents du travail et maladies professionnelles en optimisant les cotisations, en gérant les contentieux à risques (pénal, faute inexcusable de l’employeur, etc.) mais aussi en agissant en amont par des actions de sensibilisation aux risques professionnels. Pour être efficace, la prévention doit être personnalisée, il n’y a pas de formule générale qui puisse s’appliquer à toutes les entreprises. Nous nous efforçons de garantir à nos clients une adaptation spécifique à leurs besoins et une grande réactivité. En amont de la réalisation du risque, nous opérons des diagnostics pluridisciplinaires effectués avec différents partenaires (psychologues du travail, ingénieurs en management des risques professionnels) et nous dispensons des formations qui sont créées en fonction des besoins spécifiques de l’entreprise. En notre qualité d’enquêteurs également, nous avons à cœur de nous adapter à la culture de l’entreprise afin que l’enquête puisse favoriser l’apaisement du climat social. Nous nous attachons ainsi à faire de la prévention "sur mesure".
Entretien avec Marion Minvielle et Aurélie Salon, avocates. Ledoux & Associés