Quels sont les objectifs de la nouvelle locataire de la rue de Grenelle, qui considère le travail comme "un lieu de construction de l’estime de soi et du lien social" ?
Astrid Panosyan-Bouvet, une ministre au Travail
Astrid Panosyan-Bouvet, récemment nommée ministre du Travail, se distingue par un parcours diversifié qui conjugue engagement politique, compétences économiques et responsabilités dans le secteur privé.
Un parcours entre public et privé
Diplômée de Sciences Po Paris et de l’ESSEC, Astrid Panosyan-Bouvet a commencé sa carrière dans la fonction publique, ayant notamment été administratrice à la Cour des comptes. Toutefois, c’est dans le secteur privé que sa carrière prend un tournant significatif. En 2009, elle rejoint Unibail-Rodamco-Westfield, leader européen de l’immobilier commercial, où elle occupe plusieurs postes stratégiques. En tant que directrice générale des ressources humaines et de la RSE, elle a su gérer des enjeux de gestion des talents en adoptant une vision axée sur le développement durable – une thématique qui occupe désormais une place centrale dans ses engagements publics. Sa capacité à diriger des équipes dans un environnement international et à intégrer les préoccupations sociétales dans la stratégie d’entreprise a contribué à sa réputation de meneuse pragmatique et visionnaire.
Une socialiste en marche
En parallèle, Astrid Panosyan-Bouvet s’implique activement dans la politique française. Ex-membre du Parti socialiste, elle a cofondé La République en Marche. Élue députée en 2022 au sein du parti présidentiel, elle se distingue par ses positions en faveur de l’économie sociale et solidaire, ainsi que par son engagement pour l’égalité des chances. Nouvellement nommée, elle se retrouve à la tête d’un ministère clé, dans un contexte économique difficile marqué par les défis consécutifs à la pandémie et les crises énergétiques et sociales.
" Les liens avec les partenaires sociaux se sont parfois distendus ces dernières années "
Renouer le dialogue
Comme son Premier ministre Michel Barnier, Astrid Panosyan-Bouvet s’est engagée à poursuivre la réforme des retraites. Soucieuse de garantir la pérennité financière du système, elle reconnaît que des efforts sont nécessaires pour rendre cette réforme "plus soutenable pour tous". Afin de trouver des solutions concertées, la ministre manifeste son désir de renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, reconnaissant que "les liens se sont parfois distendus ces dernières années".
"Le plein-emploi ne doit pas être l’unique priorité. Il faut lever les freins à l’accès aux métiers, en s’appuyant notamment sur l’apprentissage"
Les vertus de la formation
Lors de son discours d'investiture, elle a notamment mis l’accent sur la lutte contre le chômage des jeunes : "Le plein-emploi ne doit pas être l’unique priorité. Il faut lever les freins à l’accès aux métiers, en s’appuyant notamment sur l’apprentissage." La ministre considère que la formation professionnelle doit être adaptée aux réalités d’un marché du travail en constante évolution, avec l’accélération de la transition numérique et écologique. Elle entend donc s’appuyer sur l’apprentissage et la modernisation des systèmes de formation pour permettre aux jeunes d’acquérir les compétences nécessaires dans les secteurs en pleine expansion.
Plus de télétravail ?
Un autre axe fondamental de son programme concerne l’amélioration des conditions de travail. Dans un contexte où le télétravail s’est généralisé, Astrid Panosyan-Bouvet souhaite introduire des mesures visant à garantir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Elle prône des politiques d’accompagnement des entreprises pour que le télétravail, devenu indispensable pour les cadres, se fasse dans des conditions optimales, tout en veillant à ce que les droits des travailleurs soient respectés. Une prise de position qui intervient alors que de nombreuses entreprises, comme Amazon, imposent le retour au présentiel cinq jours par semaine.
Le chantier de la diversité et de l’inclusion
Astrid Panosyan-Bouvet considère l’inclusion sociale comme l’un des piliers essentiels de son portefeuille. Elle entend en effet promouvoir l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, et compte mettre en place des initiatives favorisant l’intégration des seniors et des personnes en situation de handicap sur le marché du travail. Pour elle, un marché de l’emploi dynamique doit être inclusif et accessible à tous, sans distinction de genre, d’origine ou de condition physique.
Un mandat d'équilibriste
Malgré ses objectifs ambitieux, Astrid Panosyan-Bouvet pourrait avoir du mal à redéfinir la politique sociale du pays. Une semaine à peine après sa composition, le nouveau gouvernement est déjà plus que contesté par l’aile gauche de l’Assemblée, tandis que le Rassemblement national, qui souhaite notamment instaurer la "préférence nationale" lors des processus de recrutement, le considère comme son obligé. Un parti avec lequel la ministre a d’ailleurs déjà eu maille à partir. En 2022, pendant l’examen du projet de réforme de l’assurance chômage, Astrid Panosyan-Bouvet, alors députée Renaissance de Paris, a écopé d'un rappel à l'ordre de la part de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, pour avoir qualifié de "xénophobe" le parti de Marine Le Pen. Des propos qu’elle a confirmés par la suite et qui lui ont valu le soutien de nombreux députés macronistes et de gauche. Un présage augurant de bons rapports avec l’hémisphère gauche de l’Assemblée ? Dans un hémicycle divisé en trois blocs, il en faudra sans doute un peu plus pour s’attaquer sereinement à tous les chantiers évoqués.
Outre ces considérations politiques, le volet économique s’avère au moins aussi inquiétant puisque, d’après le projet de plafonds de dépenses 2025 communiqué par les services de Matignon le 19 septembre dernier, le ministère le plus touché sera celui du travail : il verra son budget réduit de 2,3 milliards d’euros, soit 8,8%.
Cem Algul