La crise du travail ne cesse d’être au cœur des revendications sociales. Nombreux sont ceux qui parlent de flemme généralisée. Lors de son allocution aux Français du 17 avril 2023, Emmanuel Macron a annoncé la construction d’un "nouveau pacte de la vie au travail". Quelques points de comparaison avec les autres pays européens peuvent aider à comprendre ce qui peut être amélioré dans l’Hexagone.
"Nouveau pacte de la vie au travail": une nécessité française ?
Les partenaires sociaux ont jusqu’à la fin de l’année pour travailler sur ce nouveau pacte de la vie au travail. Le président de la République a affirmé prendre en compte "la volonté [du citoyen français] de retrouver du sens dans son travail, d'en améliorer les conditions, d'avoir des carrières qui permettent de progresser dans la vie". Différents axes de travail ont alors été énoncés : rémunération, conditions de travail, usure professionnelle, travail des seniors et lutte contre le temps partiel subi.
Conditions de travail
En France, nous partons à la retraite plus tôt que certains de nos confrères européens, la moyenne d’âge étant de 65 ans. Par exemple : 65 ans et 9 mois en Allemagne, 65 ans en Belgique, Autriche et Espagne. Souvent évoquées comme preuve que les Français travaillent moins, ces données doivent être mises en parallèle avec les conditions de travail pour être interprétées au mieux. Selon Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne, la France arrive en avant-dernière position sur les 27 pays en matière d’accident du travail. Le bilan reste tout aussi inquiétant sur la santé psychique des employés français qui sont les plus nombreux en Europe à déclarer des problèmes de stress, dépression et anxiété liés au travail. Ce résultat accablant s’explique en partie par une dégradation de la médecine du travail et des actions de prévention des RPS qui peinent à porter leurs fruits. Une autre donnée alerte les syndicats : la hausse constante des accidents mortels au travail qui grimpe depuis 2010. De nombreux experts expliquent l’ampleur des contestations sociales face à la réforme des retraites par cette crise du travail, pas suffisamment prise en compte par le gouvernement auparavant. Travailler plus longtemps ne pourrait se faire que sous d’autres conditions.
La France arrive en avant-dernière position sur les 27 pays en matière d’accident du travail
Répartition des valeurs
Selon les données de l’Observatoire des inégalités d’octobre 2022, en ving-cinq ans, la part des 10% les plus pauvres pour l’ensemble des revenus recule, tandis que celle des 10% les plus riches augmente. En effet, si en 1997, les 10% les plus riches recevaient 22,8% de la masse des revenus, après impôts et prestations sociales, en 2019, la part a augmenté jusqu’à 23,9%. Concernant la part des 10% les plus pauvres, celle-ci est descendue de 3,6% à 3,5%. Les inégalités de revenus ayant augmenté, un rééquilibrage des valeurs semble nécessaire. Il faut cependant rappeler qu’une étude réalisée par France Stratégie en 2020 révélait que la France est le pays européen où les inégalités de revenus sont les plus faibles. Le contexte inflationniste tend cependant à prêter attention aux écarts qui se creusent entre les rémunérations des grands patrons et les salariés.
Formation professionnelle et emploi des seniors
En 2019, l’OCDE classait la France en 22e position sur les 32 pays sondés en matière de formation professionnelle. Ce ne sont que 32% des Français qui suivent une formation contre 41% en moyenne, et 13% seulement chez les seniors.
Selon Eurostat, la moyenne du taux d’emploi des seniors en Europe est de 60,5%. Avec un taux s’élevant à 55,9%, la France se positionne à la 16e place sur 27 États membres. L’aménagement de fin de carrière constitue l’un des enjeux forts et capitaux du gouvernement, d’autant plus si l’âge du départ à la retraite est repoussé. Pour rappel, selon la Dares, en 2021, seulement 35,5% des 60-64 ans étaient encore sur le marché de l’emploi.
Les Assises du Travail ont remis le lundi 24 avril à Olivier Dussopt une synthèse qui regroupe 17 propositions ayant pour but de "reconsidérer le travail". Celle-ci met en avant "une bataille de la confiance à reconquérir". Si nombreux sont ceux qui regrettent que ces axes d'amélioration n'aient pas été travaillés avant la promulgation de la réforme des retraites, reste à regarder s'ils seront examimés avec les partenaires sociaux lors des prochains rendez-vous annoncés à Matignon.
Elsa Guérin