Avec Pronovias, le leader mondial des robes de mariée, BC Partners réalise un joli coup sur le marché européen du private equity. Jean-Baptiste Wautier revient sur les raisons de ce mariage!

Retrouvez le deal en cliquant sur ce lien.

 

Sur le papier, Pronovias constitue le deal parfait pour le private equity (primaire, majoritaire, actionnaire familial, société peu endettée...). Comment BC Partners a-t-il conquis ce business de robes de mariée ?

Jean-Baptiste Wautier. Comme souvent dans ces processus, soit c'est du bilatéral soit c'est du « by invitation only » en fonction de la réputation du fonds (connaissance du secteur, personnalité des associés...). Côté vendeur, l'objectif est d'obtenir un prix de marché – et nous ne sommes pas tout seul à enchérir, donc on peut vite se rendre compte de la pertinence financière de notre offre –, mais la priorité est aussi de s'assurer que le partenariat fonctionnera bien dans le temps, aussi bien sur le plan de la stratégie d'entreprise que sur celui des hommes et des femmes au travail pour la mettre en œuvre et l'adapter aux situations de marché.

Sur ce deal précisément, quatre ou cinq fonds ont retenu l'attention du vendeur et de son conseil, JP Morgan. S'il n'y a pas eu d'auction à proprement parler, les investisseurs ont tout de même été mis en concurrence sur le prix afin de déterminer une zone de deal plutôt que le bidder le plus généreux. Une fois cette fourchette établie, Pronovias a pu faire le choix du meilleur actionnaire au regard de ses contraintes et objectifs.

 

Pronovias a très peu utilisé le levier bancaire et le M&A pour grandir. Vous arrivez avec ces cordes à votre arc et envisagez de doubler son chiffre d'affaires d'ici à cinq ans. Quel état des lieux faites-vous de l’entreprise ?

Notre grande chance est que, à la différence de Keter par exemple où nous avions renouvelé 21 postes de management sur 27 car l'organisation n'était pas assez solide, Pronovias est déjà structurée de manière professionnelle. Alberto Palatchi a su préparer sa succession en amont, et dès 2012-2013, période où les sujets managériaux ont commencé à surgir et qu'il a compris qu'il ne pourrait pas tenir la barre du navire éternellement, il a recruté une équipe hautement qualifiée avec Andrés Tejero à sa tête. En tant que sponsor, je l'aurais moi-même recruté pour diriger un grand groupe sous LBO tant il correspond au rôle. Pour une fois, nous n'aurons pas trop de travail au niveau des équipes !

Néanmoins, la culture d'entreprise de Pronovias va devoir évoluer vers davantage de création de valeur. Nous allons regarder attentivement les marchés américain et asiatique, une bonne dose de croissance externe sera activée, mais tout cela ne fonctionnera que si nous utilisons le liant de la création de valeur. Ce rachat, et l’accompagnement qui s’ensuivra, sont un modèle d'« évolution par l'existant » plutôt que de « transformation complète ».

 

Sur ce type de dossier, à combien s'évaluent les différences de prix entre investisseurs ?

Je n'ai pas les chiffres exacts. En général, cela se joue à 2 % d'écart de prix maximum, soit 10 ou 15 millions d'euros en l’espèce.

 

Pronovias est désormais valorisée autour de 550 millions d'euros. On a l'impression que vous n'avez pas payé si cher finalement... Partagez-vous ce sentiment ?

Oui, je pense que, par rapport aux standards de ce marché très fragmenté des robes de mariée, nous n'avons pas payé un multiple d'Ebitda affolant. Le business est déjà bien rentable. Cela s'explique notamment par la mise en place d'une politique digitale de longue date. Le groupe a plus d'un million de followers sur les réseaux sociaux. Très tôt, il a compris que le numérique deviendrait la source d'éducation principale de la jeune femme désireuse de se marier. Pronovias est particulièrement attractive, car c'est la seule plate-forme de taille significative à générer un tel trafic organique sur Internet. Les concurrents sont bien plus petits ; on imagine l'effet d'échelle positif que cela crée pour l’activité.

 

On parle du « luxe accessible » dans de nombreux métiers liés au retail. Pronovias suit-elle la même tendance ?

Oui, à la différence que la société n’est pas suiveuse mais a contribué à la définition du « luxe accessible ». Pronovias revendique ce positionnement depuis longtemps, vingt voire trente ans. Encore une fois le marché de la robe de mariée est très segmenté. Cette segmentation s’opère d’abord par pays, puis par âge et enfin par prix. Sur ce dernier point, nous trouvons les gammes « moins de 1 000 euros », « 1 000 à 1 500 euros » et « 1 500 à 15 000 euros et plus ». Le tarif moyen d'une robe, chez Pronovias, est de 1 300 euros. Son cœur d'activité se situe pourtant entre 1 500 et 3 000 euros. Si la robe griffée Pronovias conserve son statut de best-seller, la déclinaison St. Patrick est aussi très appréciée des clientes (et plus abordable). Pour les femmes plus exigeantes, Atelier Pronovias s’efforce de satisfaire leurs désirs !

 

Quelles sont les perspectives de croissance du marché de la robe de mariée ? Avec un regard non averti, on pourrait penser que les pays occidentaux sont moins dynamiques, là où le mariage est moins souverain dans l'esprit des plus jeunes générations...

Les idées reçues sont nombreuses sur le sujet. En réalité, en Europe et aux États-Unis, le volume de mariages est stable depuis vingt ans. Le remariage est en pleine explosion et suffit à contrebalancer des dynamiques générationnelles plus modestes. Ailleurs, en Asie et en Amérique du Sud essentiellement, vous avez des effets démographiques qui sont nettement positifs. Enfin, l'âge moyen du mariage a reculé pour approcher trente ans aujourd'hui contre vingt ans hier. Les « + » et les « - » ajoutés débouchent sur une dynamique globale positive. Nous comptons surfer sur cette tendance, notamment en Chine où l'appétit pour le « mariage à l'occidentale » ne cesse de croître.

 

FS

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail

{emailcloak=off}