De la défaillance au rétablissement, le chemin n’est pas simple. Alo que le climat économique dégradé précipite les entreprises da le fossé, les réorganisatio réussies ne suivent pas.

De la défaillance au rétablissement, le chemin n’est pas simple. Alors que le climat économique dégradé précipite les entreprises dans le fossé, les réorganisations réussies ne suivent pas. Métier d’expert avant tout, la restructuration n’est pas une mécanique applicable à tous mais un traitement efficace seulement si les symptômes s’y prêtent.

Effet de la crise oblige, le nombre d’entreprises en défaillance ne cesse d’augmenter depuis trois ans. Par défaillance, il faut comprendre faisant l'objet d'une ouverture de procédure collective, qu’il s’agisse d’une liquidation judiciaire directe, d’un redressement judiciaire ou d’une sauvegarde. Encore modérée en 2007 (+5,9?%), la hausse des ouvertures de procédure atteint 10,9?% en 2008, puis 11,4?% en 2010. Ce sont alors près de 62 000 entreprises qui sont touchées.
Cette sinistralité accélérée aurait dû créer foule d’opportunités pour les acteurs de la restructuration. Pourtant, toutes les sociétés en difficulté ne sont pas susceptibles d'être redressées. Un seul chiffre pour s’en convaincre : le poids des liquidations judiciaires directes parmi les jugements rendus par les tribunaux, de l’ordre de 68?% en 2008 et 2009.

Les leviers opérationnels

Une entreprise peut connaître des difficultés pour diverses raisons : mauvaise gestion, incident ponctuel, secteur en déclin, endettement trop élevé, etc. Parce que le choix du traitement dépend de la nature du mal, le travail de diagnostic prend tout son sens. Une première analyse opérationnelle permet de déterminer l’existence de leviers internes. L’amélioration de la rentabilité s’obtient par l’augmentation du résultat et par la réduction des charges, conjointement ou alternativement. 

Grasse et mal gérée, la société est la patiente idéale car elle permet la mise en place de mesures curatives. Les instruments classiques de la restructuration peuvent alors se déployer et opérer leurs effets : rationalisation des dépenses de fonctionnement, coupe des budgets non stratégiques (appréciés selon le secteur), réduction d’effectif, renégociation avec les fournisseurs et les prestataires de service. La gestion dynamique du besoin en fonds de roulement permet également de dégager des liquidités de façon parfois substantielle. Ces mesures peuvent être prises à l’initiative des mandataires sociaux, appuyés ou non par des équipes de conseil extérieures, ou par les actionnaires qui décideront alors d’apporter, ou non, des changements à l’équipe de management. Quant à l’augmentation des résultats, la conjoncture limite les moyens d’action, une hausse des prix de vente paraissant risquée.


Second niveau d’intervention

Dans le cas des sociétés déjà optimisées du point de vue opérationnel, le second niveau d’analyse est financier. Deux seuils peuvent être atteints : le premier lorsque les résultats de la société sont tels qu’elle risque de déroger aux conditions de covenants (clauses de respect de ratios financiers liés à sa dette). Si le management anticipe une période de difficulté limitée dans le temps, elle peut se rapprocher des créanciers et engager une négociation. Chaque partie doit alors faire des concessions  : les actionnaires sont sollicités pour apporter de l’equity dans la société, le management doit proposer des mesures opérationnelles fortes, et les créanciers consentir de la flexibilité. Lorsque la rentabilité de l’entreprise se dégrade, au point de la mettre dans l’impossibilité de payer les intérêts et/ou les amortissements de la dette, elle atteint le second palier de difficultés aux conséquences beaucoup plus graves. Parce que la dette portée par la société est trop importante, une renégociation en profondeur s’avère nécessaire. Cette situation, plus complexe, fait apparaître les divergences des intérêts de chacun.

De plus, elle implique souvent des abandons de créances de la part des prêteurs, qui peuvent réclamer, en échange, une part du capital. Cela a notamment été le cas dans la restructuration de la dette de Saint-Gobain Desjoncquères (SGD), l’ancienne filiale de Saint-Gobain spécialisée dans le flaconnage. SGD a été refinancé par le fonds Oaktree, qui en a pris le contrôle à 78?%, le solde des 22?% revenant aux anciens prêteurs participant à l’opération. Toutefois, certaines sociétés ont récemment donné des exemples de best practice au monde de la restructuration : pour Technicolor (ex-Thomson), ou Stahl (participation à 92?% de Wendel), les parties ont réussi à s’entendre sur une renégociation de la dette en vue de remettre sur pied l’entreprise sans en modifier le contrôle. Des exemples à suivre, mais sous deux conditions : l’existence d’un fort endettement et un réel projet de développement. Car pour entamer des discussions, encore faut-il avoir des interlocuteurs, et pouvoir leur apporter une base crédible de négociation.
Les chances de survie

Une fois la question des leviers internes soulevée, la réussite d’une restructuration dépend de facteurs exogènes. Au-delà de la structure propre de l’entreprise, une analyse de l’état du secteur sur lequel elle intervient s’impose : niveau d’obsolescence de l’offre, arrivée de produits de remplacement, évolution de la demande, situation financière des concurrents. Autant d’éléments qui renseignent sur les chances de survie de la société. Ainsi, certaines connaissent des difficultés qui ne sont pas liées à leur fonctionnement, mais au déclin de leur secteur d’activité. Or, des pans entiers de l’industrie ont connu un déclin spectaculaire ces dernières années, entraînant avec eux leurs acteurs. Des acteurs qu’aucun travail de réorganisation ne sauvera de la liquidation.


Une Ferrari sans moteur

Autre point noir caractéristique de cette période de crise, l’absence de croissance. En France, d’après le Fonds monétaire international, la production stagnait en 2008, avant de baisser de 2,2?% en 2009. La reprise de 1,5?% annoncée en avril pour 2010 reste à confirmer, alors que l’Europe se lance dans une grande campagne de rigueur. Élément externe à la société, la dynamique économique n’est pas moins essentielle à son redémarrage une fois sa structure optimisée. Car si un camion sans moteur ne démarre pas, une Ferrari sans moteur ne démarrera pas plus.

Alors que l’explosion du nombre de défaillances annonçait le signe d’un apogée de la restructuration, force est de constater que le mouvement n’a pas eu lieu. Les restructureurs, ou apprentis-retructureurs qui se sont précipités, tamis en main, vers la rivière en crue, se retrouvent aujourd’hui à chercher les pépites au milieu d’un tas de boue. Beaucoup de dossiers se présentent, mais peu offrent du potentiel, et la sélection des cas éligibles à la restructuration s’avère ardue. Aujourd’hui et plus que jamais, l’œil aiguisé du spécialiste de longue date permet de faire la différence entre un bon et un mauvais dossier. La restructuration n’est pas un métier d’improvisation, mais un métier d’expérience et de compétences.

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