Rencontre avec le nouveau président de la marque J.M. Weston, qui revient sur la stratégie marketing tout en discrétion du chausseur de luxe français (groupe EPI de Christopher Descours).
Thierry Oriez (J.M. Weston) : « Le luxe n’est pas notre leitmotiv, mais le fruit de nos efforts »
Décideurs. Qu’est-ce qui caractérise votre marque ?
Thierry Oriez. Derrière J.M. Weston, il y a un chausseur de très grande tradition au service d’une clientèle française, à la fois exigeante et élégante. Paradoxalement, elle est aussi mondialement connue que méconnue. J’en ai moi-même fait l’expérience à mon arrivée il y a six mois. Je n’avais pas idée du degré d’artisanat et de savoir-faire qu’elle revêt, autrement dit du niveau d’intégrité dont elle fait preuve. J’avais conscience de la qualité et du choix que proposait la marque, mais je ne connaissais pas l’étendue des peausseries et la nature du tannage par exemple.
Décideurs. Peut-on alors parler d’un produit de luxe ? Vous en épousez les codes : artisanat, rareté, prix, made in France…
T. O. Les chaussures qui sortent de nos ateliers sont en effet des produits de luxe pour nos clients, ne serait-ce que pour les raisons que vous évoquez. Mais notre mission n’est pas là. Il ne s’agit pas de nous associer à une catégorie. Ce qui nous anime, c’est la fabrication de produits à la qualité irréprochable et au style moderne.
La notion de luxe n’est que la résultante de la façon dont nous faisons notre métier. En d’autres termes, le luxe n’est pas notre leitmotiv, mais le fruit de nos efforts.
Décideurs. Comment communique-t-on autour d’une telle marque : publicité classique, brand content, événementiel ?
T. O. Nous sommes conscients des niveaux d’exigence de nos clients – français et japonais notamment – à l’affût d’informations. Le digital, tout comme le print avec les brochures, ou la communication à l’endroit des journalistes influents, permettent de répondre à leur désir de connaissance. Mais cela concerne nos clients existants. Il faut désormais que les non-clients de la marque aient également en tête ce qui fait sa renommée : tannage végétal, qualité du box, attention au style, service exceptionnel en boutiques ou offre de commande spéciale.
L’organisation d’événements, comme la visite de la manufacture ou l’invitation à des soirées autour de la marque, participe du besoin d’être toujours plus actif dans le conseil. Notre but premier est de donner à entendre le contenu qualitatif de la marque. Et le site web, son impact sur les réseaux sociaux, est pour cela important. Il n’en reste pas moins complémentaire. Seuls la boutique, l’offre physique et le conseil personnalisé assureront notre meilleur marketing.
Décideurs. Certains de vos modèles iconiques suffiraient à faire vivre la marque. Pourquoi ne pas davantage profiter de cette rente au lieu de risquer le marketing de la mode ?
T. O. Cette question rejoint celle de notre clientèle. Des familles entières sont clientes depuis des générations, selon une logique de transmission et de passation. Nous comptons aussi une clientèle nouvelle, plus jeune et séduite par une offre davantage adaptée à son âge et à son style, souvent décontractée. Ce n’est toutefois pas un produit d’appel qui impliquerait une souplesse de notre part dans les coûts de fabrication. Il s’agit seulement de couvrir l’éventail générationnel, sans approche opportuniste.
Pour répondre directement à votre question, nous refusons toute idée de rente. Certes, le mocassin constitue une icône à part entière parmi les cent vingt-cinq modèles en prêt-à-chausser, mais les collections particulières, les séries limitées, les capsules ou les variantes estivales, par exemple, signent son évolution. C’est ce que Michel Perry, le directeur artistique, entend par sa devise : « Que chaque homme s’approprie chaque modèle. »
Décideurs. La marque est née en 1891. Comment voyez-vous évoluer cette histoire ?
T. O. Notre maison doit capitaliser sur ses fondamentaux : le savoir-faire et le style. J’espère qu’elle parviendra à être mieux comprise. La commande spéciale est en ce sens un exemple révélateur. D’une barrière intimidante, elle doit devenir une porte ouverte et un levier de croissance.
Nous sommes sûrs de nos valeurs. Cent vingt ans de métier nous permettent une relative confiance en nous. Cela ne nous fait pas oublier que nous devons être toujours là pour répondre aux désirs de nos clients. En d’autres termes, être encore en mesure de nous réinventer. C’est l’histoire d’une maison et d’une marque qui sont en jeu. Et ce n’est pas de la fausse modestie, car nous sommes attendus. À nous d’être intègres et de ne pas vivre dans le passé.
Propos recueillis par Julien Beauhaire
Thierry Oriez. Derrière J.M. Weston, il y a un chausseur de très grande tradition au service d’une clientèle française, à la fois exigeante et élégante. Paradoxalement, elle est aussi mondialement connue que méconnue. J’en ai moi-même fait l’expérience à mon arrivée il y a six mois. Je n’avais pas idée du degré d’artisanat et de savoir-faire qu’elle revêt, autrement dit du niveau d’intégrité dont elle fait preuve. J’avais conscience de la qualité et du choix que proposait la marque, mais je ne connaissais pas l’étendue des peausseries et la nature du tannage par exemple.
Décideurs. Peut-on alors parler d’un produit de luxe ? Vous en épousez les codes : artisanat, rareté, prix, made in France…
T. O. Les chaussures qui sortent de nos ateliers sont en effet des produits de luxe pour nos clients, ne serait-ce que pour les raisons que vous évoquez. Mais notre mission n’est pas là. Il ne s’agit pas de nous associer à une catégorie. Ce qui nous anime, c’est la fabrication de produits à la qualité irréprochable et au style moderne.
La notion de luxe n’est que la résultante de la façon dont nous faisons notre métier. En d’autres termes, le luxe n’est pas notre leitmotiv, mais le fruit de nos efforts.
Décideurs. Comment communique-t-on autour d’une telle marque : publicité classique, brand content, événementiel ?
T. O. Nous sommes conscients des niveaux d’exigence de nos clients – français et japonais notamment – à l’affût d’informations. Le digital, tout comme le print avec les brochures, ou la communication à l’endroit des journalistes influents, permettent de répondre à leur désir de connaissance. Mais cela concerne nos clients existants. Il faut désormais que les non-clients de la marque aient également en tête ce qui fait sa renommée : tannage végétal, qualité du box, attention au style, service exceptionnel en boutiques ou offre de commande spéciale.
L’organisation d’événements, comme la visite de la manufacture ou l’invitation à des soirées autour de la marque, participe du besoin d’être toujours plus actif dans le conseil. Notre but premier est de donner à entendre le contenu qualitatif de la marque. Et le site web, son impact sur les réseaux sociaux, est pour cela important. Il n’en reste pas moins complémentaire. Seuls la boutique, l’offre physique et le conseil personnalisé assureront notre meilleur marketing.
Décideurs. Certains de vos modèles iconiques suffiraient à faire vivre la marque. Pourquoi ne pas davantage profiter de cette rente au lieu de risquer le marketing de la mode ?
T. O. Cette question rejoint celle de notre clientèle. Des familles entières sont clientes depuis des générations, selon une logique de transmission et de passation. Nous comptons aussi une clientèle nouvelle, plus jeune et séduite par une offre davantage adaptée à son âge et à son style, souvent décontractée. Ce n’est toutefois pas un produit d’appel qui impliquerait une souplesse de notre part dans les coûts de fabrication. Il s’agit seulement de couvrir l’éventail générationnel, sans approche opportuniste.
Pour répondre directement à votre question, nous refusons toute idée de rente. Certes, le mocassin constitue une icône à part entière parmi les cent vingt-cinq modèles en prêt-à-chausser, mais les collections particulières, les séries limitées, les capsules ou les variantes estivales, par exemple, signent son évolution. C’est ce que Michel Perry, le directeur artistique, entend par sa devise : « Que chaque homme s’approprie chaque modèle. »
Décideurs. La marque est née en 1891. Comment voyez-vous évoluer cette histoire ?
T. O. Notre maison doit capitaliser sur ses fondamentaux : le savoir-faire et le style. J’espère qu’elle parviendra à être mieux comprise. La commande spéciale est en ce sens un exemple révélateur. D’une barrière intimidante, elle doit devenir une porte ouverte et un levier de croissance.
Nous sommes sûrs de nos valeurs. Cent vingt ans de métier nous permettent une relative confiance en nous. Cela ne nous fait pas oublier que nous devons être toujours là pour répondre aux désirs de nos clients. En d’autres termes, être encore en mesure de nous réinventer. C’est l’histoire d’une maison et d’une marque qui sont en jeu. Et ce n’est pas de la fausse modestie, car nous sommes attendus. À nous d’être intègres et de ne pas vivre dans le passé.
Propos recueillis par Julien Beauhaire