Membre du comité exécutif et animateur de l'innovation chez Solvay, Pascal Juéry nous livre sa vision pour une chimie responsable et innovante.
Pascal Juéry (Solvay) : «La chimie est la mère de toutes les industries»
Décideurs. Quelle est votre mission au sein du groupe ?
Pascal Juéry. Chacun des six membres du comité exécutif a une « aire » de supervision ; la mienne s’étend aux clients, aux marchés et à l’innovation. J’ai d’ailleurs mené le chantier d’intégration de l’innovation après la fusion avec Rhodia, d’où je venais.
Décideurs. Comment décririez-vous la culture d’innovation de Solvay ?
P. J. Solvay a commencé comme une start-up portée par un procédé industriel disruptif sur le marché du carbonate de soude. Ernest Solvay avait une culture scientifique de pointe. En 1911, il inaugura les Congrès Solvay, qui accueillirent de nombreux prix Nobel. Il est intéressant de noter que la chimie est une science et une industrie. C’est même la mère de toutes les industries, car elle irrigue tous les grands marchés : l’industrie, les biens de consommation, la nutrition, l’agrochimie, etc.
Nous sommes donc en prise avec de multiples réalités. Aujourd’hui encore, l’innovation est un moteur essentiel de la croissance du groupe, qui repose sur une stratégie simple : celle d’une croissance profitable. Notre objectif d’ici 2016 est de porter notre marge d’Ebitda de 1,7 milliard d’euros à environ 2,3 milliards d’euros, sachant qu’un tiers de cette croissance sera porté par des innovations et des nouveaux produits.
Décideurs. Peut-on innover sereinement dans une époque où la précaution est reine ?
P. J. C’est une industrie qui n’a pas l’image qu’elle mérite, peut-être à cause des implications émotionnelles des sujets qu’elle traite. Le progrès technique n’est plus perçu comme faisant avancer l’humanité. Pourtant, on ne peut pas ignorer le changement climatique, le milliard d’humains à nourrir et qui désirent accéder à un meilleur confort de vie.
La chimie ne peut renier ni son environnement, ni l’évolution des besoins de l’humanité. Nous produisons par exemple la silice qui entre dans la composition de la fabrication des pneus. Elle permet de réduire les frottements et la consommation de carburant de 5 %. En automobile toujours, nous avons facilité l’adoption de normes antipollution de plus en plus strictes grâce aux solutions qui permettent de développer les pots d’échappement catalytiques.
J’ajouterai que le travail commence par nous-mêmes. Au-delà du produit final, l’innovation c’est aussi produire de façon plus propre et plus sobre. Solvay a réduit son empreinte carbone de façon drastique, faisant chuter ses émissions d’effets de serre de 50 % et ses effluents de 40 %. On ne parvient pas à un tel résultat sans innovation !
Décideurs. Comment se répartissent vos investissements ?
P. J. Des 300 millions d’euros investis chaque année, 75 % portent sur le développement de nouveaux produits: les matériaux du futur, terres rares, plastiques haute performance, etc. Nous visons le remplacement du métal dans l’industrie automobile et aéronautique, en améliorant la légèreté et les propriétés antifeu de nos produits. Les applications médicales sont également nombreuses. L’effort d’investissement dans les développements produits concerne les formulations « pour une vie meilleure » : gels douches, shampoings et autres produits destinés aux groupes cosmétiques.
L’agrochimie est aussi une grande bénéficiaire de ces investissements : pour faciliter la pousse des graines, notre produit de base est un haricot récolté en Inde ! Enfin, 25 % de notre investissement porte sur le développement de procédés plus productifs et qui diminue notre empreinte.
Décideurs. Comment s’organise votre relation avec les fonds de capital-risque ?
P. J. Notre culture d’innovation est ouverte, fondée sur les partenariats de recherche publique privée. C’est une recherche à long terme, avec des programmes de cinq ans ou plus. C’est le même état d’esprit qui anime nos partenariats avec des fonds de capital-risque. Nous avons détaché un membre de nos équipes chez Sofinnova et Aster. Notre souhait est d’avoir un accès complet et transparent au deal flow avec une fenêtre sur le monde des start-up.
Que le fonds investisse ou non, cette politique nous permet d’apprendre et de comprendre les enjeux des technologies de rupture, et parfois plus. Nous sommes ainsi partis d’une joint-venture avec une société américaine spécialisée dans la torréfaction de la biomasse, qui produira peut-être le prochain substitut au charbon.
Pascal Juéry. Chacun des six membres du comité exécutif a une « aire » de supervision ; la mienne s’étend aux clients, aux marchés et à l’innovation. J’ai d’ailleurs mené le chantier d’intégration de l’innovation après la fusion avec Rhodia, d’où je venais.
Décideurs. Comment décririez-vous la culture d’innovation de Solvay ?
P. J. Solvay a commencé comme une start-up portée par un procédé industriel disruptif sur le marché du carbonate de soude. Ernest Solvay avait une culture scientifique de pointe. En 1911, il inaugura les Congrès Solvay, qui accueillirent de nombreux prix Nobel. Il est intéressant de noter que la chimie est une science et une industrie. C’est même la mère de toutes les industries, car elle irrigue tous les grands marchés : l’industrie, les biens de consommation, la nutrition, l’agrochimie, etc.
Nous sommes donc en prise avec de multiples réalités. Aujourd’hui encore, l’innovation est un moteur essentiel de la croissance du groupe, qui repose sur une stratégie simple : celle d’une croissance profitable. Notre objectif d’ici 2016 est de porter notre marge d’Ebitda de 1,7 milliard d’euros à environ 2,3 milliards d’euros, sachant qu’un tiers de cette croissance sera porté par des innovations et des nouveaux produits.
Décideurs. Peut-on innover sereinement dans une époque où la précaution est reine ?
P. J. C’est une industrie qui n’a pas l’image qu’elle mérite, peut-être à cause des implications émotionnelles des sujets qu’elle traite. Le progrès technique n’est plus perçu comme faisant avancer l’humanité. Pourtant, on ne peut pas ignorer le changement climatique, le milliard d’humains à nourrir et qui désirent accéder à un meilleur confort de vie.
La chimie ne peut renier ni son environnement, ni l’évolution des besoins de l’humanité. Nous produisons par exemple la silice qui entre dans la composition de la fabrication des pneus. Elle permet de réduire les frottements et la consommation de carburant de 5 %. En automobile toujours, nous avons facilité l’adoption de normes antipollution de plus en plus strictes grâce aux solutions qui permettent de développer les pots d’échappement catalytiques.
J’ajouterai que le travail commence par nous-mêmes. Au-delà du produit final, l’innovation c’est aussi produire de façon plus propre et plus sobre. Solvay a réduit son empreinte carbone de façon drastique, faisant chuter ses émissions d’effets de serre de 50 % et ses effluents de 40 %. On ne parvient pas à un tel résultat sans innovation !
Décideurs. Comment se répartissent vos investissements ?
P. J. Des 300 millions d’euros investis chaque année, 75 % portent sur le développement de nouveaux produits: les matériaux du futur, terres rares, plastiques haute performance, etc. Nous visons le remplacement du métal dans l’industrie automobile et aéronautique, en améliorant la légèreté et les propriétés antifeu de nos produits. Les applications médicales sont également nombreuses. L’effort d’investissement dans les développements produits concerne les formulations « pour une vie meilleure » : gels douches, shampoings et autres produits destinés aux groupes cosmétiques.
L’agrochimie est aussi une grande bénéficiaire de ces investissements : pour faciliter la pousse des graines, notre produit de base est un haricot récolté en Inde ! Enfin, 25 % de notre investissement porte sur le développement de procédés plus productifs et qui diminue notre empreinte.
Décideurs. Comment s’organise votre relation avec les fonds de capital-risque ?
P. J. Notre culture d’innovation est ouverte, fondée sur les partenariats de recherche publique privée. C’est une recherche à long terme, avec des programmes de cinq ans ou plus. C’est le même état d’esprit qui anime nos partenariats avec des fonds de capital-risque. Nous avons détaché un membre de nos équipes chez Sofinnova et Aster. Notre souhait est d’avoir un accès complet et transparent au deal flow avec une fenêtre sur le monde des start-up.
Que le fonds investisse ou non, cette politique nous permet d’apprendre et de comprendre les enjeux des technologies de rupture, et parfois plus. Nous sommes ainsi partis d’une joint-venture avec une société américaine spécialisée dans la torréfaction de la biomasse, qui produira peut-être le prochain substitut au charbon.