Pour le directeur général d'Audi France, le succès du constructeur s'explique par une stratégie de long terme.
Benoît Tiers (Audi) : «Un constructeur ne naît pas premium, il le devient»
Décideurs. Quel rapide bilan tirez-vous de l’année 2014 ?
Benoît Tiers. L’ensemble de notre activité est en croissance et notre volume de vente s’accroît fortement. Nous avions formulé une prévision de vente à 1 600 000 véhicules pour 2014 et nous avons finalement revu cet objectif à la hausse à 1 700 000. Ce nombre est à mettre en parallèle de celui-ci de 2007 où Audi vendait moins d’un million de voitures par an.
Décideurs. Où se trouvent aujourd’hui les relais de croissance pour le groupe Audi ?
B. T. Les récentes crises ont montré que nous avions fait les bons choix il y a quelques années. Notre stratégie de croissance s’articule autour de différents pôles : l’Europe, l’Asie et les Amériques. L’objectif est d’assurer une forme d’équilibre entre ces trois zones de manière à garantir à la marque une certaine pérennité. D’autres constructeurs qui se sont davantage concentrés sur des zones – notamment l’Europe – ont connu beaucoup de difficultés ces dernières années. Cette logique à trois pôles est importante pour la vente, mais aussi pour le développement des produits. Audi est une marque mondiale et une Audi reste une Audi. Mais chaque véhicule doit être décliné pour convenir aux spécificités de chaque marché. Sur notre véhicule A6, par exemple, le modèle chinois se trouve rallongé par rapport au modèle européen car son propriétaire est plus souvent assis à l’arrière du véhicule. En résumé, le groupe dispose d’une stratégie globale qu’il décline en spécificité locale. Au-delà des zones géographiques, les relais de croissance pour Audi se trouvent aussi dans le segment du sport utility vehicule (SUV), ou bien sur les nouvelles technologies. Celles-ci diffèrent selon les marchés car les attentes – en matière écologique par exemple – divergent. Néanmoins, il existe un dénominateur commun sur lequel on se positionne, c’est le « plug-in hybrid », ce que nous appelons chez Audi e-tron. Cette technologie permet d’avoir, en quelque sorte, le meilleur des deux mondes : un véhicule électrique pour 80 % de son usage avec lequel l’utilisateur pourra tout de même partir en vacances grâce au moteur thermique dont il dispose. Nous sommes convaincus que cette technologie est la plus crédible. Les études que nous avons réalisées révèlent que certains clients ne feront leur plein de carburant que tous les trois mois. C’est intéressant financièrement, c’est intéressant écologiquement, sans faire l’impasse sur le plaisir de la conduite.
Décideurs. La montée en gamme des constructeurs « généralistes » est une réalité. Comment appréhendez-vous cette nouvelle donne ?
B. T. Tous les ans, il y a au moins un constructeur généraliste qui déclare vouloir faire du premium. Si l’envie est bien là, la réalité elle ne se décrète pas. Il nous a fallu vingt ans d’investissements pour y arriver. Un constructeur ne naît pas premium, il le devient. Il lui faut accepter l’idée qu’il va peut-être perdre ses clients habituels. Cela nécessite du temps et de tenir une stratégie commerciale non agressive qui, le cas contraire, détruirait l’image haut de gamme voulue. Le succès d’Audi est le fruit de cette cohérence et de cette persistence dans cette stratégie. Nous avons toujours privilégié le long terme, en faisant abstraction du court terme. C’est une position difficile à tenir quand la conjoncture se dégrade, mais c’est cela qui a fait la force et le succès d’Audi.
Décideurs. Les économistes sont unanimes : le numérique va impacter le business model des entreprises. Comment appréhendez-vous cette nouvelle révolution industrielle chez Audi ?
B. T. L’automobile de nos petits-enfants n’aura rien à voir avec celle de nos parents. On intègre de plus en plus vite les nouvelles technologies dans les véhicules. La voiture connectée, c’est déjà une réalité. Derrière cela, il y a trois chantiers majeurs. Le premier, c’est la voiture reliée aux autres véhicules et à l’environnement de conduite. Le deuxième, c’est la connexion au profit de l’utilisation du véhicule et de sa maintenance en utilisant à distance les données de la voiture. Enfin, le troisième chantier a trait à la voiture autonome. Cette dernière existe déjà chez Audi avec un premier prototype testé dès 2009 à Salt Lake City ou plus récemment en 2013 au Consumer Electronics Show (CES) à Las Vegas. On avance très vite. Nous sommes capables aujourd’hui de faire rouler un véhicule en pleine circulation, de le garer et de le faire revenir à un point déterminé depuis un smartphone.
Décideurs. Quelles sont, selon-vous, les valeurs que doit partager toute entreprise ou tout entrepreneur/dirigeant en quête de croissance ?
B. T. Il faut savoir rester humble. La croissance ne doit pas se mélanger à l’arrogance. Avoir du succès, c’est le fruit d’un entêtement et d’un long travail. Mais ce n’est pas parce que les choses vont bien que tout est acquis. Quand on est premier, il ne faut surtout pas regarder dans son rétroviseur pour voir où est son concurrent et comment faire pour ne pas être doublé. Bien au contraire, il faut toujours regarder devant, non pour garder une longueur d’avance, mais pour en prendre une supplémentaire.
Propos recueillis par Mathieu Marcinkiewicz
Benoît Tiers. L’ensemble de notre activité est en croissance et notre volume de vente s’accroît fortement. Nous avions formulé une prévision de vente à 1 600 000 véhicules pour 2014 et nous avons finalement revu cet objectif à la hausse à 1 700 000. Ce nombre est à mettre en parallèle de celui-ci de 2007 où Audi vendait moins d’un million de voitures par an.
Décideurs. Où se trouvent aujourd’hui les relais de croissance pour le groupe Audi ?
B. T. Les récentes crises ont montré que nous avions fait les bons choix il y a quelques années. Notre stratégie de croissance s’articule autour de différents pôles : l’Europe, l’Asie et les Amériques. L’objectif est d’assurer une forme d’équilibre entre ces trois zones de manière à garantir à la marque une certaine pérennité. D’autres constructeurs qui se sont davantage concentrés sur des zones – notamment l’Europe – ont connu beaucoup de difficultés ces dernières années. Cette logique à trois pôles est importante pour la vente, mais aussi pour le développement des produits. Audi est une marque mondiale et une Audi reste une Audi. Mais chaque véhicule doit être décliné pour convenir aux spécificités de chaque marché. Sur notre véhicule A6, par exemple, le modèle chinois se trouve rallongé par rapport au modèle européen car son propriétaire est plus souvent assis à l’arrière du véhicule. En résumé, le groupe dispose d’une stratégie globale qu’il décline en spécificité locale. Au-delà des zones géographiques, les relais de croissance pour Audi se trouvent aussi dans le segment du sport utility vehicule (SUV), ou bien sur les nouvelles technologies. Celles-ci diffèrent selon les marchés car les attentes – en matière écologique par exemple – divergent. Néanmoins, il existe un dénominateur commun sur lequel on se positionne, c’est le « plug-in hybrid », ce que nous appelons chez Audi e-tron. Cette technologie permet d’avoir, en quelque sorte, le meilleur des deux mondes : un véhicule électrique pour 80 % de son usage avec lequel l’utilisateur pourra tout de même partir en vacances grâce au moteur thermique dont il dispose. Nous sommes convaincus que cette technologie est la plus crédible. Les études que nous avons réalisées révèlent que certains clients ne feront leur plein de carburant que tous les trois mois. C’est intéressant financièrement, c’est intéressant écologiquement, sans faire l’impasse sur le plaisir de la conduite.
Décideurs. La montée en gamme des constructeurs « généralistes » est une réalité. Comment appréhendez-vous cette nouvelle donne ?
B. T. Tous les ans, il y a au moins un constructeur généraliste qui déclare vouloir faire du premium. Si l’envie est bien là, la réalité elle ne se décrète pas. Il nous a fallu vingt ans d’investissements pour y arriver. Un constructeur ne naît pas premium, il le devient. Il lui faut accepter l’idée qu’il va peut-être perdre ses clients habituels. Cela nécessite du temps et de tenir une stratégie commerciale non agressive qui, le cas contraire, détruirait l’image haut de gamme voulue. Le succès d’Audi est le fruit de cette cohérence et de cette persistence dans cette stratégie. Nous avons toujours privilégié le long terme, en faisant abstraction du court terme. C’est une position difficile à tenir quand la conjoncture se dégrade, mais c’est cela qui a fait la force et le succès d’Audi.
Décideurs. Les économistes sont unanimes : le numérique va impacter le business model des entreprises. Comment appréhendez-vous cette nouvelle révolution industrielle chez Audi ?
B. T. L’automobile de nos petits-enfants n’aura rien à voir avec celle de nos parents. On intègre de plus en plus vite les nouvelles technologies dans les véhicules. La voiture connectée, c’est déjà une réalité. Derrière cela, il y a trois chantiers majeurs. Le premier, c’est la voiture reliée aux autres véhicules et à l’environnement de conduite. Le deuxième, c’est la connexion au profit de l’utilisation du véhicule et de sa maintenance en utilisant à distance les données de la voiture. Enfin, le troisième chantier a trait à la voiture autonome. Cette dernière existe déjà chez Audi avec un premier prototype testé dès 2009 à Salt Lake City ou plus récemment en 2013 au Consumer Electronics Show (CES) à Las Vegas. On avance très vite. Nous sommes capables aujourd’hui de faire rouler un véhicule en pleine circulation, de le garer et de le faire revenir à un point déterminé depuis un smartphone.
Décideurs. Quelles sont, selon-vous, les valeurs que doit partager toute entreprise ou tout entrepreneur/dirigeant en quête de croissance ?
B. T. Il faut savoir rester humble. La croissance ne doit pas se mélanger à l’arrogance. Avoir du succès, c’est le fruit d’un entêtement et d’un long travail. Mais ce n’est pas parce que les choses vont bien que tout est acquis. Quand on est premier, il ne faut surtout pas regarder dans son rétroviseur pour voir où est son concurrent et comment faire pour ne pas être doublé. Bien au contraire, il faut toujours regarder devant, non pour garder une longueur d’avance, mais pour en prendre une supplémentaire.
Propos recueillis par Mathieu Marcinkiewicz