Après une phase d’augmentation des rémunérations en réponse à la flambée de l’inflation et aux tensions du marché du travail, la tendance semble aller cette année vers l’équilibre. Si les cadres sont nombreux à faire part de leur mécontentement face à cette nouvelle donne, les hausses de salaires prévues pour 2025, estimées à 3,6 %, devraient rester supérieures au taux d’inflation.
Emploi des cadres : la hausse des salaires se stabilise
La hausse des salaires des cadres, amorcée entre 2021 et 2022, semble se stabiliser. Après avoir progressé de 4,4 % en 2023, les salaires ont été augmentés de 3,8 % en 2024. Le ralentissement devrait se poursuivre en 2025, la revalorisation des salaires étant estimée à 3,6 % pour l’année prochaine. C’est du moins ce que prévoit une enquête du groupe WTW, effectuée auprès d’un millier d’entreprises en France et publiée le 31 juillet dernier.
Moins d’augmentations, plus de frustration
Une étude réalisée par Robert Walters au cours du premier trimestre 2024 fournit de plus amples éclairages sur la situation. Menée auprès de plus de 500 cadres en France, elle révèle que 49 % des cadres ont été augmentés début 2024, contre 68 % en 2023. Une tendance à la baisse qui s’accompagne d’un certain mécontentement : les cadres ayant été augmentés sont près d’un sur deux (45 %) à juger que leurs attentes n’ont pas été satisfaites. En l’occurrence, 78 % des cadres ont obtenu entre 1 et 5 % d’augmentation, tandis qu’ils ne sont que 13 % à avoir pu négocier une augmentation de 6 à 10 %.
Sans grande surprise, l’étude souligne à quel point la rémunération reste un élément central de satisfaction et de rétention des cadres. En effet, 68 % de ceux qui ont été déçus par leur augmentation envisagent de changer d’emploi dans les deux années à venir. Un chiffre à prendre avec précaution toutefois, puisque la dynamique de l’emploi des cadres reste stable. Ainsi, d’après le dernier baromètre de l’Apec, la part des cadres qui accorderaient une “grande attention” à une proposition d’emploi dans une autre entreprise est restée la même en mars 2024 qu’en mars 2023 (soit 28 %).
Les RH, grandes gagnantes de l’année 2024
L’étude de Robert Walters met en évidence de nettes disparités sectorielles dans l’augmentation des cadres. Cette année, ce sont les ressources humaines qui ont tiré leur épingle du jeu : 73 % de cadres RH ont été augmentés, contre 60 % en 2023. Viennent ensuite les professions de l’ingénierie (62 %), les professionnels des achats & supply chain (57 %), le juridique, fiscal et la conformité (56 %), l’IT et le digital (53 %), enfin la finance (50 %). Les secteurs du marketing et du commercial arrivent en bas du podium, avec seulement 27 % de cadres augmentés.
Force est de constater que les entreprises ont privilégié l’augmentation comme réponse aux difficultés rencontrées par les RH ces dernières années. Le cabinet Robert Walters soulignait ainsi, dans son analyse des tendances du marché RH publiée en mars dernier, que 56 % des cadres RH souhaitaient changer d’emploi dans les douze prochains mois (dix points de plus qu’en 2023). Parmi les facteurs qui motivent leur décision : la complexification de leur métier, et, dans des secteurs comme la tech, la nécessité de faire face à des périodes de croissance et de décroissance successives. Ils ont aussi été nombreux à exprimer une certaine lassitude au sortir de la crise du Covid, particulièrement éprouvante pour les directions des ressources humaines.
Coralie Rachet, Managing Director France de Robert Walters, abonde en ce sens : “Les entreprises semblent avoir pris conscience du rôle stratégique de la fonction RH en faisant des efforts pour la valoriser, et cela passe entre autres par des augmentations.”
Et pour cause : profiter d’un très bon niveau de rémunération, être managé par des responsables à l’écoute et efficaces ainsi que pouvoir travailler en autonomie constituent les premiers critères de satisfaction des responsables de ressources humaines.
Réduction de l’inflation et tensions de recrutement en baisse
Il convient malgré tout de relativiser ce ralentissement de la hausse des salaires en le replaçant dans le contexte économique de ces dernières années. Entre 2021 et 2022 en effet, la forte poussée inflationniste avait conduit certaines entreprises à octroyer des augmentations plus importantes que de coutume, afin de compenser la hausse des prix. Or, l’inflation semble enfin se calmer : après avoir atteint en moyenne 5,7 % en 2023, elle est retombée selon l’Insee à 1,9 % en août 2024. Une tendance qui devrait se poursuivre, puisque la Banque de France prévoit qu’elle se stabilisera autour de 2 % l’année prochaine. Estimées à 3,6 % pour 2025, les augmentations de salaires resteraient dès lors supérieures au taux de l’inflation.
Par ailleurs, le marché du travail se détend, et les entreprises rencontrent actuellement moins de difficultés à recruter : 41 % des employeurs sondés par WTW ont eu du mal à attirer ou à retenir des salariés en 2024, soit un recul de sept points depuis l’été 2022.
À cela s’ajoute un ralentissement des recrutements de cadres, enclenché il y a quelques mois déjà. La dynamique reste positive, mais selon le baromètre de l’Apec, 10 % des entreprises ont embauché au moins un cadre au premier trimestre 2024, soit quatre points de moins qu’au premier trimestre 2023. Autant d’éléments conjoncturels qui expliquent la stabilisation de la hausse des rémunérations.
Les avantages non monétaires plébiscités par les cadres
Enfin, si le salaire reste l’élément phare pour expliquer la satisfaction ou le mécontentement des collaborateurs, d’autres critères prennent une place de plus en plus importante. Les entreprises l’ont bien compris et intègrent cette donnée dans leur politique RH. Comme le montre l’enquête de WTW, 54 % des sondés bénéficient de flexibilité au travail et ont vu leur entreprise mettre davantage l’accent sur la diversité, l’équité et l’inclusion. En outre, 47 % des interrogés ont constaté une augmentation des perspectives de formation et de développement, et 32 % ont déclaré bénéficier d’avantages relatifs à la santé et au bien-être. Autant de leviers à actionner pour attirer de nouveaux collaborateurs et développer l’engagement des salariés.
Caroline de Senneville