Suite à la publication de sa nouvelle édition de l’Étude de rémunération, Coralie Rachet, managing director du cabinet Robert Walters, revient sur les tendances du marché de l’emploi des cadres en France pour 2024.

Décideurs. D’après votre étude, quelles sont les tendances à prévoir sur le marché de l’emploi cette année ?

Coralie Rachet. Après une année 2022 euphorique en matière de volume d’offres d’emploi, nous avons constaté en 2023 un retour à la normale, avec un niveau d’offres similaire à celui de 2018. Les recrutements se complexifient mais se poursuivent : les candidats sont très actifs et, habitués à des propositions de salaires élevées lors de ces deux dernières années, ils multiplient les candidatures pour ne pas manquer de belles opportunités.

Les entreprises sont conscientes de cette volatilité des cadres mais, bien qu’inquiètes quant à la pénurie de talents et de candidats, elles ne sont plus prêtes à tout pour recruter et posent des limites, aussi bien sur la rémunération que sur la flexibilité. Elles attendent désormais des candidats qu’ils proposent un véritable projet, avec une vision claire de leurs ambitions et des compétences à développer. En effet, les entreprises recherchent des cadres s’inscrivant dans une démarche de développement professionnel et de croissance mutuelle, qui apportent une réelle valeur ajoutée à l’entreprise et s’engagent sur le long terme.

Cette volatilité est parfois nuisible aux candidats, car les recruteurs peuvent considérer qu’ils ne sont pas suffisamment impliqués dans le projet. Nous observons de plus en plus d’entreprises qui souhaitent, dès le début du processus de recrutement, se mettre d’accord sur la rémunération avant de poursuivre les entretiens.

Quels facteurs incitent les candidats à envisager de changer d’emploi en 2024 ?

D’après notre étude, 55% des candidats envisagent de changer d’emploi dans les douze prochains mois. Leurs principales motivations sont une meilleure rémunération (94%), un autre style de management (46%), l’évolution de leur carrière (25%) et une plus grande flexibilité (23%). Les candidats recherchent des opportunités qui répondent à leurs aspirations professionnelles et personnelles, mais la rémunération reste bel et bien en tête de leurs préoccupations, et ce, à un niveau encore jamais vu auparavant.

Si les valeurs et les engagements des entreprises sont importants pour plus de neuf cadres sur dix, les cadres souhaitent avant tout que leur organisation s’engage sur leur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle (84%), avant les sujets climatiques (28%) et ceux de diversité et d’inclusion (20%). Les entreprises qui sauront répondre à ces attentes en proposant des politiques de flexibilité et de conciliation vie ­professionnelle-vie personnelle attractives auront un avantage certain dans la guerre des talents.

L’intelligence artificielle aura-t-elle un rôle à jouer sur le marché de l’emploi en 2024 ?

Après un essor considérable en 2023, l’intelligence artificielle continuera d’évoluer, et semble d’ailleurs être accueillie avec optimisme par les cadres. Selon notre étude, 79 % d’entre eux ne s’inquiètent pas de l’utilisation de cette technologie. Ils y voient même l’occasion d’améliorer leur productivité en automatisant les tâches à faible valeur ajoutée. De plus, l’intelligence artificielle pourrait devenir un outil précieux pour prévoir les démissions des collaborateurs, permettant ainsi aux managers de mieux comprendre les besoins et les aspirations de leurs équipes.

Un atout en passe de devenir indispensable, notamment lorsque l’on sait que 32 % des cadres préfèrent démissionner plutôt que se confronter ou exprimer leur désaccord à leur manager. Les entreprises seraient ainsi en mesure d’anticiper les départs et de mettre en place des actions pour retenir leurs meilleurs talents. L’intelligence artificielle devient donc une alliée pour les cadres et les entreprises dans la gestion des ressources humaines.

"Les candidats recherchent des opportunités qui répondent à leurs aspirations professionnelles et personnelles, mais la rémunération reste bel et bien en tête de leurs préoccupations"

Le sujet de la parité a-t-il évolué en 2023 en entreprise ?

Après trois années blanches, quelques évolutions ont marqué l’année 2023. L’index égalité professionnelle a progressé de deux points en un an, et les entreprises sont de plus en plus nombreuses à avoir une note supérieure à 75/100, preuve d’un engagement de leur part. Cependant, il faut poursuivre les efforts.

En effet, notre enquête met en évidence les disparités entre les hommes et les femmes lorsqu’il s’agit de demander des augmentations. Ces dernières sont moins nombreuses à s’attendre à une augmentation cette année, et n’osent pas négocier en raison d’un manque de confiance pour 28% d’entre elles, tandis que seulement 6% des hommes avancent cette raison. Ainsi, il est essentiel de continuer d’accompagner davantage les femmes dans leur parcours professionnel, à travers des programmes de coaching par exemple.

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Quelles fonctions seront les plus ­recherchées en 2024 ?

Dans un marché difficile, toutes les fonctions seront en tension. Les dynamiques géopolitiques et économiques actuelles, ainsi que les évolutions des rapports au travail auront un impact sur l’ensemble des secteurs. Les entreprises devront être prêtes à attirer et à retenir les talents dans un contexte concurrentiel. Cependant, certaines fonctions tireront leur épingle du jeu. C’est le cas dans le secteur juridique, où les postes de juristes M&A seront fortement recherchés, ainsi que les professionnels de la conformité et de la fiscalité prix de transfert. Côté ressources humaines, les DRH polyvalents, issus du droit social, auront la cote auprès des entreprises, pour qui les sujets de relations sociales seront au cœur des enjeux cette année. Les métiers de la finance resteront clés en 2024, particulièrement dans ce marché incertain : les entreprises auront besoin de sécuriser la trésorerie et de chercher de l’optimisation auprès des opérationnels, nécessitant ainsi le recrutement d’experts sur ces domaines.

Nous observons également une demande croissante pour des profils spécialisés dans le domaine de la transformation digitale et de l’innovation. Les entreprises cherchent à se différencier et à rester compétitives dans un environnement en constante évolution. Les cadres qui possèdent des compétences en intelligence artificielle, en cybersécurité et en data sciences seront particulièrement sollicités. Enfin, les métiers liés à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) seront également en forte demande : les entreprises prennent de plus en plus en compte les enjeux environnementaux et sociaux, et recherchent des cadres capables de les accompagner dans leur transition vers une économie plus responsable.

Entretien avec Coralie Rachet, Managing Director, ROBERT WALTERS

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