À l’occasion de la publication de la nouvelle étude de rémunération du cabinet de recrutement Robert Walters, Coralie Rachet, managing director, revient sur les principales tendances du marché du recrutement des cadres en France.

Décideurs. Comment la crise sanitaire a-t-elle impacté le marché du travail en France, et surtout, comment les professionnels et entreprises vont-ils s’adapter pour l’année à venir ?

Coralie Rachet. Nous faisons évidemment face à une année très particulière, marquée par une crise sanitaire et des confinements successifs. Toutefois, depuis la fin du premier semestre 2021, nous observons un retournement majeur du marché de l’emploi des cadres en France, avec un rebond du nombre de créations de postes et de projets relancés. Cette période de redémarrage de l’activité est en effet l’occasion pour les entreprises de reprendre les projets arrêtés ou mis en pause jusque-là, nécessitant le recrutement de nouveaux talents pour les prendre en charge. Cependant, ces entreprises doivent faire face à une guerre des talents plus intense que jamais.

Le marché est tendu, les entreprises rencontrent des difficultés à recruter, et les candidats ont de nouvelles aspirations. Parmi elles, la mobilité : professionnelle, mais aussi géographique, grâce aux opportunités offertes par le nouveau monde du travail, comme bien sûr le télétravail qui est devenu un incontournable. En effet, les années 2020 et 2021 ont permis aux cadres de travailler depuis leur domicile, l’occasion pour beaucoup de déménager. Une étude menée par notre cabinet a d’ailleurs permis de relever que 47 % des professionnels en France envisageaient de s’installer à la campagne suite à l’instauration du télétravail.

Nous constatons malheureusement un autre impact majeur de la crise sanitaire sur le marché du travail : le ralentissement des progrès en matière de diversité. En effet, l’écart salarial se creuse à nouveau entre les femmes et les hommes, pour la première fois depuis dix ans. Pourtant, la diversité et la lutte contre les discriminations, au-delà d’un sujet de responsabilité sociale, sociétale et collective, constituent aussi des enjeux de compétitivité pour les entreprises.

"2022 sera une année de rupture et d'innovation"

Selon vous, quelles principales tendances de recrutement allons-nous observer en 2022 ?

Concernant 2022, ce sera une année de rupture et d’innovations exceptionnelles : l’industrie du recrutement a connu un réel bond technologique, qui a permis de fluidifier et de professionnaliser le marché. Les directions des ressources humaines, et notamment les équipes Talent, aussi bien sur le volet acquisition que rétention, deviendront les partenaires privilégiés des directions générales et constitueront un réel levier de performance. Elles seront indispensables aux entreprises pour faire face à ce contexte de pénurie de talents.

Les entreprises rechercheront des candidats pour leur expertise technique, mais aussi pour leurs soft skills. Si elles étaient déjà recherchées au cours de ces dernières années, elles sont désormais devenues essentielles dans cette période de transformation. Adaptabilité, communication et intelligence émotionnelle seront des atouts que les professionnels devront mettre en avant pour se démarquer aux yeux des recruteurs. Mais leur motivation sera également clé : désormais, il faudra penser appétences autant que compétences.

Une autre tendance qui a fait son apparition cette année et qui s’accentuera en 2022 : l’attractivité des territoires. En effet, le télétravail a permis d’attirer les cadres en région, qui y voient une opportunité de favoriser leur bien-être et l’équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle. Ce nomadisme numérique représente également un atout pour les entreprises, en leur permettant de compenser les pénuries de compétences et d’étendre leur vivier de talents, au niveau national, mais également international.

"Le nomadisme numérique représente également un atout pour les entreprises"

Les cadres peuvent-ils espérer des augmentations en 2022 ?

D’après les résultats de notre étude, 44 % des cadres s’attendent à percevoir une augmentation dans l’année à venir, contre seulement 26 % l’an dernier. Ce chiffre témoigne de l’optimisme du marché. En effet, conscients de leur prise de valeur et de pouvoir sur le marché, les cadres ont repris confiance et attendent une forme de rattrapage et de reconnaissance du passé.

Du côté des entreprises, si ce contexte incertain les incite à faire preuve de prudence, l’actualité ponctuée par la réévaluation du Smic, l’inflation contenue et la guerre des talents, les pousse à adapter les rémunérations de leurs collaborateurs actuels et futurs. En effet, afin d’attirer mais également de retenir les cadres, les entreprises devront se montrer créatives en matière d’environnement de travail, mais aussi et surtout en termes de packages. Il faudra donc s’attendre en 2022 à un retour progressif aux budgets d’augmentation d’avant crise, et donc à une augmentation des salaires des cadres, prudente mais bien réelle.

Sur quels aspects les entreprises devront-elles être vigilantes pour attirer et recruter des talents ?

Les attentes des candidats seront sensiblement les mêmes que celles que l’on observe déjà aujourd’hui : agilité, flexibilité et package attractif seront donc toujours aussi recherchés en 2022. Cependant, les entreprises devront être innovantes et aller plus loin en proposant des "extra packages", comme des places en crèche par exemple, et toute autre avantage relatif au bien-être au travail.

Il sera indispensable que les managers incarnent et représentent la culture de leur entreprise tout au long du processus de recrutement. En effet, les candidats sont plus vigilants et attentifs quant aux valeurs et au positionnement de l’entreprise : ils souhaitent désormais épouser le sens et la mission de celle qu’ils rejoignent. Une attention particulière devra donc être portée à l’onboarding mais également au pré-boarding de ces candidats.

Côté télétravail, si la plupart des entreprises ont déjà mis en place une politique claire sur le sujet, elles devront être attentives à ce que le rythme de chaque fonction soit en accord avec le reste de l’entreprise. Il faudra également travailler sur le sentiment d’appartenance des collaborateurs à l’entreprise, et faire du temps passé au bureau un temps collectif et de partage.

Dans ce contexte de guerre des talents et pour ne pas passer à côté des cadres experts, les entreprises devront privilégier un processus de recrutement court, en prenant toutefois garde à bien évaluer les soft skills, hard skills et la motivation des candidats. Être réactif sans pour autant faire des concessions sur le niveau d’exigence vis-à-vis d’un candidat sera donc la clé d’un recrutement réussi pour l’année à venir.

Entretien avec Coralie Rachet, managing director, Robert Walters

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