T. Vanssay de Blavous, DRH Groupe, ministère des Armées : "L’armée est le premier recruteur de l’État"
Décideurs. Vous annoncez l’embauche de 26 000 personnes en 2022. Quelle est votre politique de recrutement ?
Thibaut de Vanssay de Blavous. Nous avons un renouvellement de 10 % de nos effectifs chaque année pour une raison simple et assez particulière au ministère des Armées : nous avons besoin d’une armée jeune car le métier militaire est exigeant. La moyenne d’âge des militaires est de 33 ans. Notre politique de recrutement est donc entièrement tournée vers la jeunesse. L’autre défi en matière de recrutement qui englobe tant les militaires que les civils (représentant environ un quart de nos effectifs), c’est celui de la diversité des métiers. Aucune autre organisation en France n’assure, en permanence, le fonctionnement de réacteurs nucléaires (sous-marins et porte-avions Charles de Gaulle), d’une puissante flotte aérienne et des blocs chirurgicaux sur le territoire national et en opération mais également des internats pour des collégiens ou encore des musées. Piloter la fonction RH du ministère des Armées exige donc une organisation solide, puissante et innovante.
Recruter davantage de jeunes est l’une de vos priorités ?
J’ai l’habitude de dire que nous sommes le deuxième ministère de la Jeunesse, après l’Education. Vous l’avez compris, la jeunesse répond à des nécessités opérationnelles. Mais nous proposons à celles et à ceux qui nous rejoignent un contrat social et une promesse. Le contrat, c’est d’assurer une formation professionnelle permanente et d’accompagner les militaires dans leur deuxième vie professionnelle à travers un système de reconversion très puissant. La promesse, c’est celle de l’égalité des chances qui constitue un principe très fort auquel nous croyons. Nos armées tiennent la promesse républicaine de permettre de progresser à ceux qui le souhaitent. Tout le monde peut faire carrière au sein de l’armée, l’escalier social existe et fonctionne. Et pour preuve, 50 % des officiers proviennent des sous-officiers et 50 % des sous-officiers des soldats. L’égalité des chances se déploie également dans nos lycées de la défense ou à travers le dispositif d’insertion sociale du service militaire volontaire pour ceux qui sont éloignés du système scolaire.
Et recruter davantage de femmes ?
Les femmes représentent 39 % des agents civils, 40 % des cadres dirigeants et 16 % des militaires. Nous avons l’une des armées les plus féminisées au monde et nous ne pouvons pas nous priver de 50 % des talents de la population. Sous l’impulsion de la ministre des Armées, Florence Parly, nous avons déployé un plan « mixité » visant à attirer plus de femmes. Il se bâtit autour de trois axes : y venir, y rester, y évoluer. L’un des objectifs fixés est de porter à 10 % la part des femmes parmi les officiers généraux.
"L’armée tient la promesse républicaine de permettre à ceux qui le souhaitent de progresser"
Sur le front de la guerre des talents, l’armée est-elle concernée ?
Nous sommes le premier recruteur de l’État avec 26 000 recrutements par an. Et 80 % des jeunes ont une image positive de l’armée. C’est un capital très précieux. Nous n’avons pas de problème de "guerre des talents" parce que nous proposons une expérience unique et des métiers émergents. Les jeunes sont très attentifs au sens de leur métier et de la mission. Notre élément différenciant est la valeur du collectif que nous incarnons. Par ailleurs, nous investissons, chaque année, 1 milliard d’euros dans l’innovation. Les talents savent qu’ils ne trouveront ni autant de moyens ni des projets de même envergure ailleurs. L’apprentissage et l’upskilling en interne sont également des leviers d’action pour fidéliser les talents.
Quelle est la place de la RSE au sein de l’armée ?
La responsabilité sociétale et sociale des armées était déjà à l’œuvre avant même que le concept de RSE n’apparaisse. Notre engagement social, extrêmement fort, se mesure par nos actions auprès des familles, de nos blessés et en faveur de l’amélioration des conditions de logement. En interne, l’accompagnement d’un militaire se déroule dès son entrée en service jusqu’à la fin de sa carrière, mais également auprès de sa famille. La gestion du capital humain est intégrale : recruter, faire progresser et accompagner. Quant à la dimension environnementale, le ministère est le premier propriétaire foncier de l’état. Nous avons donc un devoir de préservation de l’environnement en France. La RSE doit englober le capital humain dans son ensemble. Cela correspond à ma vision de la fonction RH. Le DRH, que je suis, doit être visionnaire avant d’être gestionnaire.
Propos recueillis par Elsa Guérin