Par Pierre-Olivier Bernard et Sandrine Henrion, avocats associés. Opleo Avocats
Complément de rémunération motivant: le choix des armes en attendant mieux
En France, faute d’un système de rémunération ad hoc des hommes clés de l’entreprise offrant un complément de rémunération qui récompense leurs performances individuelles en lien direct avec celles de l’entreprise, dirigeants, DRH et comités de rémunération doivent rivaliser d’ingéniosité dans l’utilisation des outils de rémunération existants pour éviter l’évasion de talents à l’étranger.
Crise oblige, la rémunération des cadres à fort potentiel est à la baisse. Or, trouver les moyens de motiver ceux-ci s’avère impérieux en France ; d’autres pays ont su mieux structurer les rémunérations, dans un contexte social et fiscal plus adapté, avec un complément rétribuant individuellement leurs performances. Aussi, pour éviter la migration de nos talents, tout en jonglant à moindre coût avec une réglementation sociale et fiscale contraignante, «?incentiver?» avec souplesse, dans l’intérêt premier de l’entreprise, est devenu la priorité. Les outils de rémunération existants, individuels ou collectifs, présentent pourtant tous, sur ce point, forces et faiblesses. Les entreprises n’ont donc d’autres moyens que de composer avec chacun pour créer un «?package?» individualisé motivant, en attendant que le Législateur crée des outils intermédiaires plus adaptés… Si les entreprises jouent bien le jeu en observant de bonnes pratiques, garantes des déviances relevées par le passé à l’origine notamment du durcissement de la fiscalité et de la hausse des charges sociales des actions gratuites et stock-options.
La politique de rémunération, un art subtil
Dans un contexte économique morose, les dirigeants sont astreints à remettre à plat leur politique de rémunération, spécialement celle de leurs cadres de haut niveau pour les fidéliser avec efficience. Ainsi, le durcissement du coût du travail incite à rechercher tous azimuts optimisations sociales et fiscales et à motiver les cadres, fonction de leurs performances individuelles et de celles de l’entreprise. Les temps ne sont plus à la systématisation des compléments de rémunération, partant de droits acquis, mais à récompenser, à la discrétion de l’entreprise, le dépassement de soi. Or, le dogmatisme ambiant des administrations, contraintes par une réglementation absconse, pèse sur la gouvernance où l’autocensure est parfois devenue de mise. Ce qui n’est pas sans poser un problème de compétitivité : certains pays, tels le Royaume-Uni, les États-Unis, le Brésil, ou encore Hongkong et Singapour, proposent à leurs cadres des rémunérations spécialement structurées pour récompenser leur implication, la France peinant en revanche à trouver des outils adaptés qui récompensent l’investissement attendu. D’où l’intérêt pour les entreprises à panacher les outils de rémunération disponibles en distinguant bien l’objectif de rentabilité des moyens de l’atteindre : la motivation financière des cadres, centrée sur leurs performances personnelles, et donc ciblée, par un complément de rémunération non défavorable socialement et fiscalement.
La quadrature du cercle
L’incertitude économique persistante incite à trouver dans l’épargne salariale, à laquelle restent attachées exonérations fiscales et sociales, un complément de rémunération motivant, l’opération restant fiscalement neutre pour l’entreprise. Mais les différents instruments que recouvre l’épargne salariale restent par définition collectifs. C’est en particulier le cas de la participation aux bénéfices, obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés. La réserve spéciale de participation est établie par accord entre l’entreprise et ses salariés ou représentants, comme la répartition de la somme, faite proportionnellement aux salaires ou au temps de présence, voire uniformément, ce qui limite le spectre d’individualisation. Prenons à présent l’exemple de l’intéressement ou de l’intéressement de projet1. Facultatif, ils ont été conçus pour motiver le personnel et l’intéresser à la performance de l’entreprise, en conditionnant la rémunération à un objectif à atteindre par tous. Objectif sur la base duquel s’opère le calcul du montant, fonction de critères orientant les efforts à fournir. La formule est a priori séduisante pour «?incentiver?» : bloqué pendant cinq ans sur un plan d’épargne, l’intéressement n’est pas imposable pour le bénéficiaire qui, depuis 2005, peut être le dirigeant d’une entreprise de moins de cent salariés, son conjoint, voire ses collaborateurs ou associés. Mais, ici aussi, un accord entre entreprise et salariés fixe les formules de calcul et les modalités de répartition, identiques à celle de la participation aux bénéfices. On le comprend, ces dispositifs d’épargne salariale permettent à l’ensemble des salariés de bénéficier des performances de l’entreprise sans cependant mettre l’accent sur les performances individuelles. En fait, l’outil le plus adapté afin d’individualisation reste le bonus ; mais c’est aussi l’outil le plus taxé. L’attribution d’actions gratuites et de stock-options poursuit le même objectif, mais les excès du passé lui ont fait perdre une grande partie de son attractivité sociale et fiscale. En dehors de ces dispositifs, enfin, l’accès au capital, suppose le paiement du prix des instruments financiers. Cette formule visant l’alignement d’intérêts des cadres avec ceux de l’entreprise reste performante pour motiver les premiers : fondée sur une logique de relution, elle repose sur un accord par lequel entreprise et cadres définissent les conditions financières de leur collaboration en encadrant les risques pécuniaires pris par chacun. Cet accès au capital préserve la liberté contractuelle, tout en étant personnalisable, mais peu de cadres ont les reins financiers suffisants pour supporter pareils risques, ce qui réduit d’autant le nombre de candidats, sans compter le risque de requalification des gains en rémunérations professionnelles.
Tous ces systèmes sont complémentaires, avec leurs plus et moins : les bonus, outils les plus souples en termes d’individualisation mais surtaxés ; l’épargne salariale (dont l’intéressement assis sur les performances de l’entreprise) garante d’un régime social et fiscal favorable, et donc motivante, mais hors champ des performances individuelles ; enfin, l’accès au capital payant, porteur d’un risque financier que tous ne peuvent pas prendre. Ne reste plus qu’à «?faire son marché?», à défaut de systèmes intermédiaires efficients, socialement et fiscalement adaptés, reliant les performances individuelles et celles de l’entreprise. Avis au Législateur… si les entreprises veulent bien aussi, de leur côté, s’astreindre à une gouvernance rigoureuse !
Crise oblige, la rémunération des cadres à fort potentiel est à la baisse. Or, trouver les moyens de motiver ceux-ci s’avère impérieux en France ; d’autres pays ont su mieux structurer les rémunérations, dans un contexte social et fiscal plus adapté, avec un complément rétribuant individuellement leurs performances. Aussi, pour éviter la migration de nos talents, tout en jonglant à moindre coût avec une réglementation sociale et fiscale contraignante, «?incentiver?» avec souplesse, dans l’intérêt premier de l’entreprise, est devenu la priorité. Les outils de rémunération existants, individuels ou collectifs, présentent pourtant tous, sur ce point, forces et faiblesses. Les entreprises n’ont donc d’autres moyens que de composer avec chacun pour créer un «?package?» individualisé motivant, en attendant que le Législateur crée des outils intermédiaires plus adaptés… Si les entreprises jouent bien le jeu en observant de bonnes pratiques, garantes des déviances relevées par le passé à l’origine notamment du durcissement de la fiscalité et de la hausse des charges sociales des actions gratuites et stock-options.
La politique de rémunération, un art subtil
Dans un contexte économique morose, les dirigeants sont astreints à remettre à plat leur politique de rémunération, spécialement celle de leurs cadres de haut niveau pour les fidéliser avec efficience. Ainsi, le durcissement du coût du travail incite à rechercher tous azimuts optimisations sociales et fiscales et à motiver les cadres, fonction de leurs performances individuelles et de celles de l’entreprise. Les temps ne sont plus à la systématisation des compléments de rémunération, partant de droits acquis, mais à récompenser, à la discrétion de l’entreprise, le dépassement de soi. Or, le dogmatisme ambiant des administrations, contraintes par une réglementation absconse, pèse sur la gouvernance où l’autocensure est parfois devenue de mise. Ce qui n’est pas sans poser un problème de compétitivité : certains pays, tels le Royaume-Uni, les États-Unis, le Brésil, ou encore Hongkong et Singapour, proposent à leurs cadres des rémunérations spécialement structurées pour récompenser leur implication, la France peinant en revanche à trouver des outils adaptés qui récompensent l’investissement attendu. D’où l’intérêt pour les entreprises à panacher les outils de rémunération disponibles en distinguant bien l’objectif de rentabilité des moyens de l’atteindre : la motivation financière des cadres, centrée sur leurs performances personnelles, et donc ciblée, par un complément de rémunération non défavorable socialement et fiscalement.
La quadrature du cercle
L’incertitude économique persistante incite à trouver dans l’épargne salariale, à laquelle restent attachées exonérations fiscales et sociales, un complément de rémunération motivant, l’opération restant fiscalement neutre pour l’entreprise. Mais les différents instruments que recouvre l’épargne salariale restent par définition collectifs. C’est en particulier le cas de la participation aux bénéfices, obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés. La réserve spéciale de participation est établie par accord entre l’entreprise et ses salariés ou représentants, comme la répartition de la somme, faite proportionnellement aux salaires ou au temps de présence, voire uniformément, ce qui limite le spectre d’individualisation. Prenons à présent l’exemple de l’intéressement ou de l’intéressement de projet1. Facultatif, ils ont été conçus pour motiver le personnel et l’intéresser à la performance de l’entreprise, en conditionnant la rémunération à un objectif à atteindre par tous. Objectif sur la base duquel s’opère le calcul du montant, fonction de critères orientant les efforts à fournir. La formule est a priori séduisante pour «?incentiver?» : bloqué pendant cinq ans sur un plan d’épargne, l’intéressement n’est pas imposable pour le bénéficiaire qui, depuis 2005, peut être le dirigeant d’une entreprise de moins de cent salariés, son conjoint, voire ses collaborateurs ou associés. Mais, ici aussi, un accord entre entreprise et salariés fixe les formules de calcul et les modalités de répartition, identiques à celle de la participation aux bénéfices. On le comprend, ces dispositifs d’épargne salariale permettent à l’ensemble des salariés de bénéficier des performances de l’entreprise sans cependant mettre l’accent sur les performances individuelles. En fait, l’outil le plus adapté afin d’individualisation reste le bonus ; mais c’est aussi l’outil le plus taxé. L’attribution d’actions gratuites et de stock-options poursuit le même objectif, mais les excès du passé lui ont fait perdre une grande partie de son attractivité sociale et fiscale. En dehors de ces dispositifs, enfin, l’accès au capital, suppose le paiement du prix des instruments financiers. Cette formule visant l’alignement d’intérêts des cadres avec ceux de l’entreprise reste performante pour motiver les premiers : fondée sur une logique de relution, elle repose sur un accord par lequel entreprise et cadres définissent les conditions financières de leur collaboration en encadrant les risques pécuniaires pris par chacun. Cet accès au capital préserve la liberté contractuelle, tout en étant personnalisable, mais peu de cadres ont les reins financiers suffisants pour supporter pareils risques, ce qui réduit d’autant le nombre de candidats, sans compter le risque de requalification des gains en rémunérations professionnelles.
Tous ces systèmes sont complémentaires, avec leurs plus et moins : les bonus, outils les plus souples en termes d’individualisation mais surtaxés ; l’épargne salariale (dont l’intéressement assis sur les performances de l’entreprise) garante d’un régime social et fiscal favorable, et donc motivante, mais hors champ des performances individuelles ; enfin, l’accès au capital payant, porteur d’un risque financier que tous ne peuvent pas prendre. Ne reste plus qu’à «?faire son marché?», à défaut de systèmes intermédiaires efficients, socialement et fiscalement adaptés, reliant les performances individuelles et celles de l’entreprise. Avis au Législateur… si les entreprises veulent bien aussi, de leur côté, s’astreindre à une gouvernance rigoureuse !