À 14h15, ce jeudi 18 juillet, Ursula von der Leyen décroche son ticket pour un deuxième mandat à la présidence de la Commission européenne. Les eurodéputés l’ont réélue à 401 voix pour et 284 contre (15 abstentions et 7 nuls). Sa réélection tombe au lendemain d'une première décision de la justice européenne dans l'affaire du “Pfizergate”.
Ursula von der Leyen réélue à la tête de la Commission européenne
Et de deux. Ursula von der Leyen rempile pour un second mandat à la tête de la Commission européenne. En février dernier, l’ancienne ministre de la Défense allemande, favorite des sondages, avait annoncé sa ferme intention de poursuivre son travail. “Au cours de ces cinq dernières années, non seulement ma passion pour l’Europe s’est accrue, mais j’ai aussi appris à comprendre à quel point l’Europe peut être utile à ses citoyens”, avait-elle déclaré lors d’une conférence de presse à Berlin.
Demande de report de vote et réélection plébiscitée
Le vote a pourtant bien failli ne pas avoir lieu aujourd’hui. Certains groupes de gauche avaient exigé son report à cause d’une affaire qui entache la réputation d’Ursula von der Leyen depuis quatre ans. La veille justement, le Tribunal de la Cour de justice de l’Union européenne a rendu deux arrêts dans le “Pfizergate”. Pour comprendre le dossier, il faut revenir en avril 2021, à l’époque où le New York Times révèle que la présidente de la Commission européenne avait négocié par SMS avec Albert Bourla, le patron de Pfizer, des doses de vaccin contre le Covid (1,8 milliard) durant la pandémie. Un contrat à 36 milliards d’euros. Les textos sur la négociation du deal euro-américain étant devenus de ce fait des documents administratifs, la médiatrice européenne Emily O’Reilly, des organisations syndicales et politiques, des députés européens, et le New York Times avaient alors réclamé à la Commission à y avoir accès. Les règles de l’Union européenne leur en donnent le droit. Leurs demandes sont restées lettre morte. Ursula von der Leyen affirme d’ailleurs avoir détruit les messages.
En avril 2023, un lobbyiste belge dépose une plainte pénale contre Ursula von der Leyen auprès d’un juge d’instruction à Liège, pour “prise illégale d’intérêts et corruption” et “destruction de documents publics”. La Hongrie et la Pologne s’étaient ralliées à cette plainte. Seulement, il existe un conflit de compétences entre le juge belge et l’Eppo – le parquet européen – qui mène l’enquête de son côté, sans avancées notables. La décision du juge de Liège à ce sujet devra tomber 6 décembre prochain et fixer qui des deux pourra poursuivre les investigations. En parallèle, la Cour de justice de l’Union a été saisie par les citoyens et les particuliers qui se sont vu refuser l’accès aux documents clefs des contrats conclus entre la Commission et les entreprises pharmaceutiques. Sa conclusion rendue le 17 juillet 2024 écorne un peu l’image de la présidente fraîchement réélue est la suivante : la Commission n’a pas donné au public un accès suffisamment large aux contrats d’achat de vaccins contre le Covid-19.
Ces péripéties n’ont pas empêché la réélection d’Ursula von der Leyen d’être immédiatement saluée par plusieurs membres de la communauté politique. À commencer par le chancelier allemand Olaf Scholz qui a déclaré sur X : “Cette réélection démontre notre capacité d'agir dans l'UE, justement en période difficile. Il s'agit d'un signe clair de notre capacité d'action dans l'Union européenne, justement en cette période difficile. Les Européens attendent de nous que nous fassions avancer l'Europe. Faisons-le ensemble !” Le président Emmanuel Macron a félicité la femme politique réélue, “pour une Europe plus souveraine, plus prospère et compétitive, plus démocratique”. Donald Tusk, ancien chef du Conseil européen, se veut également positif sur les réseaux: “Les temps sont difficiles, mais avec ton courage et ta détermination, je suis sûr que tu feras du bon travail. Nous le ferons ensemble.”
Europe, environnement et géopolitique
Le matin même, Ursula von der Leyen a déroulé pendant plus d’une heure ses ambitions pour les cinq années à venir. Elle a souligné l’instabilité du contexte politique actuel dénonçant “[la destruction de notre] mode de vie européen par les démagogues et les extrémistes” auquel elle oppose son désir de construire une “Europe forte”. Elle a renouvelé son vœu de créer une “commission géopolitique” et a appelé à ”un cessez-le-feu immédiat et durable” à Gaza.
Celle qui a lancé le Green Deal lors de son précédent mandat poursuit son engagement environnemental et affiche un objectif ambitieux : “Une baisse nette de 90 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE par rapport à 1990.” La présidente de l’exécutif européen promet également la mise en place d’un “plan industries propres” et “logement abordable” avec pour objectif la réduction des factures énergétiques.
Majorité absolue et montée de l’extrême droite
Grâce à son programme pro-environnement, Ursula von der Leyen s’est assuré les votes des partis écologistes. Mais pas que : les réalisations de son premier mandat dans un contexte marqué par la crise sanitaire et le conflit ukrainien lui ont permis de gagner la confiance de ses électeurs même si l’on remarque quelques défections au sein du PPE, parti populaire européen, dont elle est issue, et plus généralement au sein de la coalition des partis du centre (PPE à droite, S&D représente les socio-démocrates et Renew pour les libéraux).
La montée en puissance de l’extrême droite s’est également illustrée lors de ces élections et a permis à l’ex-ministre de la Défense allemande de récolter quelques voix supplémentaires : le Premier ministre tchèque Petr Fiala a appelé les élus du parti ECR, associé à Giorgia Meloni, à soutenir la candidature de la présidente sortante.
Un soutien qu’il faut toutefois prendre avec des pincettes, les partis socialistes, libéraux et écologistes le voyant déjà comme un point de non-retour. Ils défendent la mise en place d’une “majorité stable avec des partis pro-démocratie, pro-UE”. Sans l’extrême droite, peut-on lire entre les lignes.
Anne-Laure Blouin & Ilona Petit