Au premier tour des élections législatives, le choix pour l’un des trois blocs dépend fortement de variables telles que l’âge, le revenu, la religion, le diplôme ou encore le niveau de bonheur. Dis-moi qui tu es, je te dirai pour qui tu votes…

Le premier tour des élections législatives anticipées est passé. État-major, journalistes et citoyens cherchent à mieux comprendre le succès des uns et l’infortune des autres. L’étude "Sociologie des électorats" publiée par l’Ipsos le 1er juillet au matin apporte de nombreux éléments de réponse.

Les jeunes plébiscitent la gauche. Oui mais...

Près d’un 18-24 ans sur deux a opté pour le Nouveau Front populaire : 48 %. Mais le RN réalise une belle performance avec 33 %. Attention toutefois, en comparant ces résultats avec les dernières législatives, on constate une véritable poussée du RN dans la jeunesse. Si l’ensemble de la gauche passe de 42 % à 48 % (+6 points) le RN gagne 15 points et croît de 18 % à 33 %. Le macronisme, de son côté passe de 13 % en 2022 à 9 % le 30 juin au soir. Les chantres de la "start-up nation" ont plutôt les tempes grisonnantes

Vote des seniors : le RN brise le plafond de verre

C’est sûrement le principal enseignement des législatives. Le RN a brisé son plafond de verre chez les plus âgés et termine en tête chez les 60-69 ans avec 35 % contre 21 % pour Ensemble. La seule tranche d’âge dans laquelle le macronisme reste dominant ? Les plus de 70 ans. Et encore, c’est d’une courte tête : 32 % contre 29 % pour le RN qui était à 12 % il y a deux ans et fait plus que doubler son score.  

Face au RN, les catholiques faisaient barrage. C’est fini

Pendant longtemps, la population catholique n’était guère favorable au RN. Est-ce lié au message de l’Évangile ? À la géographie puisque le nord-ouest de la France (Bretagne, Mayenne, Sarthe…) région la plus catholique du pays est traditionnellement modérée ? Il n’existe pas de réponse fixe. Seule certitude, le verrou catholique est brisé. Désormais, le RN surperforme chez les catholiques : 41 % loin devant Ensemble (23 %) et le NFP (16 %). Que le niveau de pratique soit régulier ou occasionnel, cela ne change pas.

Population active : le cœur du réacteur du RN

Si les étudiants et les retraités ne sont pas la meilleure zone de force de l’extrême droite, ce bord politique mène la danse auprès des tranches en âge de travailler. Il est notamment ultradominant chez les 50-59 ans : 40 % contre 25 % pour la gauche et 18 % pour Ensemble. Le RN est en pole position partout sauf chez les 25-34 ans : 32 % contre 38 % pour le NFP et 18 % pour Ensemble.

61% des personnes se déclarant "pas du tout satisfaites de leur existence" ont voté RN. 4% pour Ensemble...

Le RN, parti des pessimistes…

C’est très politiquement incorrect de le souligner, mais le vote RN est fortement corrélé à sa satisfaction de la vie. 61 % des personnes se déclarant "pas du tout satisfaites de leur existence" se reportent vers le RN contre 4 % chez Ensemble et 23 % au NFP. Pour qui votent les très satisfaits ? le bloc de gauche à 32 % et le bloc macroniste 30 %.

Le patron vote à gauche, l’ouvrier à droite

C’est inscrit dans l’inconscient collectif, les fonctions d’encadrement attachées à leurs privilèges votent à droite, les ouvriers désireux d’améliorer leur condition font confiance à la gauche. C’est de l’histoire ancienne. Désormais, 57 % des ouvriers votent RN. Chez les cadres en revanche le NFP vire en tête : 34 %. Avec 26 % le macronisme pourtant vu comme le "parti des riches" est relégué à la seconde place. Il est inexistant chez les ouvriers : 7 %.

Union de la gauche, qui a joué le jeu ?

Les électeurs ayant opté pour LFI aux européennes sont les "bons élèves" puisque 94 % d’entre eux ont glissé un bulletin NFP dans l’urne. En revanche, 33 % des électeurs de Raphaël Glucksmann et de Marie Toussaint ne se sont pas retrouvés dans cette union. Ce qui a bénéficié au bloc macroniste.

33% des électeurs de Raphaël Glucksmann et de Marie Toussaint n'ont pas voté NFP contre 6% des Insoumis

Niveau d’études, un vrai clivage

Si seuls les non-diplômés avaient le droit de vote, le RN aurait quasiment la majorité absolue dès le premier tour. Le parti d’extrême droite recueille en effet 49 % des suffrages des électeurs dont le diplôme est inférieur au baccalauréat, loin, très loin, devant Ensemble et le NFP avec 17 % dans les deux cas. Chez les Bac+2, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella garde une avance sur les autres blocs, mais celle-ci s’amenuise : 32 % contre 28 % pour le NFP et 19 % pour Ensemble. 

Si le terme Nouveau Front populaire renvoie au peuple, force est de constater que la gauche représente désormais le "bloc élitaire". C’est vers elle que se reporte le vote des Bac+3 et plus : 27 % contre 22 % pour Ensemble et le RN. La gauche fait le plein de voix dans les zones urbaines où se concentrent les diplômés du supérieur. Est-on de gauche par le fait de vivre en ville ou par son diplôme ? Une question qui ressemble fort à celle de qui vient le premier, l’œuf ou la poule ?

Lucas Jakubowicz

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