Conseiller d’Emmanuel Macron sur les affaires européennes, ministre délégué chargé de l’Europe, ministre des Transports… Clément Beaune est un responsable politique au fait des enjeux communautaires. Aujourd’hui député de Paris, il revient sur le bilan de la majorité et l’importance du scrutin du 9 juin.
Clément Beaune : "Plus personne ne se vante d'être 100% anti-UE"
Décideurs. Le regard des Français sur l’UE a-t-il changé depuis 2017 ?
Clément Beaune. Oui, il suffit de regarder le discours des principaux partis politiques en France. Plus personne ne se vante d’être 100 % anti-UE, ne prône le Frexit ou la sortie de la zone euro. Cela peut se comprendre puisque le Brexit a été un échec évident et ne fait pas d’émules. Bien sûr, le Royaume-Uni ne s’est pas effondré, mais la croissance est plus faible et l’inflation plus forte que chez les Vingt-Sept. Par ailleurs, le commerce international et les investissements directs étrangers sont en recul, le National Health Service (NHS) ne va pas mieux, les entrées illégales de migrants n’ont jamais été si élevées.
Ces dernières années, notre continent a connu des turbulences inédites comme une pandémie, une guerre à ses portes. Cette situation exceptionnelle a levé de nombreux tabous et permis des avancées, comme la mutualisation de la dette, un plan de relance commun, un sentiment d’unité plus fort…
Quels sont les effets concrets de l’UE sur le quotidien des Français ?
Il y en a tant ! Si je devais en choisir deux, je citerais d’abord l’interdiction du dumping social et l’encadrement du travail détaché. Vous vous souvenez des travailleurs détachés et de la peur du "plombier polonais" ? C’est terminé. Désormais, chaque travailleur est payé au salaire minimum du pays où il travaille. En d’autres termes, le plombier polonais sur un chantier français touche au moins le Smic. Les bénéfices sont énormes pour les artisans français et la crainte qui a dominé la campagne présidentielle de 2017 n’est plus évoquée. Cela a demandé six mois de négociations portées par la France et notamment Muriel Pénicaud, ministre du Travail de l’époque.
J’aimerais aussi évoquer la politique sanitaire durant la crise Covid. Grâce à l’UE, nous avons pu commander puis produire des vaccins à faible prix pour tous les habitants de façon très rapide, ce qui prouve que, même à Vingt-sept pays, on peut être réactifs et plus efficaces que tout seul.
Vous incarnez l’aile gauche de la Macronie. Elle est en plein doute, tentée par l’abstention ou le vote Glucksmann. Quel message envoyer aux électeurs hésitants ?
Je le vois sur le terrain, il y a effectivement des doutes. Aux électeurs sociaux-démocrates j’aimerais envoyer le message suivant : l’Europe écologique et sociale, c’est nous qui la bâtissons ! Nous sommes le bon réceptacle pour défendre vos valeurs et notre bilan parle pour nous. Nous avons poussé la taxe carbone aux frontières, l’interdiction de bois ou de denrées issues de la déforestation, la fin des composants chimiques dans les jouets, l’interdiction des voitures thermiques à l’horizon 2035, l’instauration d’un salaire minimum dans chaque pays, la parité dans les organes dirigeants des entreprises…
"L'Europe écologique et sociale, c'est nous qui la bâtissons, notre bilan parle pour nous !"
La liste PS-Place publique n’est pas social-démocrate à vos yeux ?
Au Parlement, le PSE (les socialistes européens) vote fréquemment avec nous mais, sur bien des sujets, les socialistes français font faux bond. Globalement, ils ne pèsent pas et sont totalement marginalisés dans leur groupe. C’est un groupuscule isolé. Les choses ne devraient pas changer puisque la liste sert surtout à respecter des équilibres de courant au PS avec beaucoup de pro-Nupes assumés. Nupes qui, au passage, combat la social-démocratie et ne s’en cache pas. On remarque aussi que les élections sont une aubaine pour recaser des apparatchiks comme Pierre Jouvet qui a négocié l’accord Nupes ou encore le mari d’Anne Hidalgo. Une politique politicienne qui n’est pas à la hauteur des enjeux.
Propos recueillis par Lucas Jakubowicz