Les photos d’Emmanuel Macron pratiquant la boxe font réagir. Que signifie cette mise en scène ? Pourquoi les dirigeants politiques sont-t-ils de plus en plus nombreux à mettre en avant leur pratique du noble art ?
Emmanuel Macron et la boxe, une passion dans le coup
Si l’objectif était de faire le buzz, c’est réussi. Le 19 mars, la photographe de l’Élysée Soazig de La Moissonnière publie sur son compte Instagram deux clichés. On y voit Emmanuel Macron frapper dans un punching-ball, le regard concentré, les biceps saillants sanglés dans un t-shirt noir moulant.
Emmanuel Macron : pas si original
Évidemment, les réactions ne se font pas attendre. Les admirateurs louent la musculature et la détermination du président de la République. Les contempteurs se gaussent d’une pseudo attitude viriliste ou d’un coup de communication. Sans prendre position, un fait s’impose : la boxe est devenue une arme de communication massive prisée des dirigeants politiques étrangers et français depuis une dizaine d’années. La photographie de l’élu en train de combattre devient presque un passage obligé, au même titre que la pose avec un chien ou la publication d’un livre.
Dans l’Hexagone, la mode commence dès les années Hollande avec des personnalités comme Jérôme Cahuzac qui reconnaît s’entraîner trois fois par semaine ou Manuel Valls. En 2014, celui-ci confie à GQ que cette discipline est "devenue un besoin et une condition d’un bon équilibre". Depuis 2017, le camp d’Emmanuel Macron est également enclin à montrer un engouement pour ce sport. Parmi les boxeurs macronistes, Édouard Philippe ou Olivier Véran.
Devant les images du président, la députée écoféministe Sandrine Rousseau a fustigé des "codes virilistes" et une "défaite du progressisme". Rappelons-lui que les femmes ne rechignent pas à enfiler les gants. En pleine campagne pour les régionales de 2015, Valérie Pécresse a pris la pose en train de pratiquer le noble art. En 2021, c’est Rachida Dati qui s’est laissée filmer en plein entraînement lors de l’émission "Une ambition intime". Pourquoi cette soudaine passion ?
Selon la Fédération française de boxe, le nombre d'adhérents est passé de 26 000 en 2021 à 60 000 en 2023. Parmi les nouveaux boxeurs, les CSP+ sont très présentes...
Communication avec des gants
Un dirigeant politique doit au quotidien respecter un équilibre délicat : se montrer proche de ses concitoyens tout en faisant preuve de vertus morales et physiques. Prendre la pose à l’entraînement permet de jouer la carte de la proximité. La boxe est le sport qui connaît la plus forte croissance en France. Selon la Fédération française de boxe, le nombre d’adhérents est passé de 26 000 en 2021 à 60 000 en 2023 ! Les salles fleurissent dans les banlieues populaires, les campagnes et le centre des grandes métropoles où les cadres se concentrent. Sous les années Sarkozy, la mode était au jogging. Désormais, pour rassembler il faut boxer. Ce qu’a bien compris Olivier Véran qui sur les réseaux sociaux ou devant les caméras de TF1 aime montrer qu’il enfile les gants en Seine-Saint-Denis : "Faire de la boxe avec les jeunes à Bobigny, ce n'est pas juste pour prendre des coups. C'est pour casser la distance.", philosophe l’ancien ministre sur Instagram.
Ce sport de combat est aussi l’occasion de faire étalage de vertus prisées lorsque l’on gouverne. Rachida Dati, par exemple, a probablement apprécié entendre son coach louer publiquement son "mental qui ne lâche pas". Édouard Philippe s’est mis à la boxe à 44 ans. Son vitiligo a rapidement changé son apparence, mais le ring lui permet de montrer qu’il garde toute sa vigueur physique. Dans le documentaire « Édouard, mon pote de droite » diffusé en 2016, il se laisse filmer à l’entraînement et montre qu’il possède un bon niveau. En juillet 2023, au micro d’Europe 1, il développe une métaphore filée dans laquelle il montre qu’un bon boxeur est un bon chef. Ce passe-temps développe "l’exigence, (…) fait du bien moralement et physiquement ». Selon lui, c’est « une pratique exigeante qui empêche d’être désinvolte et permet de rester calme en toutes circonstances".
Les prochains débats politiques auront-ils lieu sur un ring ? Ce n’est pas de la science-fiction. En 2012, deux députés canadiens, Justin Trudeau et Patrick Brazeau ont combattu en public afin de récolter des fonds pour lutter contre le cancer. À la surprise générale, l’actuel premier ministre l’a emporté, ce qui lui a donné une dimension nouvelle à sa carrière politique.
Lucas Jakubowicz