Bernard Tapie, Brigitte Bardot, Bernadette Chirac, Marinette Pichon, Florence Arthaud. Depuis quelques mois, les biopics de personnalités françaises déferlent sur nos écrans. Décryptage d’une tendance.
Edito : Biopics à la française
Quel est le point commun entre Bernadette Chirac, Brigitte Bardot, Florence Arthaud, Marinette Pichon et Bernard Tapie ? Tous sont les personnages principaux de films ou de séries diffusées dans les salles obscures ou sur Netflix depuis quelques mois. Tout sauf un hasard. La prolifération de biopics consacrés à des célébrités françaises, parfois toujours vivantes, en dit beaucoup sur notre époque.
Premier enseignement, elle est en recherche de héros, ou plutôt de role models pour reprendre un terme anglo-saxon à la mode. Mais quelles sont les caractéristiques qui, dans la France de 2023, méritent d’obtenir ce titre ? Toutes ces têtes d’affiche ont pour point commun d’avoir brisé les attentes que la société plaçait en elles : Bernadette Chodron de Courcel était vouée à un mariage aristocratique ? Elle jette son dévolu sur un jeune énarque ambitieux mais sans particule. Brigitte Bardot et Florence Arthaud étaient programmées pour mener une vie bourgeoise et rangée ? Elles sont devenues sex-symbol pour l’une, navigatrice émérite pour l’autre. Quant à Bernard Tapie, son parcours de fils du peuple sans diplôme sera une gangue qu’il aura du mal à briser. En somme, les valeurs traditionnelles et le poids des habitudes qui empêchent les talents de s’exprimer sont une source d’inspiration pour les scénaristes. De quoi servir d’exemple à un public qui réalise que l’ascenseur social est plus grippé que jamais.
La fabrique des héros tend désormais vers la parité ce qui est une bonne chose. Mais la figure masculine est presque toujours dépeinte comme toxique
Impossible également de ne pas remarquer que le nombre de femmes est bien plus important que celui des hommes. La "fabrique de héros" tend peu à peu vers la parité, ce qui est une bonne chose. Mais, globalement, les œuvres ont tendance à tomber dans un piège très répandu aux Etats-Unis depuis quelques années. La figure masculine est quasiment toujours dépeinte comme toxique. Les pères de Florence Arthaud et de la footballeuse Marinette Pichon sont violents et alcooliques, les hommes politiques entourant Bernadette Chirac font figure de matamores médiocres. Contrairement aux décennies passées, la guerre est absente. C’est surtout l’art, le sport et le business qui forgent la grandeur.
Que retiendront les générations à venir des héros de 2023 ? Des personnes contemporaines aux réalisateurs, en lutte contre les traditions bien souvent incarnées par des hommes dépeints à leur désavantage. Certains s’en félicitent, d’autres le déplorent. Mais les meilleurs juges sont les spectateurs. Pour le moment, ces derniers ne savent guère quoi penser. Si Brigitte Bardot et Bernard Tapie semblent trouver leur public, Marinette a été l’un des bides de l’année avec moins de 60 000 billets vendus.
Lucas Jakubowicz