Écoute du terrain, relations avec l’exécutif, travail en commission, stratégie face à l’opposition virulente de LFI… Voici comment le groupe des députés Renaissance a traversé la phase d’examen du projet de réforme des retraites.

Rungis, 21 février à 5h30 du matin. Le plus grand marché d’Europe reçoit un invité de marque : Emmanuel Macron. Le président de la République vient défendre la réforme des retraites et, surtout, parler à la France qui se lève tôt, écouter son quotidien, ses doutes, son rapport au travail. Difficile d’expliquer les raisons pour lesquelles ce petit dormeur notoire est sorti de son lit plus tôt que d’habitude. Mais le groupe Renaissance y est probablement pour quelque chose…

Écouter le terrain

Depuis des mois, les députés de la majorité écument les marchés, écoutent les citoyens assurent le SAV de la réforme. Et se rendent compte que le discours de la majorité comporte quelques trous dans la raquette : "Nous souhaitions parler du futur mais, dans toutes les circonscriptions, nous avons très vite constaté que c’est sur le monde du travail d’aujourd’hui que nous étions le plus interpellés", indique Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance de Paris. Un avis partagé par Fanta Berete, elle aussi députée de la capitale, qui relève qu’un "certain nombre de collègues ont fait remonter en haut lieu que notre discours était trop technocratique, pas assez centré sur le quotidien". Le message a semble-t-il été reçu par l’Élysée. Ce qui prouve au passage l’utilité du groupe parlementaire qui ne se cantonne pas à une simple chambre d’enregistrement mais se veut proactif et constructif. Outre l’écoute du terrain, d’autres méthodes de travail ont été déployées.

La visite d'Emmanuel Macron à Rungis le 21 février est en partie liée aux remontées des députés Renaissance...

Le groupe Maillard

Dès la mi-décembre, le député Sylvain Maillard a mis en place un groupe de travail qui se réunit de manière hebdomadaire. Le principe est simple : les députés viennent sur la base du volontariat et font remonter les préoccupations observées sur le terrain, les remarques de spécialistes. "Cela permet d’identifier des failles concernant les femmes, les seniors ou encore les pompiers", se félicite Fanta Berete. Le tout est envoyé au ministère du Travail ou fait l’objet d’amendements. De quoi réjouir la députée qui estime que son groupe "challenge la haute administration" et prouve qu’il n’est pas limité au rôle de "Playmobil" décrit par l’opposition.

Astrid Panosyan-Bouvet, pour sa part, constate que ces rassemblements informels ont permis de donner la parole à des députés spécialisés sur des points précis de la réforme tels que Charlotte Parmentier-Lecocq, Marc Ferracci ou Éric Woerth. "Cela nous aide à améliorer le projet, mais aussi à mieux l’expliquer sur le terrain." Et si, malgré ces "cours", un député sèche sur une question posée par un citoyen, il peut aussi la faire remonter au cabinet d’Olivier Dussopt. Les réponses sont repartagées à tous les membres du groupe sur une boucle Telegram.

Astrid

Travail en commission

Au-delà de l’écoute, de la remontée des doléances, du partage de l’information, la stratégie de la majorité a pour pierre angulaire la commission des affaires sociales où le projet est débattu sur le fond. Fanta Berete et Astrid Panosyan-Bouvet y siègent toutes deux. Pour la première, les débats ont été "tumultueux", notamment avec les députés insoumis. Ce qu’elle juge logique puisque "nous ne sommes fondamentalement d’accord sur rien. Notre priorité est de ne pas augmenter les impôts sur les particuliers et les entreprises alors que la Nupes, notamment LFI, préconise l’inverse."

Cela dit, dans la relative discrétion de la commission, les députés de tous bords se spécialisent sur des sujets pointus et échangent dans un esprit républicain. "Depuis le début de la législature, nous avons pu avancer de manière plutôt sereine sur des chantiers comme le projet de loi de la sécurité sociale ou l’assurance chômage, parfois avec des amendements transpartisans", constate Astrid Panosyan-Bouvet qui déplore que cela soit plus difficile concernant le sujet des retraites générant davantage de "théâtralité".

Cela n’empêche pas le travail d’être mené à bien, juge celle pour qui "la meilleure façon d’avancer, c’est de ne parler que du fond". Selon l’ancienne condisciple d’Édouard Philippe à Sciences Po, de nombreux collègues de l’opposition sont sur la même longueur d’onde : "J’écoute et j’apprends beaucoup en dialoguant, notamment avec Stéphane Viry, député LR des Vosges, ou avec l’Insoumis toulousain Hadrien Clouet qui sont confrontés à une sociologie différente de celle de ma circonscription."

"Certains députés insoumis ont un petit côté docteur Jekyll et mister Hyde, c'est-à-dire bosseurs en commission et extrémistes devant les caméras où ils se drapent dans une posture d'opposition stérile"

Face aux Insoumis

Même si le travail parlementaire se déroule à peu près correctement en commission des affaires sociales, les deux élues Renaissance sont ulcérées par les méthodes des Insoumis dans l’hémicycle. Au menu : obstruction, rappels au règlement pour ralentir les débats, clashs, invectives, insultes, provocation. Même en commission des affaires sociales, le groupe présidé par Mathilde Panot s’appuie sur le règlement pour "mettre la pression". Les deux députées se souviennent encore du premier jour de l’examen du projet de loi en commission. De nombreux députés LFI ne siégeant pas en commission sont venus dans la salle interpeller, invectiver, faire la claque, siffler les opposants.

Fanta

 "Certains députés insoumis ont un petit côté docteur Jekyll et mister Hyde, c’est-à-dire bosseurs en commission et extrémistes devant les caméras où ils se drapent dans une posture d’opposition stérile, voire de combat", déplore Fanta Berete. Un combat certes, mais dans lequel les députés macronistes ne se privent pas de rendre coup pour coup, ce que relève Christophe Bex, député insoumis de Haute-Garonne : "Oui, nous sommes dans une logique d’opposition tranchée et frontale, il y a des éclats de voix, des propos rudes qui parfois nous échappent. Mais nos collègues de Renaissance auront du mal à se faire passer pour de simples victimes", pointe l’élu qui prend pour exemple les procès en antisémitisme, islamo-gauchisme, zadisme ou les remarques constantes sur les tenues vestimentaires.

Esprit de corps

Si les coups de boutoirs insoumis semblent avoir perturbé Olivier Dussopt et éprouvé les nerfs de nombreux députés du groupe, ces derniers affirment sortir de la séquence plus solides que jamais. "Tout cela a permis de créer un esprit de corps, une solidarité. Nous avons serré les rangs et cela sera bien plus efficace que des séances de team building", note Fanta Berete qui se prépare au prochain combat : la loi sur l’immigration.

Lucas Jakubowicz

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