Olivier Dussopt : "La gauche de gouvernement ? Elle est dans la majorité"
Décideurs. Un des principaux axes de campagne de Valérie Pécresse consiste à accuser Emmanuel Macron d’avoir "cramé la caisse". Vous êtes chargé du budget, que lui répondre ?
Olivier Dussopt : Le choix du "quoi qu’il en coûte" mis en place par le gouvernement ne consiste pas à "cramer la caisse" mais à protéger les Français tout en permettant à l’économie de rebondir rapidement. Et les résultats sont là puisque la croissance en France est la plus élevée d’Europe et le chômage au plus bas depuis 2008.
Lorsqu’elle occupait mon poste, Valérie Pécresse a élaboré le budget pour l’année 2012. Celui-ci prévoyait une hausse de 15 milliards d’euros d’impôts contre une baisse de 52 milliards d’euros sur le quinquennat ! Elle a augmenté la dette de 26 points contre 13 pour nous alors que la crise actuelle est plus forte. Le chômage était de 10 %, il est actuellement à 7,4%. Par ailleurs, elle a bénéficié de notre politique puisque Ile-de-France Mobilités a obtenu 2,4 milliards d’euros d’aides de l’État pour faire face à la crise sanitaire.
Vous vous réclamez de la gauche. Quelles sont les principales mesures sociales mises en place durant le quinquennat ?
Elles sont nombreuses. J’estime que nous menons une politique social-démocrate qui, de surcroît, dépasse les clivages. Cette capacité à rassembler est d’ailleurs ce qui caractérise le macronisme. Concrètement le dédoublement des classes de CP et CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP) permet de lutter contre le déterminisme social. Lorsque j’étais au PS, durant nos réunions internes, nous évoquions souvent le cas des lunettes ou des prothèses dentaires non remboursées. C’est le gouvernement actuel qui a instauré le reste à charge 0 pour ces biens de première nécessité. Mentionnons également la cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à l’autonomie ou encore l’ouverture de la PMA pour toutes les femmes.
"Nous n'avons pas cramé la caisse mais protégé les Français. Et les résultats sont là"
Malgré tout, une partie de la gauche accuse les anciens socialistes soutenant le gouvernement de traîtrise… Cette critique vous touche-t-elle ?
Disons que les mots dépassent parfois les pensées. J’observe que ceux qui émettent les critiques les plus virulentes sont les fossoyeurs de la gauche. Ils n’ont pas travaillé, ont refusé de s’ouvrir sur le monde, de réactualiser leur logiciel de pensée et leur mode de fonctionnement. S’en prendre à d’autres est plus simple que de se remettre en question. Le dévissage de la gauche ne date pas de 2017. Si ce bord politique est aussi faible, ce n’est pas lié à des responsables PS ou écologistes qui ont rejoint la majorité. Le mal est plus profond.
Selon moi, les premiers signaux alarmants sont arrivés dès le début du quinquennat de François Hollande. Le premier d’entre eux fut l’abandon de la défiscalisation des heures supplémentaires mise en place par Nicolas Sarkozy. La mesure permettait d’augmenter considérablement le revenu d’ouvriers et d’employés. Elle a été enterrée par dogmatisme alors que, même si elle est le fruit d’un gouvernement de droite, elle est avant tout sociale. C’est ce genre d’initiative qui a contribué à nous affaiblir dans les milieux populaires. À cette époque, j’étais député socialiste de l’Ardèche et j’ai vu à quel point l’abrogation de la mesure a fait perdre du pouvoir d’achat aux classes moyennes et populaires.
Que dire aux électeurs sociaux-démocrates qui hésitent entre rester fidèle au PS ou à EELV et reconduire la majorité ?
Regardez la situation de manière pragmatique. La gauche est en proie à une fracture béante entre les réalistes et les autres. La première catégorie, la gauche de gouvernement, est désormais dans la majorité ! Elle a fait ses preuves et a la ferme intention de continuer à œuvrer pour les classes moyennes et populaires dans le prochain quinquennat.
Pour peser, la gauche "Macron compatible" se structure avec la création de Territoires de Progrès. Comment définir le parti en quelques mots ?
C’est un mouvement politique créé en janvier 2020 à l’initiative de plusieurs ministres du gouvernement issus du PS comme Jean-Yves Le Drian ou moi-même. L’objectif est de permettre à des hommes et des femmes issus de la gauche progressiste de travailler ensemble. Pour le moment, nous comptons 2 000 adhérents 400 élus locaux et une cinquantaine de parlementaires.
"Territoires de Progrès compte 400 élus locaux et une cinquantaine de parlementaires"
Si le mouvement compte beaucoup de membres de la majorité, il peine à accueillir des personnalités issues du PS, comment l’expliquer ?
Les sociaux-démocrates ont été parmi les premiers à rejoindre l’aventure en Marche en 2016, la jambe gauche de la majorité s’est donc musclée très tôt. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas la notoriété des personnes qui viennent vers nous mais leur ancrage territorial. Et en la matière, les résultats sont très bons. Chaque jour ou presque, et cela m’importe beaucoup, des élus locaux nous apportent leur soutien qu’ils viennent du PS ou qu’ils soient sans étiquette. Récemment, mentionnons le sénateur Michel Dagbert qui a également présidé le conseil général du Pas-de-Calais, Hélène Burgat, maire de Mondeville, ou encore Jean-François Dardenne, maire de Nogent-sur-Oise.
Quelles sont les principales idées que vous comptez défendre dans le programme présidentiel de la majorité ?
Des idées foncièrement de gauche telles que le déploiement d’une protection professionnelle universelle, une revalorisation conséquente des petites retraites, une politique ambitieuse en matière d’aide à l’enfance ou encore le vote d’une loi sur la fin de vie.
Contrairement à Agir la droite constructive, vous avez fait le choix de ne pas posséder votre propre groupe parlementaire. Pourquoi ?
Nous nous sommes formés plus tard qu’Agir qui a été créé dès l’élection d’Emmanuel Macron. Jouer la carte de l’autonomie aurait été possible mais cela aurait renvoyé des signaux de division alors que nous souhaitons incarner avant tout l’élargissement de la majorité. Ce choix est aussi une forme de respect pour les électeurs puisque les députés qui font partie de Territoires de Progrès ont été élus sous l’étiquette LREM.
Propos recueillis par Lucas Jakubowicz