Joe Biden, Mister President ?
Pour des millions d’électeurs, il est l’homme qui doit sauver l’Amérique de la catastrophe. Celle qui, immanquablement, s’abattra sur le pays si Donald Trump venait à rempiler pour quatre ans à sa tête. Lui, c’est Joe Biden : 78 ans dans quelques jours, ex-sénateur et président de la commission des Affaires judiciaires ainsi que de la commission des Affaires étrangères, ancien vice-président sous Barack Obama, candidat démocrate à l’élection. Le 4 novembre au matin (heure française), rien n'est joué. Si Donald Trump semble virer en tête en Floride, au Texas ou en Ohio, la victoire du candidat démocrate reste possible.
Le 4 novembre au matin, rien n'est joué. Si Donald Trump semble virer en tête en Floride, au Texas, ou en Ohio, la victoire du candidat démocrate reste possible
Retour à la tradition ?
Outre la légitimité sans faille que lui confèrent cinquante ans de carrière politique, l’homme a pour lui une image de force tranquille, fondée sur une réputation d’efficacité et une personnalité qui rassure, plus portée sur la recherche du consensus que sur l’exacerbation des clivages, humanisée par des origines modestes – une enfance dans une ville ouvrière de Pennsylvanie, un père vendeur de voitures d’occasion… – et par le drame – la mort de sa première épouse et de leur fille de treize mois dans un accident de voiture – qui le frappe alors que, alors tout juste âgé de 31 ans, il vient de devenir le plus jeune sénateur de l’histoire des États-Unis au Congrès de Washington. De quoi, pour des millions d’Américains, faire de Joe Biden le garant d’un certain "retour à la normale". Celui d’une Amérique d’avant, qui n’insultait pas ses opposants, ne s’attirait ni les foudres ni les railleries de la scène internationale à coup de tweets assassins et ne vilipendait pas les médias, s’entend. Une Amérique pacifiée quitte à apparaître "à l’ancienne", comme l’aura clairement suggéré une campagne placée sous le signe d’une promesse de retour "au bon vieux temps". Promesse qui, après quatre ans d’une présidence perçue comme tonitruante pour les uns, hystérique pour les autres, est susceptitble de séduire un électorat en manque de sécurité et d’apaisement et rassure la communauté internationale.
L’homme d’expérience
Pourtant lorsque Joe Biden fait ses premiers pas en politique, en 1969, c’est presque par hasard. Des études de droit l’ont emmené à rejoindre un cabinet d’avocats dont le fondateur, très engagé au sein du parti démocrate, l’entraîne dans son sillage. En novembre 1970, il remporte un siège au Conseil du Comté de New Castle. Deux ans plus tard, le voilà sénateur, ce qu’il restera jusqu’à ce que l’élection de Barack Obama le propulse à la vice-présidence du pays.
Entre temps l’homme a multiplié les responsabilités en accédant aux plus hautes fonctions de la sphère publique. À la fin des années 1980, il est élu à la tête de la Commission des affaires judiciaires du Sénat avant, dix ans plus tard, de devenir président du Comité des affaires étrangères, fonction qui le verra, tour à tour, être parmi les premiers à qualifier Slobodan Milosevic, le président serbe, de criminel de guerre et à dénoncer les atteintes aux droits de l’homme au Kosovo puis soutenir, contre l’avis du Congrès, les mesures anti-terroristes du Patriot Act et, fin 2002, l’intervention militaire en Irak. Quatre ans plus tôt il a tenté sa chance aux Primaires démocrates avant que des accusations de plagiat le contraignent à renoncer. Il faudra attendre vingt ans pour le voir tenter à nouveau sa chance. Cette fois, face à Barack Obama contre qui il échoue mais dont il devient finalement le co-listier, puis, durant deux mandats, le vice-président.
Boulevard
Une fois à la Maison Blanche Joe Biden va cultiver une image de conseiller de l’ombre, influent mais discret, œuvrant pour un renforcement des liens avec les alliés européens et contre des opérations militaires qui engageraient les troupes américaines en Afghanistan. Lorsque les élections de 2016 se profilent, il passe son tour mais face aux propositions racistes du candidat Trump, présente des excuses au nom de son pays. De quoi donner le ton de la suite, celle qui verra les deux hommes s’opposer cette fois frontalement lorsque, fin 2019, Donald Trump tente d’obtenir du président Ukrainien l’ouverture d’une enquête à charge contre son fils Hunter. Joe Biden, éclaboussé une fois de plus par le scandale, riposte en accusant son adversaire d’être "le président le plus corrompu de l’histoire moderne".
Après une entrée en campagne difficile durant laquelle on le voit multiplier les gaffes et les ratés de communication, il connaît un véritable sursaut en mars, lorsque le Super Tuesday le voit, contre toute attente, raffler dix Etats parmi lesquels le Texas, la Caroline du Nord, le Minnesota, l’Alabama et la Virginie. Le retrait, quelques jours plus tard, de Michael Bloomberg lui apporte un nouveau coup de fouet et lui permet de creuser avec Donald Trump un écart qui se confirme avec de nouvelles prises de guerre telles que la Floride, le Mississipi, l’Idaho, et l’Etat de Washington. Lorsqu’en avril Bernie Sanders jette à son tour l’éponge, Joe Biden se retrouve seul en lice. Cette fois, un boulevard s’ouvre devant lui. D’autant plus prometteur qu’il a choisi Kamala Harris comme co-listière s’offrant, avec cette femme brillante et populaire, un atout de plus dans son jeu désormais bien fourni.
Lui président…
Officiellement désigné comme candidat du Parti démocrate à la mi-août, il reçoit le soutien d’innombrables personnalités qui, issues de tous univers, appellent à déloger Donald Trump de la Maison Blanche. Pour ce faire, Joe Biden parie sur un programme résolument "de gauche", avec augmentation du salaire minimum fédéral d’un côté et hausse des impôts pour les entreprises et les personnes à hauts revenus de l’autre, volte-face écologique impliquant le retour immédiat des États-Unis dans les accords de Paris et 1700 milliards de dollars d’investissements sur dix ans pour amener l’économie américaine à relever le défi du "zéro émission d’ici à 2050. Mais aussi, crise sanitaire oblige, un budget de 25 milliards de dollars consacré à la fabrication et la distribution gratuite d’un vaccin contre le coronavirus, une aide renforcée aux PME et un programme de lutte contre les inégalités raciales et, sur le plan international, l’organisation d’un Sommet pour la Démocratie en réponse aux "menaces qui pèsent sur nos valeurs communes". De quoi, selon lui, "gagner la bataille pour l’âme de la nation" et, de toutes évidences, mettre à mal le camps adverse.
Caroline Castets