Covid-19 : la Russie au chevet de l'Italie
La Russie pâtit depuis plusieurs années d'une très mauvaise image auprès des Occidentaux. Ses coups de force à répétition en Ukraine et l'annexion de la Crimée lui ont valu de nombreuses sanctions. Ses interventions d'une extrême violence, bafouent de toute évidence le droit international. Les États-Unis et l'Union européenne ont donc décidé en 2014 d'infliger une série de sanctions économiques, votées à l'unanimité et renouvelées chaque année.
"From Russia with Love"
Cet embargo économique n'a pas empêché Vladimir Poutine de venir en aide à l'Italie ; un accord a même été conclu avec Giuseppe Conte, premier ministre italien, le 21 mars dernier. Depuis plusieurs jours, les avions militaires russes IL-76, circulent dans le ciel européen. Quinze ont déjà été envoyés vers le pays sinistré, avec à son bord des virologues, des équipements de désinfection et de stérilisation.
Au total, huit brigades médicales et pas moins de cent militaires ont été dépêchés afin d'endiguer la crise sanitaire. Sur les fuselages des avions, on pouvait lire le tendre et affectueux message : "From Russia with love" (de Russie avec amour). Autres marques de ce soutien : les camions militaires qui, en colonnes, ont relié Rome à la Lombardie, région la plus touchée par le virus, arboraient les drapeaux russe et italien. Ces derniers, disposés sur le flanc des véhicules blindés, semblaient être la représentation allégorique de l'union naissante entre ces deux nations. La politique de solidarité du chef de l'État russe n'est pas passée inaperçue aux yeux perspicaces du reste du monde ; nombreuses sont les interrogations suscitées par cette aide colossale.
Une stratégie remarquée
La Russie est accusée de vouloir redorer son blason, entaché par les bombardements intensifs depuis 2015 en Syrie, qui n'ont pas épargné les hôpitaux locaux, mais aussi par son conflit sanglant avec l'Ukraine. Vladimir Poutine l'a lui-même souligné via Twitter que "Tout désaccord politique doit être oublié pour combattre la menace commune". Les spécialistes affirment qu'il s'agit d'une stratégie pour améliorer l'image de la politique étrangère russe, qui est d’ordinaire plutôt basée sur la force. De plus, la Russie marque un point supplémentaire dans le conflit avec l'Otan, en secourant l'Italie, membre fondateur de l'alliance de l'Atlantique Nord. Ses troupes militaires ont circulé sur tout le territoire européen en plein territoire de l'Otan. Par simple altruisme ?
La Russie pointe les dysfonctionnements de l'Union européenne
Un contexte européen complexe
Venir en aide à l'Italie n'est pas un choix anodin. Les relations entre les pays membres de l'Union européenne, dont l'Italie, sont pour le moins tendues en cette période de crise. Crise qui perpétue le malaise européen déjà bien ancré par les problèmes migratoires. L'ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors, a même souligné que "le climat qui semble régner entre les chefs d'Etat et de gouvernement et le manque de solidarité européenne font courir un danger mortel à l'Union européenne". L'Italie subit de près ces désaccords ; certains pays comme l'Allemagne, l'Autriche ou encore les Pays-Bas ont catégoriquement refusé de soutenir une réponse solidaire et commune pour lui venir en aide. Abandonnée, délaissée et marginalisée, l'Italie a su trouver réconfort chez son ami russe qui a joué de cet aspect pour renforcer sa diplomatie et faire grandir le sentiment eurosceptique. La Russie ne s'est d'ailleurs pas gêné pour souligner "l'incapacité de l'Union Européenne à lutter contre la pandémie". C'est donc à coup de propagande que la Russie s'est allié à l'Italie. L'Italie, qui a toujours fait preuve de laxisme quant aux sanctions économiques russes, a désormais une dette envers la Russie. Ainsi va la géopolitique, sans cesse en renouvellement.
Alexandra Fleisch-Viard