Fortes d’une performance supérieure à la moyenne, les entreprises familiales intéressent de plus en plus les fonds. Une poignée d’entre eux tentent même de proposer des offres dédiées, avec plus ou moins de succès. Jacques Ittah, banquier d’affaires, donne les règles à suivre.

Décideurs. Les entreprises familiales sont-elles compatibles avec les fonds d’investissement ?

Jacques Ittah. Je pense que oui. Les entreprises familiales recouvrent des réalités diverses et il existe aujourd’hui des fonds pour chaque cas de figure. Par exemple, ces sociétés ne sont pas toujours gage de prudence. Même dans une entreprise familiale, il s’agit avant tout d’une histoire de personne : quelle stratégie souhaite mettre en place le dirigeant et à quelle échéance ? Quand un fonds garde une société trois ou cinq ans, il n’a pas les mêmes leviers de croissance que s’il le faisait sur dix ou quinze ans. C’est la qualité du conseil et donc le choix du fonds qui va rendre cette alliance contre-nature ou moteur de succès.

Comment procéder pour réussir cette alliance ?

Il faut fonctionner au cas par cas et se donner du temps. Je prends souvent l’image du mariage. Quand vous choisissez votre fiancé(e), vous ne le faites que rarement en trois mois. Mon conseil serait de ne pas choisir nécessairement le fonds qui est le plus attractif à court terme. Pour choisir le plus adapté, il faut mener une réflexion profonde. Lorsqu’un investisseur rentre, il doit partager la vision du dirigeant. En fonction de l’horizon et de la stratégie, on travaillera avec des fonds qui raisonnent à plus ou moins long terme, qui s’impliquent plus ou moins dans la gestion au jour le jour ou qui sont plus ou moins internationaux.

Cette vision de long terme n’est-elle pas justement la force des entreprises familiales ?

Oui, bien sûr, mais contrairement à d’autres, je nuancerais son impact : une telle démarche a aussi ses inconvénients. La dette à court terme oblige les entreprises à se discipliner et la faible durée de détention pousse les dirigeants et les actionnaires à aller plus vite pour créer de la valeur. Résultat, elles peuvent parfois être plus dynamiques.

Quel est le regard des fonds sur les entreprises familiales ?

Les fonds espèrent souvent trouver dans les entreprises familiales des business à dynamiser, des acquisitions qui n’ont pas été possibles soit faute de moyens, soit du fait de personnalités trop fortes ou d’ego surdimensionnés, et des organisations à professionnaliser. Mais encore une fois les entreprises familiales sont diverses et à étudier au cas par cas.

Inversement, comment les entreprises familiales perçoivent-elles les fonds ?

Pour les familles, ce n’est pas évident. En général, le capital de l’entreprise constitue la quasi-totalité de leur patrimoine. Faire entrer un fonds suscite donc des craintes : parfois cela n’était pas nécessaire, et dans beaucoup de cas, le choix du fonds n’était pas le bon. Comme les dirigeants d’entreprises familiales sont portés par un affect plus important, ils se laissent parfois influencer par cette dimension. Les négociations sont donc souvent plus ardues : il n’est plus simplement question de rapports rationnels. Il faut un don d’écoute pour que les dirigeants finissent par se confier. Malgré ces difficultés, il ne faut pas oublier les avantages qu’apporte ce genre de structure.

Quelles seront les clés du succès ?

Comme dans n’importe quelle opération de capital-investissement, il faut réussir à décorréler l’intérêt du manager, de l’entreprise, de l’actionnaire et des investisseurs. Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, le fait d’être une entreprise familiale ne concilie pas automatiquement les trois premiers éléments.

Propos recueillis par v. p.

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