Le 29 janvier, la première réunion du bureau de la Métropole du Grand Paris a marqué le top départ du projet monstre. Retour sur un nouvel échelon administratif contesté.

C’est la tuile épaisse qui tasse le millefeuille francilien. La Métropole du Grand Paris (MGP), annoncée en 2007 par le président Sarkozy et instituée par la loi du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ne fait pas l’unanimité. Certains sceptiques lui reprochent de brouiller la gouvernance francilienne. Et l’interrogation est légitime, car entre communes, intercommunalités, départements, régions, métropole, la confusion risque d’être fréquente. La loi elle, prévoit de transférer de manière progressive plusieurs compétences à la MGP : le développement et l’aménagement économique, social et culturel, la protection et la mise en valeur de l’environnement, l’aménagement de l’espace, la politique de l’habitat.

 

Un président pour vingt V(I)P

 

C’est sur des questions de fiscalité que la MGP a démarré ses travaux à l’occasion de la première réunion de son bureau le 29 janvier dernier. L’objet inaugural ? Les attributions de compensations provisoires, soit les trois milliards d’euros de fiscalité des entreprises que la nouvelle métropole devra répartir entre les 131 communes. Un moyen pour Patrick Ollier, élu président de la MGP quelques jours auparavant, de montrer qu’il ne perd pas de temps. Et le maire LR de Rueil-Malmaison ne manquera pas de soutiens dans sa mission, puisque pas moins de 20 vice-présidents ont été élus à ses côtés. En véritable tête de gondole de cette longue liste, la maire de Paris et première vice-président de la MGP, Anne Hidalgo sera chargée des questions internationales et des grands événements. « On ne va pas faire comme si elle n’existait pas, expliquait à son sujet Patrick Ollier au JDD le 24 janvier dernier. Elle nous aidera à donner une visibilité mondiale à la métropole. » Les députés-maires LR et UDI Gilles Carrez et André Santini seront de leur côté responsables des finances et du développement économique. Les autres répartitions devraient intervenir dans les prochains jours pour les dix-sept autres vice-présidents. Une promotion non-négligeable pour ces élus qui seront indemnisés à hauteur de 2 600 euros bruts chacun. Patrick OIlier a néanmoins annoncé qu'ils ne toucheraient pas leurs indemnités « tant que les instances et le fonctionnement n’auront pas été fixé ». Le président devrait pour sa part recevoir le double, soit 5 600 euros bruts par mois. « Une page d’histoire a été écrite le 22 janvier, c’est évident. (…) Voir les clivages politiques s’effacer devant l’intelligence collective c’est très émouvant », confiait-il, enthousiaste, au JDD.

 

Scepticisme et opposition

 

« La MGJ est une intercommunalité au service de sept millions d’habitants, rétorque Patrick Ollier aux bougons. Elle associe 131 maires, tous élus au suffrage universel dans leur commune et donc légitimes. » Oui mais voilà : la MGP est aussi découpée en onze territoires - allant de 300 000 à 700 000 habitants - chargés de « prendre le relais des anciennes intercommunalités et d’intégrer les quarante communes dites "isolées" », si l’on se réfère au site de la métropole. Une situation complexe et un millefeuille administratif difficile à cerner. Car depuis le 1er janvier, l’Île-de-France « se superpose en cinq strates territoriales », confirme, sceptique, le géographe Daniel Béhar, interrogé par Le Point. Et si l’expert admet que le moment est « historique » car la France reconnaît enfin l’importance de sa « ville-monde », sur le plan technique, « la MGP ne représente pour l’instant pas grand-chose ». Un élément qui n’a pas échappé à Valérie Pécresse. La présidente de l’Île-de-France, qui ferait presque office d’égérie contre la MGP, a ouvertement réclamé l’abandon du projet lors de son discours d’investiture en décembre dernier. Et pour revenir sur cette « aberration administrative et économique », celle-ci propose d’absorber la métropole au sein du conseil régional (1). Si sur cette proposition, l’élue LR peine à trouver de la crédibilité, force est de constater qu’elle en acquiert de nouveau lorsqu’il s’agit du financement. Car avec un budget d’environ 65 millions d’euros, la MGP aura inévitablement du mal à peser face à la Région, dont le budget avoisine les cinq milliards. « Dans la tête de Valérie Pécresse, c’est la métropole qui devra travailler avec la région et pas l’inverse », explique le sénateur-maire UDI Hervé Marseille. Quoi qu’il en soit, Valérie Pécresse a le temps de voir venir. « La MGP n’aura acquis ses principales compétences, à savoir sur le logement et l’urbanisme, qu’en 2021 », estime Daniel Béhar. Pour sa première année à la tête de la métropole, Patrick Ollier sera donc principalement chargé d’établir des documents de planification. « Les cent premiers jours seront occupés à construire la gouvernance », reconnaît-il. Pas de quoi, pour l’instant, marcher sur les plates-bandes de l’élue francilienne. Mais au-delà de la présidente de l’Île-de-France, nombreux sont les inquièts quant aux zones d’ombre de cette nouvelle métropole qui n'a pas encore élu domicile et occupe de façon provisoire trois bureaux de la préfecture de région. Les cadors de la politique francilienne semblent eux avoir déniché un siège confortable.

 

Capucine Coquand

 

(1) À lire sur le Magazine Décideurs, Valérie Pécresse n'y va pas par quatre chemins

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