Explication des missions de contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) avec son président.
François Logerot : « Le rejet du compte et l’absence de remboursement interviennent dans moins de 5%
Décideurs. Quelle est la nature des contrôles effectués par la CNCCFP ?
François Logerot. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est une autorité administrative, indépendante du gouvernement, créée par la loi du 15 janvier 1990. Elle contrôle à la fois les comptes de campagne et les obligations comptables des partis. Il s’agit dans le premier cas d’une mission de vérification sur pièces des comptes et, dans le second cas, des obligations à respecter pour participer à la vie politique du pays en bénéficiant des droits des partis définis par la loi du 11 mars 1988.
En parallèle, elle informe le citoyen – et les journalistes – en effectuant une publication sommaire des comptes des partis politiques et des comptes de campagne des candidats aux élections. Elle édite également un rapport d’activité retraçant les résultats des contrôles qu’elle a effectués et envisage, le cas échéant, des améliorations possibles à la législation existante.
Décideurs. Comment s’organise le contrôle des obligations comptables des partis ?
F. L. La loi du 11 mars 1988 impose la désignation d’un mandataire financier du parti qui est la seule personne morale ou physique habilitée à ouvrir un compte bancaire unique afin de recevoir exclusivement les dons perçus pour le parti et éventuellement les cotisations d’adhérents ou d’élus, et à reverser les fonds perçus au parti. Elle prévoit que le parti dépose annuellement ses comptes à la commission avant le 30 juin de l’année suivante.
Ces comptes nous parviennent consolidés et certifiés par deux commissaires au compte. À nous, ensuite, de les publier et, d’émettre éventuellement des observations.
Décideurs. Concrètement, à quels types de cas êtes-vous confrontés ?
F. L. Nous sommes, par exemple, attentifs aux relations financières entre les partis et au respect des obligations dues aux transferts de fonds. Nous sommes également attentifs aux micro-partis, « à éclipse », de soutien à une personne publique. Il existe en France plus de quatre cents partis dont certains ressuscitent d’ailleurs au moment des élections et disparaissent peu de temps après. Bon nombre de personnalités politiques souhaitent en effet davantage d’indépendance par rapport au parti institutionnel. Ce qui choque les observateurs, c’est que beaucoup d’entre eux ne répondent pas nécessairement à l’image qu’on se fait d’un parti en matière de diffusion d’idées, de programme électoral et de participation au débat public.
Lorsqu’un parti ne respecte pas ses obligations comptables, nous lui notifions cette constatation. Il est susceptible de perdre l’aide publique pour l’année qui suit la présentation de son compte. Jusqu’à ce qu’il respecte à nouveau ses obligations, il ne peut plus participer financièrement à une campagne électorale. Cela a récemment été le cas avec le micro-parti Cotelec de Jean-Marie Le Pen qui a déposé ses comptes au mauvais endroit et qui nous a prévenus hors délai. Un nouveau parti, Promelec a été immédiatement fondé. Depuis la loi du 11 octobre 2013, le parti perd aussi le bénéfice de la déduction fiscale pour ses cotisants et donateurs. C’est bien sûr un coup dur pour son existence, voire sa survie.
Décideurs. Comment la CNCCFP est-elle organisée pour assurer ce contrôle des obligations comptables ?
F. L. La commission dispose pour cette mission d’un budget suffisant, mais elle ne doit en aucun cas devenir un poids pour le contribuable. Nous ne pouvons malheureusement pas paramétrer nos moyens et nos effectifs au niveau maximum, comme en période électorale. Le pôle qui s’occupe des partis politiques comprend deux chargés de mission permanents, qui reçoivent un renfort temporaire au second trimestre. Notre intervention se déroule dans cette période et porte essentiellement sur les ressources des partis : les recettes ne doivent pas être prohibées – entreprises, associations sans statut partisan ou collectivités publiques n’ont pas le droit de financer un parti – et les dons de personnes physiques doivent respecter un certain plafond – 7 500 euros.
Décideurs. Qu’en est-il de votre mission s’agissant des comptes de campagne des candidats aux élections politiques ?
F. L. Il s’agit d’une mission de contrôle effectif des comptes de campagne, appuyé des pièces justificatives. C’est une mission très lourde, encadrée par neuf chargés de mission permanents, appuyés là aussi par des renforts temporaires et jusqu’à 180 rapporteurs, le plus souvent magistrats et fonctionnaires retraités. Les comptes de campagne obéissent à un système déclaratif et la commission n’a pas de pouvoir de police. Nous recevons simplement des mains d’un expert-comptable un compte et ses justificatifs. Ce n’est donc pas une certification, mais une présentation qui peut nécessiter des justificatifs complémentaires et des précisions sur les recettes ou les dépenses. Les dépenses remboursées sont celles qui ont été engagées directement en vue de l’obtention des suffrages des électeurs. Les dépenses personnelles, celles de l’équipe ou de la campagne interne non dirigées vers les électeurs sont réformées et ne seront pas remboursées. Là encore, il s’agit de préserver les intérêts du contribuable et d’être économe des deniers publics.
La commission contrôle également les recettes de campagne, qu’il s’agisse des dons – 4 600 euros par « donateur personne physique », avec un total de dons en espèces ne pouvant excéder 20 % des dépenses autorisées lorsque ce montant est égal ou supérieur à 15 000 euros –, des fonds personnels du candidat ou de l’apport du parti – sommes versées au mandataire, concours en nature ou biens facturés.
Décideurs. Quelles vérifications exercez-vous ?
F. L. Les vérifications que nous menons sont de plusieurs ordres et peuvent conduire à des sanctions différentes : rejet du compte et absence de remboursement, dans moins de 5 % des cas, ou acceptation du compte éventuellement après sa réformation. Entre ces deux stades, la commission bénéficie d’un nouveau pouvoir, celui de moduler le remboursement à la baisse en fonction du nombre et de la gravité des irrégularités constatées. La commission est un collège de neuf personnes dont les décisions de nature administrative sont susceptibles d’un contrôle ultérieur du juge compétent. À titre d’exemple, nous avons utilisé le pouvoir de modulation une cinquantaine de fois sur les quatre mille comptes présentés lors des élections municipales.
À chaque fois, nous comparons le montant des dépenses admises au montant de l’apport personnel du candidat et au montant du remboursement maximum, soit 47,5 % du plafond des dépenses depuis les élections cantonales de 2011.
Si le compte est rejeté, le juge de l’élection, c'est-à-dire le tribunal administratif, le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel, est saisi de cette décision. Il en va de même en cas de retard ou d’absence de dépôt. Il peut aller jusqu’à déclarer le candidat inéligible pour trois années maximum, et pour toutes les élections.
Décideurs. De quelles sources alternatives d’informations bénéficiez-vous ?
F. L. La commission est parfois renseignée par des signalements et des requêtes contentieuses. Dans le premier cas, lorsqu’il n’y a pas de trace dans les comptes, les rapporteurs intègrent les informations au questionnaire. En réalité, très peu de ces dénonciations sont effectivement fondées, car les candidats respectent le plus souvent les règles du code électoral. Et je rappelle que la CNCCFP n’a pas de prérogatives de police. Quant aux contentieux, le juge de l’élection doit attendre la production des conclusions de la commission – dans un délai de deux mois – pour statuer. Mais la commission ne se prononce évidemment que sur les griefs qui ont un rapport avec le financement de la campagne.
Propos recueillis par Julien Beauhaire
François Logerot. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est une autorité administrative, indépendante du gouvernement, créée par la loi du 15 janvier 1990. Elle contrôle à la fois les comptes de campagne et les obligations comptables des partis. Il s’agit dans le premier cas d’une mission de vérification sur pièces des comptes et, dans le second cas, des obligations à respecter pour participer à la vie politique du pays en bénéficiant des droits des partis définis par la loi du 11 mars 1988.
En parallèle, elle informe le citoyen – et les journalistes – en effectuant une publication sommaire des comptes des partis politiques et des comptes de campagne des candidats aux élections. Elle édite également un rapport d’activité retraçant les résultats des contrôles qu’elle a effectués et envisage, le cas échéant, des améliorations possibles à la législation existante.
Décideurs. Comment s’organise le contrôle des obligations comptables des partis ?
F. L. La loi du 11 mars 1988 impose la désignation d’un mandataire financier du parti qui est la seule personne morale ou physique habilitée à ouvrir un compte bancaire unique afin de recevoir exclusivement les dons perçus pour le parti et éventuellement les cotisations d’adhérents ou d’élus, et à reverser les fonds perçus au parti. Elle prévoit que le parti dépose annuellement ses comptes à la commission avant le 30 juin de l’année suivante.
Ces comptes nous parviennent consolidés et certifiés par deux commissaires au compte. À nous, ensuite, de les publier et, d’émettre éventuellement des observations.
Décideurs. Concrètement, à quels types de cas êtes-vous confrontés ?
F. L. Nous sommes, par exemple, attentifs aux relations financières entre les partis et au respect des obligations dues aux transferts de fonds. Nous sommes également attentifs aux micro-partis, « à éclipse », de soutien à une personne publique. Il existe en France plus de quatre cents partis dont certains ressuscitent d’ailleurs au moment des élections et disparaissent peu de temps après. Bon nombre de personnalités politiques souhaitent en effet davantage d’indépendance par rapport au parti institutionnel. Ce qui choque les observateurs, c’est que beaucoup d’entre eux ne répondent pas nécessairement à l’image qu’on se fait d’un parti en matière de diffusion d’idées, de programme électoral et de participation au débat public.
Lorsqu’un parti ne respecte pas ses obligations comptables, nous lui notifions cette constatation. Il est susceptible de perdre l’aide publique pour l’année qui suit la présentation de son compte. Jusqu’à ce qu’il respecte à nouveau ses obligations, il ne peut plus participer financièrement à une campagne électorale. Cela a récemment été le cas avec le micro-parti Cotelec de Jean-Marie Le Pen qui a déposé ses comptes au mauvais endroit et qui nous a prévenus hors délai. Un nouveau parti, Promelec a été immédiatement fondé. Depuis la loi du 11 octobre 2013, le parti perd aussi le bénéfice de la déduction fiscale pour ses cotisants et donateurs. C’est bien sûr un coup dur pour son existence, voire sa survie.
Décideurs. Comment la CNCCFP est-elle organisée pour assurer ce contrôle des obligations comptables ?
F. L. La commission dispose pour cette mission d’un budget suffisant, mais elle ne doit en aucun cas devenir un poids pour le contribuable. Nous ne pouvons malheureusement pas paramétrer nos moyens et nos effectifs au niveau maximum, comme en période électorale. Le pôle qui s’occupe des partis politiques comprend deux chargés de mission permanents, qui reçoivent un renfort temporaire au second trimestre. Notre intervention se déroule dans cette période et porte essentiellement sur les ressources des partis : les recettes ne doivent pas être prohibées – entreprises, associations sans statut partisan ou collectivités publiques n’ont pas le droit de financer un parti – et les dons de personnes physiques doivent respecter un certain plafond – 7 500 euros.
Décideurs. Qu’en est-il de votre mission s’agissant des comptes de campagne des candidats aux élections politiques ?
F. L. Il s’agit d’une mission de contrôle effectif des comptes de campagne, appuyé des pièces justificatives. C’est une mission très lourde, encadrée par neuf chargés de mission permanents, appuyés là aussi par des renforts temporaires et jusqu’à 180 rapporteurs, le plus souvent magistrats et fonctionnaires retraités. Les comptes de campagne obéissent à un système déclaratif et la commission n’a pas de pouvoir de police. Nous recevons simplement des mains d’un expert-comptable un compte et ses justificatifs. Ce n’est donc pas une certification, mais une présentation qui peut nécessiter des justificatifs complémentaires et des précisions sur les recettes ou les dépenses. Les dépenses remboursées sont celles qui ont été engagées directement en vue de l’obtention des suffrages des électeurs. Les dépenses personnelles, celles de l’équipe ou de la campagne interne non dirigées vers les électeurs sont réformées et ne seront pas remboursées. Là encore, il s’agit de préserver les intérêts du contribuable et d’être économe des deniers publics.
La commission contrôle également les recettes de campagne, qu’il s’agisse des dons – 4 600 euros par « donateur personne physique », avec un total de dons en espèces ne pouvant excéder 20 % des dépenses autorisées lorsque ce montant est égal ou supérieur à 15 000 euros –, des fonds personnels du candidat ou de l’apport du parti – sommes versées au mandataire, concours en nature ou biens facturés.
Décideurs. Quelles vérifications exercez-vous ?
F. L. Les vérifications que nous menons sont de plusieurs ordres et peuvent conduire à des sanctions différentes : rejet du compte et absence de remboursement, dans moins de 5 % des cas, ou acceptation du compte éventuellement après sa réformation. Entre ces deux stades, la commission bénéficie d’un nouveau pouvoir, celui de moduler le remboursement à la baisse en fonction du nombre et de la gravité des irrégularités constatées. La commission est un collège de neuf personnes dont les décisions de nature administrative sont susceptibles d’un contrôle ultérieur du juge compétent. À titre d’exemple, nous avons utilisé le pouvoir de modulation une cinquantaine de fois sur les quatre mille comptes présentés lors des élections municipales.
À chaque fois, nous comparons le montant des dépenses admises au montant de l’apport personnel du candidat et au montant du remboursement maximum, soit 47,5 % du plafond des dépenses depuis les élections cantonales de 2011.
Si le compte est rejeté, le juge de l’élection, c'est-à-dire le tribunal administratif, le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel, est saisi de cette décision. Il en va de même en cas de retard ou d’absence de dépôt. Il peut aller jusqu’à déclarer le candidat inéligible pour trois années maximum, et pour toutes les élections.
Décideurs. De quelles sources alternatives d’informations bénéficiez-vous ?
F. L. La commission est parfois renseignée par des signalements et des requêtes contentieuses. Dans le premier cas, lorsqu’il n’y a pas de trace dans les comptes, les rapporteurs intègrent les informations au questionnaire. En réalité, très peu de ces dénonciations sont effectivement fondées, car les candidats respectent le plus souvent les règles du code électoral. Et je rappelle que la CNCCFP n’a pas de prérogatives de police. Quant aux contentieux, le juge de l’élection doit attendre la production des conclusions de la commission – dans un délai de deux mois – pour statuer. Mais la commission ne se prononce évidemment que sur les griefs qui ont un rapport avec le financement de la campagne.
Propos recueillis par Julien Beauhaire