Au-delà d’une technique financière et juridique, le LBO est surtout un modèle vertueux de gestion d’entreprise
François Hollande en a fait la source de tous les maux, or contrairement à ce qu’on lui reproche, le LBO représente un formidable outil de développement pour les sociétés. François Hollande aura donc le choix entre soulager la conscience collective ou préférer la compétitivité !


Depuis le début de sa campagne, François Hollande a placé la finance dans sa ligne de mire. Récemment, en visite dans l’usine de Still-Saxby, il a déclaré que le législateur devrait revenir sur les procédures de LBO (Leveraged Buy-Out), insinuant que ces dernières étaient nocives pour les entreprises et donc pour les salariés. Et effectivement, en 2008, le monde a connu une crise financière sans précédant, doublée en 2011 de la crise des dettes souveraines. Dès lors, la finance en général est devenue l’ennemi public numéro, responsable de la situation difficile que les États, les banques et les entreprises traversent. Elle est plus que jamais affublée des synonymes de spéculation, d’excès, d’argent facile et surtout de danger car l’internationalisation du financement implique nécessairement que la chute d’une institution financière entraîne celle de beaucoup d’autres. Dans ce contexte de méfiance, les opérations de LBO sont particulièrement décriées et deviennent le symbole de la décadence financière. En effet, à l’âge d’or du LBO, entre 2005 et 2008, il est indéniable qu’un certain nombre d’opérations ont été réalisées en prenant plus en compte l’effet de levier financier que la réelle capacité de l’entreprise à respecter son business plan et à honorer la dette contractée. Des entreprises sous LBO sont donc aujourd’hui contraintes de restructurer leur dette en raison de leur incapacité à rembourser l’emprunt tel qu’il était prévu. Fort de ces quelques cas, il est naturellement facile de désigner le LBO comme bouc émissaire, mais est-il pour autant légitime de faire endosser aux opérations à effet de levier l’entière responsabilité de la crise actuelle ?

Un raccourci trop facile

Ce constat, quoiqu’inquiétant pour les entreprises concernées, n’est pas représentatif des opérations à effet de levier. Il s’agit en réalité d’une période finalement assez courte durant laquelle certains acteurs du capital-investissement ont profité d’un coût du crédit relativement bas pour réaliser des opérations avec un levier d’endettement particulièrement élevé. Or, depuis la crise financière, la répartition entre les fonds propres et la dette dans une opération de LBO se fait de manière équilibrée. Le levier appliqué dépend ainsi de la capacité opérationnelle de l’entreprise à dégager du résultat et non de la capacité des banques à syndiquer de la dette. Les pratiques sont donc désormais plus saines et plus équilibrées. D’ailleurs, selon un rapport réalisé par l’Afic en 2011, plus de 80 % des participations sous LBO n’ont rencontré aucun problème de dette en 2010. De plus, une très grande majorité des banquiers s’accordent à dire que les sociétés sous LBO ont finalement mieux résisté à la crise que les autres entreprises. Il n’est donc pas juste de jeter l’opprobre sur cette classe d’actifs sous prétexte qu’une minorité de LBO éprouve des difficultés suite à des montages financiers excessifs. Et il est encore moins légitime de souligner un lien de cause à effet entre le LBO et la crise.

Condamner les excès du passé ou anticiper les enjeux d’avenir ?

Des leviers atteignant les 80 %, des valorisations basées sur un multiple dépassant dix fois l’Ebitda : les excès ont existé pendant la période 2005–2007, encouragés par des taux d’intérêt extrêmement bas. L’ajustement a été brutal, et le segment de LBO s’est effondré de 28 % en 2008 et de 78 % en 2009, pour rebondir de 119 % en 2010. La zone de turbulences ne peut être niée, mais l’histoire des LBO ne saurait s’y résumer. Le LBO est un mode de détention d’une entreprise alternatif à la Bourse ou à l’actionnariat familial. D’autant que la structure démographique de la France est à prendre en compte. Avec le départ à la retraite de la génération des baby-boomers dans la décennie qui vient, le LBO, en tant qu’outil essentiel de transmission des entreprises, aura un rôle important à jouer. L’Afic estime en effet que le nombre d’entreprises qui devront changer de mains se situe entre 600 000 et 700 000. Le LBO répond également aux besoins en capitaux d’un certain type de sociétés, PME et ETI auxquelles le marché boursier est inadapté. Comparé au capital-risque ou au capital-développement, il correspond à une étape essentielle de la vie d’une entreprise : sa transmission. Le recours à l’endettement doit permettre l’alignement des intérêts du management et de l’actionnariat, et favoriser la croissance et la profitabilité de l’entreprise. Dans ce contexte, s’attaquer au mécanisme au nom de dérives passées n’est pas la meilleure idée qui soit.

Le LBO : un mode de détention parmi d’autres

En prenant pour cadre temporel les dix dernières années, on constate que les entreprises soutenues par le capital-investissement se sont globalement montrées plus performantes que leurs consœurs cotées : en 2009, au plus fort de la crise, elles ont ainsi enregistré une baisse de chiffre d’affaires de 5,9 % contre 6,8 % pour les entreprises du CAC 40. En 2010, la croissance moyenne de leur chiffre d’affaires se situe à 8,9 %, contre 6,9 % pour le CAC mid & small. Sur la même période, leurs effectifs ont crû de 4,2 %, contre 2,8 % dans les entreprises du CAC mid & small, et 1,9 % dans les PME. Assez loin de l’image d’Épinal du mécanisme destructeur d’emplois et de valeur, donc.

Une classe d’actifs performante

Les fonds LBO connaissent structurellement des niveaux de performance supérieurs aux marchés d’actions. Ainsi, selon des chiffres publiés récemment par Preqin, sur une période de trois ans, les fonds LBO ont enregistré un TRI de 5,3 % contre des évolutions de -2 % et +3,3 % pour les marchés d’actions en Europe et aux États-Unis. À horizon cinq ans, l’écart est encore plus significatif : le rendement des fonds LBO remonte à 11,2 %, contre des hausses de 2 % et 2,9 % pour les indices MSCI Europe et S&P 500.
François Hollande, lorsqu’il accuse les fonds de reprendre « pour une somme modique les capitaux d'une entreprise », se trompe de cible, et fait une confusion entre hedge funds et fonds LBO. Rappelons-le, en 2010, les entreprises étaient en moyenne valorisées à 6,6 fois leur Ebitda. Il n’est pas question de braderie.

Les bienfaits du LBO

Sans verser dans l’idyllisme, il convient de revenir au fondement du LBO, qui comme nous l’avons vu, (performance, transition démographique ou financement alternatif), est avant tout une technique de transmission d’entreprise permettant à de nombreuses sociétés de changer de dirigeant et d’actionnaire. Or cette période est souvent critique pour les sociétés, et les conséquences d’une mauvaise transition sont souvent irréparables pour ces dernières. En ce sens, le bien-fondé du LBO n’est plus à démontrer, et il serait incohérent de se priver d’une technique qui a fait ses preuves. Mais au-delà d’une technique financière et juridique, le LBO est surtout un modèle vertueux de gestion d’entreprise. En effet, de l’aveu des fonds d’investissement, les managers de sociétés sous LBO sont tous choisis pour leur aptitude à gérer un projet de développement fort. Quant aux fonds, ils participent activement au développement de la stratégie et de la croissance de leurs participations et considèrent que le levier opérationnel prédomine sur le levier financier. Enfin, les fonds procurent aux sociétés une assise financière forte leur permettant de se développer rapidement. Plus que des partenaires financiers, ils sont donc avant tout des partenaires du développement, qui accompagnent des PME locales pour qu’elles deviennent des entreprises de taille intermédiaire présentes sur un marché européen ou international.

Reste que les propos de François Hollande ne sont pas absolument dépourvus de fondement, si l’on considère toutefois qu’iI ne s’agit que de la condamnation d’une dérive conjoncturelle et non de l’outil LBO en lui-même. Plutôt que de ne mettre en lumière que les difficultés issues de montages qui ne constituent qu’une parenthèse, certes douloureuse, rappelons que de belles réussites sont, entre autres, attribuables au recours au LBO. Picard, aujourd’hui à son troisième LBO, a pu financer sa croissance jusqu’à conquérir une position de leader sur son marché. Autre exemple qui mérite d’être évoqué, une PME familiale comme Oberthur Technologies, si elle n’avait pas été épaulée par un fonds LBO, aurait sans doute eu plus de mal à devenir un acteur mondial du marché des cartes à puce. À l’heure où les enjeux de réindustrialisation et de renforcement du tissu de PME-ETI prennent une place croissante dans le débat public, il serait incohérent de se priver du concours des fonds LBO.


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