Le délégué général de l'association revient sur la situation de la place financière de Paris dans la compétition mondiale. 
Décideurs. Pouvez-vous revenir sur les objectifs de Paris Europlace…
Arnaud de Bresson. Paris Europlace est une association chargée du développement et de la promotion de la place financière de Paris. Elle rassemble l'ensemble de ses acteurs : des entreprises cotées, des investisseurs et des intermédiaires financiers. Notre objectif est de mener un travail collectif et de développer une place qui serve le financement des entreprises.
Cette construction nous distingue de l'organisation londonienne qui rassemble, pour l'essentiel, des banques d'investissement. Nous avons tenu à ce que les entreprises et investisseurs soient au premier rang pour construire une place financière au service de l'économie réelle.
Cette spécificité est devenue un atout important pour Paris. Depuis la crise financière, nous avons signé des accords de coopération avec d'autres places financières majeures : en 2009 avec Dubaï et le Qatar, en 2010 avec Moscou et Shanghai, en 2011 avec l’organisation des investisseurs institutionnels de Pékin (NAFMII) et en 2013 avec l'Algérie et le Maroc.
Le modèle constitué par Paris Europlace intéresse les marchés émergents. Elle regroupe à ce jour 400 adhérents et développe trois activités majeures. Une première, organisée au travers de groupes de travail avec pour objectif de sensibiliser les pouvoirs publics en France pour pousser les réformes de compétitivité ; une seconde autour de la promotion et de l'échange au plan international ; enfin, le pôle de compétitivité Finance Innovation. Paris Europlace accorde une importance particulière au développement de la recherche et de l'accompagnement de start-up et PME innovantes du secteur financier.

Décideurs. Les organisations professionnelles allemandes et françaises, dont Paris Europlace, se sont réunies le 24 juin dernier pour évoquer les différents impacts de la réglementation européenne. Dans quelle mesure la taxe européenne sur les transactions financières (TTF) pourrait-elle toucher le financement des entreprises ?
A. B. Ce projet européen de taxe sur les transactions financières, à partir du moment où il s'applique à un nombre limité de pays en Europe, constitue un risque majeur pour le financement des entreprises et pour les activités de la place financière de Paris. Dès l'origine, nous avons indiqué aux pouvoirs publics que la limitation de la coopération renforcée à onze pays entraînerait des surcoûts importants pour le financement des entreprises de ces pays. Cela constituerait une perte de compétitivité très nette vis-à-vis des autres places mondiales. La première phase de taxation sur les transactions actions en France a été un moindre mal dans la mesure où cette taxe existe dans d'autres pays européens (comme à Londres). Notre position est claire : il faut s'en tenir à ce dispositif. Tout élargissement de cette taxe à d'autres activités, notamment les marchés dérivés, créerait des handicaps importants en matière de coût pour les entreprises comme de maintien des activités de la place de Paris. Le projet, tel qu'il est conçu par la Commission européenne aboutit à des chiffres astronomiques, au point de remettre en cause l'existence même de pans entiers de l'industrie financière en Europe. Si l'on suit le schéma de la Commission, la taxe à double étage dépasserait le chiffre d'affaires des activités concernées. Cette position est partagée par les représentants des entreprises en Allemagne, de même qu’en Italie. Nous avons pu organiser des rencontres avec le Medef, son équivalent allemand le BDI, l'Association française des entreprises privées (Afep), le Deutsche Aktien Institute... ce qui nous a permis de constater les convergences de points de vue entre les différentes pays.


Décideurs. Les métiers d’intermédiation de la place de Paris sont en fragilisation croissante face à la compétition internationale. Comment l'expliquez-vous ? Quelles mesures doivent prendre les différents acteurs pour endiguer ce phénomène ?
A. B. Les banques françaises constituent des acteurs importants dans la compétition mondiale et ont beaucoup mieux résisté à la crise que leurs homologues anglo-saxons. Quatre banques françaises figurent parmi les dix plus grandes institutions européennes. Elles développent des activités diversifiées, disposent d'une main-d'œuvre qualifiée et elles ont continué à financer les entreprises pendant la crise. La compétitivité des métiers d'intermédiation financière est donc très importante, mais se trouve remise en cause par un environnement fiscal et réglementaire de plus en plus contraignant. La combinaison d'une taxation importante spécifique au secteur financier – je pense notamment à la taxe sur les salaires qui est unique en Europe –, ainsi que la taxation des revenus, et de manière générale, le coût du travail pour l’employeur – supérieur d’un tiers par rapport à l'Angleterre – constituent un handicap très lourd, de nature à favoriser des délocalisations d'activités. En 2013 et en 2014, nous avons constitué un comité ad hoc pour à nouveau souligner les enjeux relatifs au financement des entreprises (y compris les PME), alors que les nouvelles régulations vont pousser au développement des financements de marché pour faire face à la réduction des financements bancaires. Ce comité a défini trois priorités d'actions. La première, améliorer la compétitivité et la stabilité du cadre réglementaire et fiscal pour les métiers d'intermédiation, avec la suppression – au moins progressive - de la taxe sur les salaires et le renoncement au projet de TTF appliqué à seulement onze pays européens. La seconde, accélérer le développement de nouveaux canaux de financement des entreprises tels que les corporate bonds, les placements privés, le papier commercial, le crowdfunding, etc. Enfin, mobiliser les acteurs de la place de Paris autour du « Comité Place de Paris 2020 », afin d’engager avec les pouvoirs publics les grandes réformes réglementaires, fiscales, opérationnelles et stratégiques qui s’imposent. Nous saluons l’engagement de Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes publics, dans le lancement de cette démarche, placée sous l’égide du ministère des Finances et de Paris Europlace.


Décideurs. Quels sont les objectifs de la place de Paris dans la compétition mondiale ?
A. B. Elle doit consolider sa position. Paris est aujourd’hui la septième place au monde, la première de la zone euro. C'est un objectif important tant pour le financement de nos entreprises que pour la préservation de notre souveraineté nationale. Cela passe par le développement d’un pôle d'investissement et d'intermédiation de dimension mondiale avec des infrastructures de marché – notamment une Bourse –, mais également par une coopération active avec de places financières nouvelles avec les pays du Golfe et la Chine notamment. Ainsi, comme évoqué précédemment, nous structurons actuellement nos liens avec Shanghaï, et notre ambition est de faire de Paris la place leader off-shore en Europe du Renminbi (RMB, la devise chinoise). Et nous sommes en bonne position : la France est le deuxième pays en Europe, devant Londres, pour les paiements et pour le montant des dépôts bancaires en RMB. Nous avons notamment signé en 2014 un accord permettant aux investisseurs institutionnels français agréés d’investir en Chine (RQFII) pour un montant de quatre-vingt milliards de RMB. C’est une ouverture très significative. Nous allons également mettre en place prochainement une chambre de compensation du RMB à Paris. Toutes ces actions ont vocation à faciliter les échanges commerciaux et financiers entre les entreprises françaises et la Chine.


Décideurs. Quels sont les éléments qui constituent, selon vous, une finance responsable ?
A. B. La finance responsable, c’est celle où les investisseurs prennent en compte les critères d’environnement, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur stratégie d'investissement. Paris Europlace a contribué à approfondir le dialogue entre les entreprises et les investisseurs pour accompagner le développement de politiques de responsabilité sociale dans l'entreprise, échanger sur les critères d'appréciation et inscrire ces critères dans les stratégies de gestion de portefeuille des investisseurs. La place de Paris est à la pointe en Europe sur le développement de l'investissement socialement responsable (ISR). En dix ans, de 2003 à 2013, le marché français de l’ISR est passé de 3,9 à 169,7 milliards d’euros (données Novethic). Au niveau européen, la France est parmi les leaders en termes des encours ISR.

Décideurs. Que pensez-vous des évolutions des principales politiques monétaires en ce qui concerne les acteurs parisiens (et européens) : fin du quantitative easing (QE) aux États-Unis et perspective de QE pour la BCE ?
A. B. L'action menée par la BCE – notamment à travers la mise en place de facilités monétaires et financières – est un atout essentiel pour relancer la croissance. L'industrie financière utilisera ces facilités pour consolider le financement des entreprises, y compris des PME. J’ajoute que la relance de la titrisation, sous réserve de mettre en place une titrisation plus transparente et appuyée sur des actifs de qualité, comme la place de Paris y travaille, est également indispensable pour que les banques et intermédiaires financiers continuent d’effectuer leurs activités de crédit et de financement des entreprises. Elle permet, dans le respect des contraintes de Bâle III, de desserrer les bilans. La place de Paris salue, également, les initiatives lancées par la BCE dans ce domaine.

Propos recueillis par Mathieu Marcinkiewicz et Jean-Hippolyte Feildel

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