En décidant de recourir au référendum pour approbation des mesures dictées par la Troïka, la Grèce a exaspéré ses créanciers. L'impasse se resserre, le Grexit au bout.
Grèce, l’heure des choix
Le miracle aura-t-il lieu ? Même si la situation semble inextricable, l’espoir - si infime soit-il - de trouver un accord avant le 30 juin est toujours permis. Alors que la situation s’enlisait, les négociations entre Athènes et ses partenaires ont brutalement été interrompues par l’annonce samedi de la tenue d’un référendum portant sur les propositions des créanciers. « Alexis Tsipras a radicalisé sa position et appelle le peuple grec à le soutenir pour forcer le dialogue en sa faveur », décode Nathalie Janson, économiste et professeur à la Neoma Business School.
Qui fera le premier pas ?
La réaction de la Troïka n’a pas tardé. Privée de négociations, elle a confirmé que la Grèce était tenue de rembourser au FMI 1,6 milliard d’euros le 30 juin au plus tard. « Il n’y a pas de délai supplémentaire, comme demandé par la Grèce », confirme Philippe Waechter, directeur de recherche économique chez Natixis. Le blocage est total. Heureusement, la Banque centrale européenne (BCE) a consenti à maintenir intact le plafond de fourniture de liquidités d’urgence (ELA) aux banques grecques, « pour un montant d’environ 90 milliards d’euros », précise l’économiste. Alexis Tsipras n’a pour autant pas eu d’autres solutions que d’annoncer la fermeture temporaire des banques et la mise en veille de la Bourse jusqu’au 7 juillet.
L’avenir du pays est désormais suspendu au résultat du référendum qui se tiendra le 5 juillet. À moins qu’un accord soit trouvé in extremis d’ici là. Le Premier ministre grec a d’ailleurs annoncé avoir reformulé auprès de l’UE et de la BCE une demande de prolongation du programme d’aide. « M. Tsipras a certainement l’intuition que les membres de la zone euro ne veulent pas voir le pays sortir de l’UE et pousse ses créanciers dans leurs retranchements », explique Nathalie Janson. L’appel a été entendu puisque Pierre Moscovici, commissaire européen, a réaffirmé que la porte était toujours ouverte aux négociations et le FMI se dit prêt à apporter son aide. Reste à savoir qui fera le premier pas.
Tsipras, équilibriste malgré lui
Avec l’accession d’Alexis Tsipras à la tête du gouvernement en janvier 2015, la population grecque espérait sortir de la politique d’austérité qu'elle connaît depuis plusieurs années. Élu sur un programme de réduction significative de la valeur nominative de la dette publique et sur l’instauration d’un moratoire sur le service de la dette, le Premier ministre se trouve aujourd’hui dans une position des plus inconfortables. La situation catastrophique des finances publiques et la survenance des échéances de remboursement le forcent à composer avec ceux dont il a toujours dénoncé les décisions : la Troïka (FMI, Commission européenne et BCE).
Acculé, M. Tsipras a dû tourner le dos à ses promesses électorales pour tenter de satisfaire ses créanciers. Il opte notamment pour un tour de vis fiscal. L’impôt sur les sociétés gagnerait ainsi trois points (passant de 26 à 29 %) alors que plus de 1 500 entreprises devront s’acquitter d’une taxe exceptionnelle de 12 % pour 2014. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans l’hôtellerie pourrait atteindre 13 % (contre 6,5 % actuellement) et celle dans la restauration pourrait passer de 13 % à 23 %. Rien n’est encore tranché. Le gouvernement pourrait aussi avoir recours à une taxation supplémentaire pour les revenus annuels supérieurs à 30 000 euros (soit 2 500 euros par mois). Avec un salaire moyen de 817 euros en 2013, peu de Grecs seraient touchés par la réforme. Pour l’instant, les créanciers rejettent ces pistes de réforme, les jugeant insuffisantes. La Troïka voudrait notamment élargir la hausse de la TVA à l'ensemble des produits de consommation courante. « Proposer l’augmentation de la TVA alors que l’impôt ne rentre pas en Grèce, c’est ne pas prendre en compte les réalités de la Grèce », déplore la spécialiste.
La BCE aux petits soins pour la Grèce
La question du sort de la Grèce a quitté depuis longtemps la sphère purement économique. La décision qui aboutira in fine à son sauvetage ou à sa sortie de l’euro est éminemment politique. Les créanciers considèrent que la survie du pays est du seul ressort des dirigeants grecs et de leur propension à consentir à des réformes de fond. À l’opposé, personne ne veut prendre la responsabilité de sanctionner la Grèce. Assurément, la BCE ne veut pas être celle qui appuiera sur la gâchette. L’institution dirigée par Mario Draghi fait preuve d’une particulière clémence vis-à-vis de la Grèce. « Le seul fait que l’ELA ait été augmenté en permanence montre que la BCE n’a jamais voulu durcir les négociations », confirme Nathalie Janson. Chypre et l’Irlande n’ont pas eu cette chance.
En mars 2013, Nicosie était ainsi sommée de réformer sous peine de voir se tarir les liquidités d’urgence. Même ultimatum imposé à Dublin en novembre 2010. Les deux pays avaient fini par céder. La Grèce bénéficie donc d’un vrai régime de faveur. Cette mansuétude de la part de la BCE ne durera pas. En principe, les ELA sont réservées aux États solvables. Sans accord au 30 juin, les conditions d’octroi des aides d’urgence à la liquidité accordées à la Grèce seraient, sinon suspendues, vraisemblablement durcies. En finançant des banques non solvables, l’institution violerait les termes de sa mission, mettrait en péril sa santé financière et s’exposerait à des critiques, fondées, de laxisme et de favoritisme.
Effacer l’ardoise pour sauver la Grèce ?
Le sauvetage du pays ne semble par ailleurs être concevable qu’en annulant une partie de sa dette. De plus en plus de voix se font l’écho de cette idée. Signant son retour sur la scène médiatico-financière, Dominique Strauss-Kahn a récemment plaidé en faveur d’une réduction de la dette nominale du pays tout en suspendant le financement européen dont il bénéficie. Il existe des précédents en la matière. En 2005, le FMI a annulé 100 % de la dette de dix-neuf États. Parmi eux, treize pays africains dont la dette totale s’élevait à trois milliards de dollars. Le FMI a précisé avoir consenti à ce geste pour que ceux-ci « augmentent leurs dépenses dans les domaines prioritaires afin de réduire la pauvreté et promouvoir la croissance […] ». Plus récemment, en 2012, la France a annulé sa créance envers la Côte d’Ivoire (trois milliards d’euros).
Aujourd’hui, effacer l’ardoise grecque n’est pas à l’ordre du jour. « L’Allemagne a finalement imposé sa façon de poser le problème grec en ne souhaitant pas négocier la réduction de la dette grecque », tranche Philippe Waechter. Pourtant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, c’est bien la Grèce qui avait fait une croix sur plus de la moitié de la dette de la RFA dans le cadre de l’accord de Londres…
S. V.
Qui fera le premier pas ?
La réaction de la Troïka n’a pas tardé. Privée de négociations, elle a confirmé que la Grèce était tenue de rembourser au FMI 1,6 milliard d’euros le 30 juin au plus tard. « Il n’y a pas de délai supplémentaire, comme demandé par la Grèce », confirme Philippe Waechter, directeur de recherche économique chez Natixis. Le blocage est total. Heureusement, la Banque centrale européenne (BCE) a consenti à maintenir intact le plafond de fourniture de liquidités d’urgence (ELA) aux banques grecques, « pour un montant d’environ 90 milliards d’euros », précise l’économiste. Alexis Tsipras n’a pour autant pas eu d’autres solutions que d’annoncer la fermeture temporaire des banques et la mise en veille de la Bourse jusqu’au 7 juillet.
L’avenir du pays est désormais suspendu au résultat du référendum qui se tiendra le 5 juillet. À moins qu’un accord soit trouvé in extremis d’ici là. Le Premier ministre grec a d’ailleurs annoncé avoir reformulé auprès de l’UE et de la BCE une demande de prolongation du programme d’aide. « M. Tsipras a certainement l’intuition que les membres de la zone euro ne veulent pas voir le pays sortir de l’UE et pousse ses créanciers dans leurs retranchements », explique Nathalie Janson. L’appel a été entendu puisque Pierre Moscovici, commissaire européen, a réaffirmé que la porte était toujours ouverte aux négociations et le FMI se dit prêt à apporter son aide. Reste à savoir qui fera le premier pas.
Tsipras, équilibriste malgré lui
Avec l’accession d’Alexis Tsipras à la tête du gouvernement en janvier 2015, la population grecque espérait sortir de la politique d’austérité qu'elle connaît depuis plusieurs années. Élu sur un programme de réduction significative de la valeur nominative de la dette publique et sur l’instauration d’un moratoire sur le service de la dette, le Premier ministre se trouve aujourd’hui dans une position des plus inconfortables. La situation catastrophique des finances publiques et la survenance des échéances de remboursement le forcent à composer avec ceux dont il a toujours dénoncé les décisions : la Troïka (FMI, Commission européenne et BCE).
Acculé, M. Tsipras a dû tourner le dos à ses promesses électorales pour tenter de satisfaire ses créanciers. Il opte notamment pour un tour de vis fiscal. L’impôt sur les sociétés gagnerait ainsi trois points (passant de 26 à 29 %) alors que plus de 1 500 entreprises devront s’acquitter d’une taxe exceptionnelle de 12 % pour 2014. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans l’hôtellerie pourrait atteindre 13 % (contre 6,5 % actuellement) et celle dans la restauration pourrait passer de 13 % à 23 %. Rien n’est encore tranché. Le gouvernement pourrait aussi avoir recours à une taxation supplémentaire pour les revenus annuels supérieurs à 30 000 euros (soit 2 500 euros par mois). Avec un salaire moyen de 817 euros en 2013, peu de Grecs seraient touchés par la réforme. Pour l’instant, les créanciers rejettent ces pistes de réforme, les jugeant insuffisantes. La Troïka voudrait notamment élargir la hausse de la TVA à l'ensemble des produits de consommation courante. « Proposer l’augmentation de la TVA alors que l’impôt ne rentre pas en Grèce, c’est ne pas prendre en compte les réalités de la Grèce », déplore la spécialiste.
La BCE aux petits soins pour la Grèce
La question du sort de la Grèce a quitté depuis longtemps la sphère purement économique. La décision qui aboutira in fine à son sauvetage ou à sa sortie de l’euro est éminemment politique. Les créanciers considèrent que la survie du pays est du seul ressort des dirigeants grecs et de leur propension à consentir à des réformes de fond. À l’opposé, personne ne veut prendre la responsabilité de sanctionner la Grèce. Assurément, la BCE ne veut pas être celle qui appuiera sur la gâchette. L’institution dirigée par Mario Draghi fait preuve d’une particulière clémence vis-à-vis de la Grèce. « Le seul fait que l’ELA ait été augmenté en permanence montre que la BCE n’a jamais voulu durcir les négociations », confirme Nathalie Janson. Chypre et l’Irlande n’ont pas eu cette chance.
En mars 2013, Nicosie était ainsi sommée de réformer sous peine de voir se tarir les liquidités d’urgence. Même ultimatum imposé à Dublin en novembre 2010. Les deux pays avaient fini par céder. La Grèce bénéficie donc d’un vrai régime de faveur. Cette mansuétude de la part de la BCE ne durera pas. En principe, les ELA sont réservées aux États solvables. Sans accord au 30 juin, les conditions d’octroi des aides d’urgence à la liquidité accordées à la Grèce seraient, sinon suspendues, vraisemblablement durcies. En finançant des banques non solvables, l’institution violerait les termes de sa mission, mettrait en péril sa santé financière et s’exposerait à des critiques, fondées, de laxisme et de favoritisme.
Effacer l’ardoise pour sauver la Grèce ?
Le sauvetage du pays ne semble par ailleurs être concevable qu’en annulant une partie de sa dette. De plus en plus de voix se font l’écho de cette idée. Signant son retour sur la scène médiatico-financière, Dominique Strauss-Kahn a récemment plaidé en faveur d’une réduction de la dette nominale du pays tout en suspendant le financement européen dont il bénéficie. Il existe des précédents en la matière. En 2005, le FMI a annulé 100 % de la dette de dix-neuf États. Parmi eux, treize pays africains dont la dette totale s’élevait à trois milliards de dollars. Le FMI a précisé avoir consenti à ce geste pour que ceux-ci « augmentent leurs dépenses dans les domaines prioritaires afin de réduire la pauvreté et promouvoir la croissance […] ». Plus récemment, en 2012, la France a annulé sa créance envers la Côte d’Ivoire (trois milliards d’euros).
Aujourd’hui, effacer l’ardoise grecque n’est pas à l’ordre du jour. « L’Allemagne a finalement imposé sa façon de poser le problème grec en ne souhaitant pas négocier la réduction de la dette grecque », tranche Philippe Waechter. Pourtant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, c’est bien la Grèce qui avait fait une croix sur plus de la moitié de la dette de la RFA dans le cadre de l’accord de Londres…
S. V.