La loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution crée une nouvelle procédure : la question prioritaire de constitutionnalité. Elle n’est pas indépendante d’une procédure engagée.

La loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution crée une nouvelle procédure : la question prioritaire de constitutionnalité. Elle n’est pas indépendante d’une procédure engagée. La question est soulevée par un mémoire spécifique dont le bienfondé est examiné par la juridiction de cassation avant d’être évoquée devant le Conseil constitutionnel. La procédure est contradictoire permettant un échange par mail des mémoires et une plaidoirie. La décision d’abrogation du texte aura un effet immédiat.

 

La Constitution autorise la saisine du Conseil constitutionnel par les justiciables dans le cadre du procès dès lors qu’une disposition législative, en lien avec le litige, porte atteinte aux droits et libertés qu’elle garantit (article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958). Cette saisine est possible à tout moment du procès selon la procédure issue de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009. C’est un objectif de sécurité juridique qui est poursuivi  : purger l’ordre juridique des lois contraires à la Constitution (circulaire du 24 février 2010).

Le Conseil constitutionnel a déclaré le dispositif constitutionnel à quelques réserves près portant notamment sur le respect tout au long de la procédure des règles du procès équitable (décision n°2009595 DC du 3 décembre 2009).  Les décrets n° 2010-149 et 2010-149 du 16 février 2010 précisent la procédure applicable devant les juridictions administratives, civiles et pénales. 

Quand l’affaire est en cours d’instruction et la procédure close, la réouverture de l’instruction est laissée à la libre appréciation de la juridiction saisie. 

 

Trois étapes sont imposées par la loi

 

L’exigence d’un écrit distinct et motivé Il ressort de l’article 23-1 de la loi du 10 décembre 2009 que : « Devant les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel. Il ne peut être relevé d’office. Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n’est pas partie à l’instance, l’affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu’il puisse faire connaître son avis. Si le moyen est soulevé au cours de l’instruction pénale, la juridiction d’instruction du second degré en est saisie. Le moyen ne peut être soulevé devant la cour d’assises. En cas d’appel d’un arrêt rendu par la cour d’assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d’appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation.»

L’écrit doit permettre d’identifier en quoi la disposition législative en cause contrevient à la norme constitutionnelle invoquée. Le Conseil constitutionnel ne sera saisi que de cet écrit ainsi que des mémoires et conclusions propres à cette question prioritaire. 

 

Un filtre double

 

L’article 23-2 de la loi de 2009 précise le sort de cette question : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1- La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites  2-  Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances 3-  La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.» 

À cet égard, l’article 23-2 de la loi précise: « La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d’État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n’est susceptible d’aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige. »

Puis, dans un délai de trois mois à compter de sa réception, le Conseil d’État ou la Cour de cassation, se prononce sur le renvoi de la question prioritaire au Conseil constitutionnel. 

 

Le renvoi de la question devant le Conseil constitutionnel

 

Ce renvoi emporte communication de la question au président de la République, au premier ministre et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat pour que soient recueillies leurs observations. La décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui saisit le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité est enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel. Ce dernier en avise les parties à l'instance ou le cas échéant, leurs représentants. (Cons. cons. 4 fév. 2010 portant règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité). Cet avis mentionne la date avant laquelle les parties ou les autorités précitées peuvent présenter des observations écrites et produire des pièces à leur soutien. L’ensemble est adressé au secrétariat général du Conseil constitutionnel. Les observations et pièces adressées postérieurement à cette date, laquelle ne peut être reportée, ne sont pas versées à la procédure. Pour garantir un échange contradictoire, les notifications et les échanges se font par voie électronique. L'affaire est ensuite appelée en audience publique où les avocats pourront formuler des observations orales. Les griefs susceptibles d'être relevés d'office sont communiqués aux parties et aux autorités mentionnées pour qu'elles puissent présenter leurs observations dans le délai imparti. 

La décision du Conseil constitutionnel comporte le nom des parties, de leurs représentants, les visas des textes applicables et des observations communiquées, les motifs sur lesquels elles reposent et un dispositif. La décision mentionne le nom des membres ayant siégé à la séance et du rapporteur. Elle est communiquée aux parties, au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, à la juridiction devant laquelle la question a été soulevée, mais également aux autorités précitées. Son effet est immédiat dans l’ordonnancement juridique ; soit la disposition est déclarée inconstitutionnelle et sera immédiatement abrogée, soit elle est déclarée constitutionnelle auquel cas elle conserve sa place dans l'ordre juridique. La juridiction saisie du contentieux doit l'appliquer, à moins qu'elle ne la juge incompatible avec une disposition internationale ou communautaire.

Quelques affaires sont pendantes devant le Conseil constitutionnel. On devra s’interroger sur une stratégie propre à ne pas retarder le procès ou préférer provoquer une saisine quasi obligatoire du Conseil constitutionnel.

 

 

Sur l’auteur

Marie-Yvonne Benjamin est associée et avocat en droit public économique au cabinet Genesis, cabinet spécialisé en droit public, droit de l’environnement et droit du financement associé à ces projets (contrats complexes, PPP, DSP, BEA, BEH). Elle est l’auteur de l’ouvrage « SEML » paru aux éditions EFE en 2002.

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