Un an après la mise en application du say on pay, Agnès Touraine, présidente de l'IFA, fait le bilan.
Décideurs. Quel bilan dressez-vous de la première année d’application du say on pay ?

Agnès Touraine.
Cette soft law a suscité des craintes mais sa mise en œuvre en cette première année en a montré la justification. Le bilan est plutôt positif car les entreprises ont bien perçu la vertu de la transparence. De leur côté, les actionnaires ont voté de façon positive. Le say on pay permet de donner une vision pédagogique renforcée dans l’explication des rémunérations. Les questions majeures qui subsistaient quant aux bonus sans objectif ou encore aux retraites chapeaux ont pu être formalisées et détaillées dans la présentation à l’assemblée générale. Nous pourrons toutefois réellement faire un bilan plus poussé dans les prochaines années. Comme dans tous les pays qui ont adopté la mesure, c’est l’évolution de son application qui est importante. Pour les années à venir, je pense qu’il serait souhaitable de mettre en regard la performance et la création de valeur avec la rémunération. Cette première année du say on pay a donc posé les bases.


Décideurs. Quels sont selon vous les axes d’amélioration de la mesure ?

A. T.
L’important est l’évolution du say on pay dans la durée. Les points d’amélioration viendront eux-mêmes d’une mise en œuvre dans la durée et peut-être d’une vigilance accrue des actionnaires. Dans un premier temps, nous avons vu que les montants eux-mêmes n’ont pas été remis en cause. Pour une première année, les votants ont montré leur intérêt et leur accord pour cette nouvelle révolution. Le véritable apport pour les assemblées a été de pouvoir lire en toute transparence des données devenues aujourd’hui objectivement complexes. Une belle avancée. Toutefois, c’est autour du ratio d’équité que le débat va se développer dans les années à venir comme on le voit aujourd’hui aux États-Unis. Il est à noter que la transparence est nécessaire et fondamentale mais n’est pas forcément synonyme de modération puisqu’elle entraîne naturellement un benchmark des sociétés.


Décideurs. Les rémunérations ont été approuvées à 91 % en moyenne et aucune n’a été retoquée. Les recommandations du code sont-elles assez exigeantes ?

A. T.
Au-delà même de la moyenne globale, il faut regarder dans le détail. Évidemment, sous la barre des 80 %, le say on pay doit interpeller les administrateurs. C’est l’avantage de la mesure qui envoie un signal d’alerte aux administrateurs membres du comité de rémunération. Nous verrons si les entreprises qui ont été quelque peu chahutées vont prendre des mesures l’année prochaine pour éviter de recueillir de tels résultats. Je ne pense pas que les recommandations ne soient pas assez exigeantes. À ce titre, on peut se féliciter que le say on pay ne soit pas une loi directement contraignante. L’autorégulation est plus adaptée à ces problématiques. Rappelons également que nous ne sommes pas les premiers à intégrer cette soft law et qu’elle a déjà fait ses épreuves chez nos voisins européens. Quant au droit de vote des actionnaires, il est impératif que ces derniers l’activent et conservent leur indépendance. Et j’entends par là tous types d’actionnaire, y compris l’État. Voter « non » systématiquement devra être motivé par l’évaluation du rapport rémunération/performance et tenir compte du ratio d’équité.

Décideurs. Quel est le rôle de l’IFA ?

A. T.
La gouvernance des entreprises françaises a fait des progrès considérables notamment avec le code Afep/Medef. À l’IFA, depuis dix ans, nous veillons à la bonne compréhension et à la mise en œuvre des bonnes pratiques. Nous rappelons d’ailleurs volontiers que la gouvernance n’est pas qu’un ensemble de normes, mais aussi des agissements. Une bonne gouvernance comportementale est indissociable de la bonne compréhension et application des normes. Notre enjeu majeur est de porter haut les trois principes fondamentaux d’une bonne gouvernance : la confiance, la transparence et la compétence. Nous informons et nous formons les adhérents afin qu’il puisse faire évoluer leurs pratiques. L’objectif : travailler sur le lien fort entre gouvernance et compétitivité des entreprises.

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