L’utilisation de la holding permet au dirigeant possédant de créer un groupe de sociétés aux multiples avantages, à condition d’être bien conseillé. Entre rémunération, taxation et investissements, les points d’attention sont nombreux pour éviter certains pièges. Décryptage.
DÉCIDEURS. Pourquoi constituer une holding ?
Loïc Ronzani. Pour le dirigeant possédant, l’intérêt est triple : gérer ses flux pendant la période d’activité, anticiper la cession de son outil professionnel dans de bonnes conditions de fiscalité et préparer la transmission patrimoniale aux générations futures. Ce type d’opération se fait avec notre appui ; nous travaillons en interprofessionnalité avec des avocats, experts- comptables, notaires… Nous tenons le rôle de chef d’orchestre du patrimoine de nos clients.
"Dans la sphère privée, nous sommes l’interlocuteur de référence du dirigeant"
Xavier Ducourau. Dans la sphère privée, nous sommes l’interlocuteur de référence du dirigeant. En revanche sur l’aspect professionnel, le client est le seul à savoir ce dont la société a besoin. Le dirigeant possédant a la main sur sa rémunération. Dès lors, il peut décider de ce qu’il prélève sur l’activité opérationnelle. La planification financière doit être globale, elle inclut le train de vie, l’épargne personnelle souhaitée, la fiscalité et la capitalisation au sein de la holding. Nous accompagnons les dirigeants dans le monitoring de cette équation, en qualifiant les différents scénarii possibles et en apportant les solutions requises pour chacun.
Quel arbitrage entre rémunération et dividendes ?
L. R. et X. D. À partir de 158 000 € pour une part fiscale, les revenus du travail sont taxés à 45 % au titre de l’impôt sur le revenu. Pour les dirigeants possédants, la question de l’efficacité de la rémunération se pose. En d’autres termes, quel est le coût de revient, pour l’entreprise, pour 1 € de revenu supplémentaire net après impôt ? La démarche est de croiser ces données avec les besoins du dirigeant pour assumer son train de vie. Il est souvent pertinent d’opter pour un panachage entre rémunération et dividendes. Lesquels peuvent, le cas échéant, être encapsulés dans une holding soumise à l’impôt sur les sociétés.
Quelle est la taxation appliquée sur les plus-values ?
L. R. et X. D. Lorsque la société opérationnelle est inscrite en titres de participation à l’actif de la holding, la cession peut bénéficier de la niche Copé qui prévoit une exonération de la plus-value de cession modulo la réintégration d’une quotepart de frais et charges de 12 %. La cession se retrouve ainsi taxée à l’IS à 25 % sur une assiette de 12 %, soit un frottement fiscal global de 3 %, ce qui est dix fois inférieur à la flat tax actuellement en vigueur.
Quels sont les avantages financiers des stratégies d’encapsulement pour un dirigeant ?
L. R. et X. D. En distribuant les dividendes, le dirigeant subit la flat tax à 30 %. Il a alors le choix d’investir 100 € depuis la holding ou 70 € depuis son patrimoine personnel. Pour les fonds que le chef d’entreprise n’a pas besoin d’appréhender à titre personnel, faire de la holding un véhicule patrimonial à long terme prend tout son sens. Naturellement, il faut trouver le juste équilibre entre les dividendes distribués et ceux encapsulés dans la holding. De plus, l’encapsulement a également vocation à créer un véhicule patrimonial créateur d’indépendance financière pour le chef d’entreprise au moment du départ à la retraite.
En matière d’Owner buy Out, comment liquéfier et sécuriser une partie de son patrimoine professionnel ?
L. R. et X. D. Bien souvent, les chefs d’entreprise ont consacré beaucoup de temps et d’énergie au développement de leur société au détriment de leur propre gestion patrimoniale.
"Dans une logique de rééquilibrage mais aussi de sécurisation, il peut être pertinent de mettre en place une stratégie dite de Owner Buy Out"
Il en résulte un très fort déséquilibre. Dans une logique de rééquilibrage mais aussi de sécurisation, il peut être pertinent de mettre en place une stratégie dite de "Owner Buy Out". Le schéma est simple dans sa logique mais les pièges à éviter sont nombreux dans la mise en oeuvre pratique. La première étape consiste à créer une holding à laquelle le dirigeant va apporter une partie des titres qu’il détient à titre personnel en utilisant le mécanisme du report d’imposition afin d’éluder l’impôt sur cette opération intercalaire. Ensuite, la holding va s’endetter pour lui racheter le solde des titres qu’il possède à titre personnel. Le dirigeant va ainsi réaliser un cash-out qui lui permet de rendre liquide une partie de son patrimoine professionnel tout en restant à 100 % aux commandes de sa société (IS).
Quels investissements sont possibles depuis une holding ?
X. D. Différentes catégories d’investissements peuvent s’envisager depuis la holding :
- d’abord les investissements professionnels : nos clients sont souvent pleins d’idées et de projets et ont l’envie de créer un nouveau business. Cela peut être un projet de diversification, le conjoint du dirigeant possédant peut souhaiter se lancer dans l’entrepreneuriat, etc. ;
- le private equity est ensuite très recherché, dans toutes ses modalités d’investissements possibles : capital amorçage, capital création (start-up), capital-développement, en actions, à travers des fonds dédiés… ;
- il est également possible d’investir dans de l’immobilier productif direct (résidentiel ou tertiaire) et indirect au travers de SCPI notamment ;
- enfin, on trouve les investissements financiers en comptes-titres classiques, en actions cotées, et à travers les produits structurés.
L. R. Dans toutes ces catégories, nous notons une demande de plus en plus forte pour l’investissement socialement responsable, très nette chez les jeunes générations. Nous avons également une approche d’évangélisation et de pédagogie pour les clients plus âgés ; ce qui est une nécessité vitale, renforcée par l’arrivée prochaine de la nouvelle obligation de conseil en matière de préférences ESG.
Qu’en est-il de la transmission aux générations futures ?
X. D. Comme toute personne morale, les sociétés holding bénéficient de la liberté statutaire pour organiser la transmission aux générations futures. Cela permet notamment de dissocier l’avoir et le pouvoir et, aux parents, de commencer à transmettre tout en gardant le contrôle. Sur le plan fiscal, nous pouvons optimiser ainsi la transmission de l’entreprise par la mise en place d’un pacte Dutreil qui peut réduire la base imposable jusqu’à 75 %.
L. R. Il y a plusieurs façons de transmettre. La plus simple est de faire une donation, ou encore de transmettre au travers de libéralités, c’est-à-dire par la rédaction d’un testament. Dans tous les cas, il y a toujours des garde-fous à prendre en compte. Je pense notamment à la réserve héréditaire, la part minimale qui ne peut pas être enlevée aux enfants.
Quels sont les points de vigilance ou les pièges à éviter ?
L. R. Une tentation régulièrement exprimée par nos clients dirigeants possédants est de vouloir acheter de l’immobilier d’usage (résidence principale, résidence secondaire…) depuis leur holding en achetant un bien immobilier dont ils veulent profiter, tout en la louant occasionnellement ou partiellement pour justifier leur investissement depuis la holding. Tout comme acheter une Ferrari depuis la holding au motif qu’il s’agit d’une voiture de collection qui va prendre de la valeur, et aller au travail avec, ce sont de fausses bonnes idées. La frontière est très fine entre l’investissement d’usage et l’investissement professionnel. La limite est de garder en tête que les investissements doivent être réalisés dans l’intérêt de la société et non dans l’intérêt de l’actionnaire de la société. Au-delà de ce type d’opérations à proscrire, il faut être rigoureux à chaque étape de la mise en place, qu’il s’agisse de création, de valorisation, d’apport, de report d’imposition, de régime mère-fille ou encore de titres de participation.
Propos recueillis par Marine Fleury