La résilience des SCPI et OPCI face à la crise sanitaire
En ce début d’année, le marché de la pierre-papier était parti pour battre (encore) des records. Durant le premier trimestre, les SCPI et OPCI grand public ont collecté 3,8 milliards de dollars, soit un volume en hausse de 47 % sur un an.
Le choc du confinement
Mais les mesures de confinement prises par le gouvernement durant la crise sanitaire ont changé la donne. Le secteur n’a pas été épargné par l’arrêt brutal de l’activité économique. Celle-ci ayant, sans surprise, provoqué un ralentissement de la collecte.
Les incertitudes économiques ont également poussé certaines sociétés de gestion à adopter une position d’attente pour leurs investissements immobiliers. C’est notamment le cas de Sofidy qui a décidé de "lever le stylo" et de geler ses acquisitions pour conserver un maximum de liquidités.
Les sociétés de gestion aux cotés des locataires
Passé le choc des premiers jours de confinement, les acteurs de l’immobilier se sont mobilisés aux côtés du gouvernement pour sauvegarder le tissu économique. Afin de venir en aide aux TPE et PME, le ministère de l’Économie et des Finances avait convoqué les principales fédérations de bailleurs dont l’Association française des sociétés de placement immobilier (Aspim), demandant notamment à leurs adhérents de suspendre les loyers des TPE et PME contraintes de fermer boutique.
Le message est bien passé de la part des sociétés de gestion immobilières qui ont proposé de nombreuses solutions à leur locataire, allant du simple report à un effacement pur et simple de leurs loyers, et ce en fonction de leur situation. Marc Bertrand, le président de La Française REM, traduit l’état d’esprit général : "Les locataires sont nos clients et ceux de nos investisseurs. Nos investissements ne font sens que parce qu’ils satisfont les besoins des locataires. Il faut être à leurs côtés dans cette période. On fera ce qu’il faut. Il faut éviter les faillites en chaîne."
Sonia Fendler, la présidente d’Altixia REIM, regrette cependant l’attitude des grands groupes par rapport aux plus petites entreprises : "Si les TPE-PME font tout ce qui est en leur pouvoir pour verser leurs loyers, les grandes marques suivent une voie parfois différente. Nous sommes ainsi étonnés de constater que certaines d’entre elles ont décidé, de manière arbitraire, de ne pas régler leur loyer." Un constat partagé par Jean-Marc Peter, le directeur général du groupe Sofidy : "Les échanges ont été très fluides et constructifs avec les TPE-PME. Les discussions furent plus difficiles avec les grandes enseignes nationales." Certains secteurs ont également été plus touchés que d’autres.
Les hôteliers et les commerces apparaissent comme les principales victimes des mesures de confinement et la mise en place de règles de distanciation sociale, bien plus que les bureaux, les actifs immobiliers logistiques ou les logements. Dans l’hôtellerie, un retour à la normale n’est d’ailleurs pas prévu avant trois ans.
Quelles conséquences pour les rendements ?
Les difficultés des sociétés de gestion immobilières à percevoir les loyers auront bien évidemment des incidences sur les performances de la pierre-papier. Les épargnants doivent-ils pour autant anticiper une baisse drastique des taux de distribution sur la valeur du marché (TDVM) des SCPI ? Selon les différentes études menées à ce
sujet, la baisse resterait modérée. Le TDVM 2020 est attendu à un niveau proche de 4 %, contre 4,4 % en 2019.
Le groupe Sofidy a d’ailleurs réalisé un travail de modélisation prenant en compte des hypothèses pessimistes. Dans le pire des scénarios, le TDVM de leurs SCPI baisserait de 10 % par rapport à 2019. Pour soutenir les rendements, les sociétés de gestion pourraient aussi être amenées à puiser dans leur report à nouveau.
Une thèse corroborée par Jean-Marc Peter : "C’est fait pour cela. Le report à nouveau permet à une SCPI de mettre de l’argent de côté, de se constituer des réserves afin de faire face aux aléas locatifs. La crise épidémique que nous vivons me semble être le candidat idéal pour utiliser ce levier, surtout si les sociétés de gestion ne parviennent pas à récupérer l’ensemble de leurs loyers."
Les banques centrales en soutien
S’il est difficile de mesurer aujourd’hui les conséquences des crises sanitaire et économique sur l’immobilier, celui-ci peut encore compter sur le soutien des banques centrales qui vont continuer à inonder les marchés de liquidités et maintenir des taux très bas.
De l’aveu même de Frédéric Bôl, président de l’Aspim : "Ces facteurs permettront d’amortir les chocs." Le président d’Edmond de Rothschild REIM, François Grandvoinnet, partage également cette analyse : "L’immobilier est un placement à rendement récurrent et à faible volatilité. Les banques centrales vont maintenir des taux extrêmement bas. C’est une vraie autoroute pour la classe d’actifs. Tous les acteurs continueront à avoir besoin d’immobilier. Pour toutes ces raisons, même s’il y a un risque de bulle sur tous les marchés, je pense que l’immobilier sera un peu plus épargné."
Sonia Fendler n’anticipe pas non plus une chute des prix de l’immobilier : "Il est difficile d’évaluer d’ores et déjà les éventuels impacts mais il ne faut cependant pas s’attendre à une baisse drastique. Dans tous les cas, s’il devait y avoir une baisse, elle n’interviendra pas avant 2021."
Le prix des parts de SCPI ne devrait pas non plus s’effondrer. C’est en tout cas la conviction du directeur général de Sofidy : "Je n’anticipe pas une baisse violente des prix. Les SCPI sont des véhicules adaptés pour traverser les cycles. Elles investissent chaque année, avec une grande régularité, ce qui leur permet d’acheter à tous les moments du cycle et donc de ne jamais se tromper." Des propos rassurants qui s’ajoutent aux informations communiquées par l’Aspim, soulignant qu’aucun mouvement significatif de retraits n’était à signaler sur les mois de mars et d’avril.