J. Seraqui (CNCGP) : "Il y a un fossé entre les souhaits des pouvoirs publics et ceux des épargnants"
Décideurs. Quelles ont été les principales actualités de la CNCGP au cours des douze derniers mois ?
Julien Seraqui. Nous avons continué à mettre en application le programme sur lequel nous avons été élus. Nos équipes sont ainsi allées à la rencontre des étudiants d’une vingtaine de masters 2 en gestion de patrimoine pour les sensibiliser aux opportunités d’emploi proposées par les cabinets de gestion de patrimoine. Une dynamique qui est à mettre en perspective avec celle des banques qui réduisent leurs effectifs.
Nous avons également participé à la défense de la profession, tant au niveau national qu’au niveau européen.
Ce travail de lobbying a aussi porté sur la défense du modèle hybride de rémunération des cabinets. Le débat entre les commissions et les honoraires de conseil a fait long feu. Celui-ci n’a plus aucune réalité sur le terrain puisque la majorité des cabinets proposent désormais à leurs clients de choisir entre les deux modes de rémunération.
Enfin, cette année fut l’occasion d’échanger avec les métiers du chiffre et du droit (avocats, notaires et experts-comptables) avec lesquels les CGP travaillent main dans la main. Des événements permettant de développer cette interprofessionnalité vont ainsi voir le jour très prochainement.
La CNCGP souhaite également s'inscrire comme une association de courtiers d’assurances et d’IOB…
La réforme du courtage devrait bien entrer en vigueur avant la fin du quinquennat. Les statuts de la Chambre sont désormais en phase avec ce changement. Nous sommes aujourd’hui prêts à accueillir des courtiers d’assurances et d’IOB. La Chambre a toutefois fait un choix de restreindre l’entrée des courtiers en assurances (vie et prévoyance) et IOB (assurances de prêt) en choisissant des acteurs qui lui ressemblent. Nous voulons en effet garder notre ADN "CGP", sans nous diluer.
Quels seront les impacts de la pandémie sur la profession de CGP ?
L’impact de la pandémie sera très limité sur nos cabinets, à condition que l’économie tienne bon sur le long terme. Nous avons réalisé un sondage auprès de nos adhérents afin de mesurer ces conséquences et les résultats furent très positifs : 85 % des adhérents de la CNCGP n’ont pas fait appel au PGE et aux mesures de chômage partiel. La perte sur le chiffre d’affaires de nos membres devrait être très modérée, de l’ordre de 10 % pour 43 % des répondants. Si de nombreuses nouvelles affaires n’ont pas pu se conclure en raison du confinement, nous observons cependant un effet de rattrapage depuis la reprise de l’activité.
"Les CGP sont les premiers pédagogues financiers de France"
Et s’agissant de la relation des CGP avec leurs clients ?
Notre sondage montre que près de la moitié des clients furent peu ou pas angoissés par la situation. C’est là une différence notable par rapport à la crise de 2008 où l’ensemble des acteurs financiers ont – sans distinction – été considérés comme coupables. Aujourd’hui, la qualité de la relation client est meilleure, notamment grâce au travail de pédagogie des CGP envers leurs clients. Je rappelle souvent que les CGP participent à l’éducation financière des épargnants et sont les premiers pédagogues financiers de France, au regard de leur nombre et des liens tissés avec leurs clients.
Vous avez fait plusieurs propositions pour relancer l’activité économique. L’une d’entre elles vise à renforcer les dispositifs de financement dédiés à la transition énergétique. Comment soutenir leur développement ?
Une grande partie des sociétés de gestion font désormais le choix de lancer des fonds ISR et les conseillers en gestion de patrimoine sont sensibles à cette problématique. Pourtant, aujourd’hui, très peu de clients nous sollicitent spontanément pour parler du thème de l’investissement socialement responsable. Il y a un fossé très important entre les souhaits des pouvoirs publics et ceux des épargnants, toujours focalisés sur la maîtrise du couple risque/rendement. Une incitation fiscale à investir sur des fonds ISR pourrait permettre de susciter l’intérêt des épargnants. Une fiscalité allégée au sein des différentes enveloppes fiscales (PEA, assurance-vie, compte-titre) serait donc bienvenue.
Vous souhaitez aussi favoriser la détention de patrimoine entre les mains de générations moins âgées. Quelles mesures pourraient permettre de relancer les transmissions entre les générations ?
Les populations âgées consomment moins que les plus jeunes, c’est un fait maintes fois démontré dans différentes études. Nous préconisons en conséquence de réduire de quinze à dix ans le délai de rappel fiscal des donations. Cette décision serait un précieux soutien à la consommation qui a été fortement impactée par la crise économique générée par l’épidémie du Covid-19 et les effets du confinement. Cette proposition aurait d’ailleurs un coût extrêmement faible pour l’État.
Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien) et Emilie Zana