Associé chez Franklin, Jérôme Barré anime l’expertise patrimoine et entreprise familiale du cabinet. Connaisseur avisé de l’univers des gestionnaires de fortunes, il revient sur l’évolution du monde du family office et analyse ses enjeux futurs.

Décideurs. Comment percevez-vous l’évolution du métier de family office ?

Jérôme Barré. L’idée de départ était novatrice, ce qui est d’ailleurs toujours crucial sur les sujets financiers. L’émergence du métier de family officer en France s’est opérée au début des années 1990. Il ne s’agissait souvent que d’un système de conciergerie et de services annexes, et donc assez loin de ce que nous connaissons actuellement. Le service global délivré aujourd’hui était davantage l’apanage des banques privées.  Mais au fil du temps, lorsque le family office est devenu un élément de consolidation patrimoniale, ce dernier a pu se développer vers la forme que nous connaissons actuellement. Les single family « offices » ont été les premiers à se structurer dans les grands groupes familiaux avant l’apparition des multi dans les années 2000. L’idée était, déjà, d’avoir un chef d’orchestre capable de communiquer avec toutes les parties prenantes de la gestion du patrimoine et finalement, beaucoup se sont rendu compte qu’un family office était une structure plus souple et plus légère qu’une banque.

"Peut-être existe-t-il une forme de désespérance fiscale"

Comment envisagez-vous le climat fiscal pour les grands patrimoines en 2020 ?

Il y a une forme de désespérance contemporaine, causée par plusieurs sujets marquants. En premier lieu, la taxe à hauteur de 45 % sur les droits de succession suscite des débats. Aujourd’hui, les parents travaillant pour l’avenir de leurs enfants ne pourront pas leur transmettre ce qu’ils souhaitent. Cette désespérance vient du fait de la double taxation, à la fois sur les flux et sur le capital. De plus, il n’y a finalement aucune stabilité fiscale. Malgré les discours et la posture politique actuels, la situation évolue sans cesse. Les contribuables ne bénéficient pas de perspectives suffisantes.

Que retenir des dernières évolutions jurisprudentielles sur l’application de l’article 150 0-B ter du Code général des impôts ?  

La question se posait de connaître les modalités d’imposition de la plus-value qui était placée en report et qui est devenue exigible dans le cas suivant :

  • la plus-value a été placée en report sous l’ancien régime (avant l’entrée en vigueur du nouvel article 150 0 B ter du CGI en 2013) prévoyant un taux d’imposition forfaitaire et l’absence d’application des abattements pour durée de détention ;
  • l’opération mettant fin au report est intervenue postérieurement à l’entrée en vigueur de cet article (après 2013), alors que le régime d’imposition prévoyait l’imposition de la plus-value au barème progressif et l’application des abattements pour durée de détention.

Par deux décisions récentes, la CJUE[1] a tranché ce point en optant pour l’application des modalités d’imposition qui auraient été applicables à la plus-value qui aurait été réalisée lors de la cession des titres existant avant l’opération d’échange, si cette dernière n’avait pas eu lieu (barème progressif et application des abattements pour durée de détention). Ainsi, en termes plus techniques, il convient d’appliquer à la plus-value afférente aux titres échangés et placée en report d’imposition ainsi qu’à celle issue de la cession des titres reçus en échange, le même traitement fiscal - au regard du taux d’imposition et de l’application d’un abattement fiscal pour durée de détention des titres - que celui que se serait vu appliquer la plus-value qui aurait été réalisée lors de la cession des titres existant avant l’opération d’échange, si cette dernière n’avait pas eu lieu.

Propos recueillis par Yacine Kadri

[1] CJUE, 8e ch., 18 sept. 2019, aff. C-662/18, AQ et C-672/18, DN

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