Olivier Noël (Imerys) : « La gestion fiscale doit s’effectuer en phase avec le business et l’efficacité industrielle et commerci
Décideurs. Quelle est la place de la direction fiscale dans l'entreprise ?
Olivier Noël. La direction fiscale est intégrée à la direction financière. Elle y occupe un rôle de fonction support, tout comme la trésorerie par exemple, mais met un point d'honneur à accompagner au plus près les « business units » dans leur day to day et leurs opérations plus exceptionnelles. La direction fiscale est, d'autre part, le leader naturel sur toutes les questions de structuration des flux et d’organisation juridique du groupe. Aujourd’hui, elle est composée de quatre collaborateurs à Paris, de deux spécialistes implantés respectivement en Chine et au Royaume-Uni, ainsi que de deux équipes d’une dizaine de personnes chapeautées par un directeur régional au Brésil et aux États-Unis.
Quelles sont les dernières missions d’envergure que vous ayez traitées ?
Le groupe est très actif en matière de M&A : nous avons mené environ quatre-vingts acquisitions au cours de ces dix dernières années. La direction fiscale est donc très sollicitée sur les sujets afférents à ce type d’opération, qu’il s’agisse de définir, prévoir ou gérer les conséquences fiscales de l’achat puis d’une intégration d’une nouvelle structure. Bien entendu, le raisonnement est le même en cas de cession. Outre la gestion de notre portefeuille, la direction fiscale est partie prenante de différents projets de réorganisation destinés à favoriser l’innovation et l’efficacité opérationnelle du groupe. La réforme fiscale américaine a enfin nécessité une révision importante des flux avec ce pays.
« La rationalisation de l’organigramme du groupe est un exercice perpétuel »
Pouvez-vous détailler l’une des dernières opérations du groupe ?
Récemment, ce sont le rachat de Kerneos et la cession de notre activité toiture, deux opérations de l'ordre d'un milliard d’euros, qui nous ont occupés. Concernant Kerneos, le fait qu’il soit en situation de LBO et donc avec un niveau de dette élevé et une construction impliquant naturellement plusieurs véhicules de financement et d'acquisition, a rajouté de la technicité à l’acquisition. Nous avons donc procédé à la réorganisation de la structure financière et capitalistique de l’ensemble. À propos de l’activité toiture, il s’agissait d’une structure essentiellement française, avec une base taxable élevée en France, ce qui modifie le « country-mix » du groupe.
Où en est votre projet baptisé ILean visant à simplifier l’organigramme juridique du groupe ?
Lancé il y a quatre ans, ce projet est toujours en cours même si le gros du travail a été fait. Nous avons rationalisé la structuration juridique du groupe et significativement réduit le nombre de sociétés du périmètre en éliminant surtout les entités non industrielles. Pourtant, il s’agit d’un exercice perpétuel puisque, en pleine croissance, Imerys poursuit les acquisitions et trouve dans chaque nouveau groupe intégré de nombreuses entités juridiques non essentielles aux opérations .
Comment développer la sensibilité fiscale des opérationnels ?
Tout dépend de la typologie des opérationnels dont il est question. S’il s’agit de contrôleurs comme nous les appelons, c’est-à-dire de directeurs financiers de business units, ils disposent déjà d’une bonne connaissance des enjeux fiscaux. Nous les accompagnons au quotidien en veillant surtout à garder à l’esprit que la gestion de la charge fiscale doit s’effectuer en phase avec les business et l’efficacité industrielle et commerciale. Pour tous les autres opérationnels, nous menons des formations afin de les sensibiliser aux enjeux de la fiscalité pour le groupe. La taille humaine du groupe favorise les échanges.
« Nous avons mené environ quatre-vingts acquisitions au cours de ces dix dernières années»
Quelle part le contentieux occupe-t-il dans votre fonction ?
La part du contentieux fiscal et administratif dépend beaucoup du pays considéré. De manière générale, elle est très faible chez Imerys car les contrôles et réclamations se passent globalement bien, hormis au Brésil où les us et coutumes mènent régulièrement au contentieux.
À quoi ressemblera la fonction fiscale en 2030 ?
Notre métier va devoir relever plusieurs défis. Le premier est d'éviter que l’accroissement des normes et la montée des contraintes de conformité, ne mène la fonction fiscale à se réduire à une fonction de compliance et ne soit plus qu'un centre de coûts au détriment d'un accompagnement dynamique du business. La gestion de la communication sur la politique fiscale du groupe me semble par ailleurs devoir être prise de plus en plus au sérieux, tant en interne qu'en externe, ce qui ne peut être que bénéfique, obligeant le fiscaliste à sortir de son silo et de sa confidentialité. Les fiscalistes doivent enfin bien sûr ne pas rater le train de la digitalisation qui devra nous permettre de « sous-traiter » aux systèmes et robots les tâches les plus répétitives de notre métier et nous permettre de nous focaliser sur les aspects les plus valorisant de notre fonction.
Sybille Vié