Si l’opposition se montre très critique quant à la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, le gouvernement, par la voix de Christian Eckert, maintient le cap et confirme sa prochaine application.

Décideurs. Quels sont les avantages de la mise en place du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu ?

L’avantage principal, qui donne à la réforme toute sa raison d’être, est d’avoir un impôt contemporain des revenus. Aujourd’hui, l’impôt sur le revenu est payé un an après la perception des revenus auxquels il se réfère. Ce décalage peut engendrer des difficultés de trésorerie pour les contribuables qui connaissent un changement important de revenu ou de situation familiale, ayant un impact direct sur le montant de l’impôt sur le revenu. De nombreux contribuables connaissent chaque année une naissance, un décès, un départ en retraite, la perte d’un emploi. La suppression de ce décalage est le plus grand avantage de cette réforme. Et c’est ce qui la rend plus avantageuse que la simple obligation de mensualisation. L’impôt des contribuables sera étalé sur les douze mois de l’année, ce qui pourra générer un gain de trésorerie de plus de 16 % pour les contribuables par rapport à la mensualisation actuelle qui est étalée sur dix mois. Enfin, pour les fins connaisseurs de la fiscalité que sont vos lecteurs, la réforme du prélèvement à la source permettra de mettre fin à la rétroactivité fiscale à l’impôt sur le revenu.

 

Les entreprises et les caisses de retraite seront, à partir de 2018, les nouveaux collecteurs de l'impôt. Intégrer dans le processus de prélèvement un nouvel intermédiaire ne complique-t-il pas le mécanisme ?

Dans tous les pays qui pratiquent le prélèvement à la source, ce sont les entreprises qui effectuent une retenue à la source. C’est essentiel pour que l’impôt réagisse automatiquement aux variations de revenus. Par exemple, en cas de perte totale de salaire, l’impôt s’arrête immédiatement. Cet effet assiette ne peut être obtenu avec un autre système. La charge que le prélèvement à la source représentera pour les tiers collecteurs doit être relativisée : c’est l’administration fiscale qui calculera le taux et qui restera le seul interlocuteur du contribuable concernant son impôt. Le rôle des entreprises et des caisses de retraite sera limité à la collecte et au reversement de l’impôt, à l’instar des cotisations sociales qu’elles prélèvent déjà aujourd’hui. Tout passera par la déclaration sociale nominative, aujourd’hui utilisée par près d’un million d’entreprises, et qui sera généralisée d’ici à 2017.

Cette réforme est préparée sérieusement du point de vue législatif

 

L'agenda de la réforme n'est-il pas trop ambitieux ?

Certains de nos prédécesseurs disaient qu’il suffisait d’« appuyer sur un bouton » pour la mettre en place. Nous n’avons jamais eu cette prétention. Depuis que le président de la République a annoncé cette réforme à l’été 2015, nos équipes sont mobilisées pour la mener à bien : elles ont largement consulté les différentes parties prenantes, rédigé un projet de loi solide, examiné par le Conseil d’État, qui nous a donné son feu vert. Elles ont ensuite rédigé une étude d’impact de plus de 400 pages. Cette réforme est donc préparée sérieusement du point de vue législatif. Elle le sera tout autant d’un point de vue technique en 2017 : les éditeurs de logiciels de paie, le GIP-MDS et l’ensemble des services de l’administration fiscale sont déjà pleinement mobilisés pour mettre en place les solutions techniques qui seront opérationnelles à temps pour le lancement de la réforme au 1er janvier 2018.

 

Comment cette réforme prend-elle en compte le sort des contribuables qui partiront de France ou qui s'y installeront en 2017 ? 

Aujourd’hui, la situation n’est pas satisfaisante pour nos concitoyens qui décident de s’expatrier, souvent pour une durée limitée en raison de contraintes professionnelles : l’année où ils s’installent à l’étranger, ils doivent payer à la fois l’impôt français sur l’année précédente et l’impôt de leur nouveau pays de résidence, car la plupart des pays du monde ont déjà un prélèvement à la source. Pour ceux qui s’installeront en France en 2017 et qui viennent d’un pays pratiquant déjà le prélèvement à la source comme le Royaume-Uni, ils ne payeront en général pas d’impôt du tout en 2017 sur leur revenu d’activité car ils bénéficieront de l’effacement de l’impôt.

Le taux de prélèvement de l’impôt ne peut révéler à lui seul la situation du salarié

 

Au-delà de nombreuses contraintes techniques, la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu fait naître des problèmes de confidentialité entre salariés et employeurs. Comment parvenir à les surmonter ?

Le projet de loi garantit totalement la confidentialité des informations du contribuable : la seule donnée que pourra éventuellement connaître l’employeur, c’est le taux de prélèvement de l’impôt. Or ce taux ne peut révéler à lui seul la situation du salarié. Si je vous donne un taux de 7 %, êtes-vous en mesure de me dire ce que cela signifie ? Non, car derrière un taux de 7 %, pour un salaire de 2025 euros nets par mois par exemple, on peut trouver un célibataire, une personne ayant divorcé, versant une pension alimentaire et qui a également des revenus fonciers. Ce peut être aussi un couple avec enfants, et dont l’autre conjoint a un salaire net mensuel de 3 000 euros. Il est donc difficile de connaître la situation précise du salarié, d’autant que 90 % des contribuables auront un taux de prélèvement compris entre 0 % et 10 %. Pour les couples, il sera également possible d’opter pour des taux individualisés, afin de prendre en compte les disparités de revenus potentielles et d’éviter que le taux d’un des conjoints ne reflète le niveau de revenu de l’autre. Et dans tous ces cas, la divulgation intentionnelle du taux d’un salarié par son employeur est passible de sanctions pénales. Si malgré cela, le contribuable ne souhaite pas que son taux soit communiqué à son employeur, il pourra opter pour le taux neutre. Dans ce cas, l’employeur appliquera ce taux proche du barème d’un célibataire sans enfant. 

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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