Les craintes autour d’un ralentissement de la croissance américaine et des risques politiques en Europe conduisent Didier Saint-Georges à faire preuve d’une grande vigilance dans sa stratégie d’investissement.

Décideurs. Huit ans après le début de la crise financière, le secteur bancaire est encore au centre des inquiétudes. Les investisseurs apercevront-ils bientôt le bout du tunnel ?

Didier Saint-Georges. Le contexte économique et réglementaire a conduit les investisseurs à s’éloigner du secteur. Le problème de rentabilité à long terme des établissements bancaires assombrit aussi durablement les perspectives. Les difficultés de la Deutsche Bank montrent par ailleurs qu’elles ne sont jamais à l’abri d’un incident majeur. Fort heureusement pour elles, les banques centrales et les régulateurs, partiellement responsables de la situation, ont commencé à réagir.

 

La Banque centrale japonaise a d’ailleurs été la première à bouger.

Effectivement. La Boj a reconnu que sa politique de quantitative easing avait des effets contre-productifs, qu’il fallait désormais s’y prendre autrement. C’est une très bonne nouvelle pour les établissements bancaires. Si la BCE n’a pas été aussi loin dans son analyse, elle prend peu à peu conscience des effets pernicieux d’une telle politique. Les attitudes sont en train d’évoluer. Il en est de même concernant les régulateurs. Bale IV pourrait finalement être moins contraignant que prévu. Malheureusement, un ralentissement de l’économie européenne rendrait ces initiatives vaines.

 

La politique monétaire menée par la Banque centrale du Japon va-t-elle enfin porter ses fruits ?

Depuis le début des trois flèches de Shinzo Abe, le Japon tente sans succès de relancer une économie dont la consommation intérieure pâtit du déclin démographique du pays. Ce faisant, le Japon demeure très dépendant de la santé de son commerce extérieur et de la croissance de ses pays partenaires. Le pays du Soleil levant se trouve donc en situation de grande vulnérabilité en cas de ralentissement de l’économie mondiale. De plus, le Japon est bien plus avancé dans son quantitative easing que ne l’est l’Europe. Nous approchons du moment où la Banque du japon va détenir toutes les obligations émises par l’État. Cela va être un sujet passionnant pour les prochains mois. Imaginez un gouvernement qui se lance dans une politique de relance budgétaire alors que, dans le même temps, la Banque centrale achète l’ensemble des emprunts émis pour la financer. Cela constituerait, la première expérience pratique de l'Hélicoptère monétaire.

Je ne crois pas à un rattrapage des valorisations des actions européennes sur les valeurs américaines

 

Comme chaque année, on nous promet un rattrapage des valorisations des actions européennes sur les valeurs américaines. Avons-nous des raisons d’y croire ?

Je m’excuse d’être celui qui terni l’ambiance mais je ne le pense toujours pas. Plusieurs raisons abondent dans ce sens. Tout d’abord, le problème du secteur bancaire européen est beaucoup plus gênant qu’aux États-Unis, l’économie européenne étant plus dépendante des financements bancaires. En raison d’un niveau de chômage élevé, les grands pays du Vieux Continent doivent aussi composer avec une consommation domestique relativement médiocre. De ce fait, tous les regards sont tournés vers les exportations. Or, les effets liés à la baisse de l’euro sont désormais derrière nous et l’éventualité d’un ralentissement de l’économie américaine serait très pénalisante. Enfin, pour un investisseur international, le risque politique en Europe est perçu comme méritant une décote.

A  plus long terme, l’Inde, le Mexique, l’Indonésie ou les Philippines présentent de bien meilleures perspectives

 

Qu’en est-il des marchés dits « émergents » ?

En 2016, le rebond des marchés brésiliens, russes ou Sud-Africains a tiré le monde émergent. Ce rattrapage faisait suite à de fortes baisses en 2015. Il y a eu, en quelque sorte, un retour à meilleure fortune après les frayeurs des dernières années, grâce à la stabilisation de la situation chinoise. Mais à plus long terme, les pays émergents comme l’Inde, le Mexique, l’Indonésie ou les Philippines présentent de bien meilleures perspectives. Les fondamentaux dans le monde émergent s’améliorent. La plupart de leurs monnaies ont baissé, ce qui a redonné de la compétitivité à l’économie des pays émergents. Les valorisations constituent par ailleurs des points d’entrée intéressants pour les investisseurs. Si la thématique émergente redevient donc pertinente, il ne faut toutefois pas y aller les yeux fermés.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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