Le lancement d’un label généraliste ISR (Investissement Socialement Responsable) qui sera délivré à partir de 2016 met en lumière une thématique d’investissement encore peu connue du grand public. Le Président de Robeco France, firme pionnière dans le domaine, nous explique pourquoi cette démarche devrait devenir incontournable dans les prochaines années.

Décideurs. Sur quels critères un OPCVM entre-t-il dans le cadre de l’investissement socialement responsable ?

Frédéric Lejeune. La contribution au développement durable est réalisée à travers l’évaluation d’un impact environnemental et social positif. À ce jour, différentes approches coexistent : l’exclusion, surtout utilisée par les firmes anglo-saxonnes, l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) - la meilleure selon nous - ou encore l’investissement thématique qui cible les entreprises dont les produits et services répondent à des problématiques durables. Nous avons fait le choix d’intégrer les critères ESG à l’ensemble de nos processus d’investissement depuis 2010. Ces critères se veulent des moteurs de performances additionnels et complémentaires à ceux existants. Leur utilisation ne doit pas être vue comme une contrainte mais comme une valeur ajoutée aux analyses financières traditionnelles. En effet, il s’agit pour les sociétés de gestion de ne pas oublier la notion de performance.

 

Décideurs. La prise en compte des critères ESG nécessite une étude dite « extra-financière » des entreprises visées. Les sociétés de gestion sont-elles toutes équipées pour la réaliser ?

F. L. Les agences de notation extra-financière ont un rôle majeur à jouer. Mais il me semblerait toutefois bien hasardeux pour les sociétés de gestion de se reposer uniquement sur un prestataire externe. Chez Robeco, notre groupe intègre une équipe d’analystes parmi les plus importantes d’Europe. Depuis 1999, nous avons développé le Corporate Sustainability Assessment (CSA), un questionnaire envoyé chaque année à 3000 entreprises. Les quelques 600 critères analysés sont revus et modifiés chaque année, en fonction des nouveaux enjeux mondiaux, avec pour objectif d’évaluer leur matérialité financière. Cela signifie que nous tenons compte des facteurs ayant un impact effectif sur les résultats et la performance boursière des entreprises. Cela nous confère un avantage non négligeable. Toutes les sociétés de gestion n’en sont pas à ce stade de développement ou n’ont pas les ressources nécessaires pour mener ces analyses approfondies.

 

Décideurs. Les critères utilisés excluent, de facto, de nombreuses entreprises pouvant se révéler très performantes. Est-il alors possible de concilier rendement et éthique ?

F. L. L’approche éthique consiste à exclure sur la base de considérations morales. De notre côté, nous privilégions l’intégration des critères ESG dans la valorisation financière des sociétés analysées. En effet, pour nous, loin d’entrer en contradiction avec la performance financière, elle est au contraire source de valeur ajoutée puisque qu’elle permet de déceler bien en amont les risques et les opportunités auxquels les entreprises devront faire face. Celles qui s’inscrivent en faveur du développement durable, qui gère ces risques, seront les plus à même de bénéficier d’un avantage compétitif à long terme. Elles afficheront de facto de meilleures performances boursières. Cet élément nous paraît cependant encore peu reconnu par le marché.

 

Décideurs. Le ministre des Finances, Michel Sapin, a annoncé le 28 septembre dernier le lancement d’un label public pour l'investissement socialement responsable (ISR) qui sera délivré à partir de 2016. Que peut-on attendre d’une telle démarche ?

F. L. C’est une formidable initiative. Un grand nombre d’investisseurs particuliers sont prêts à investir dans des fonds de développement durable. Malheureusement, en raison d’un manque d’information et d’explication sur l’offre existante, ils tardent à passer à l’acte. Il appartient à l’ensemble des acteurs de diffuser l’idée qu’investir dans un fonds ISR est à la fois un choix pertinent pour la planète mais également pour leur portefeuille. Le besoin de transparence et de clarté de la part des épargnants devrait favoriser le développement de cette thématique d’investissement. Les investisseurs institutionnels l’ont fait, il appartient désormais aux sociétés de gestion d’intégrer cette démarche, leur avenir est en jeu.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

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