Par Xavier Rollet, avocat associé, et Louis-Pascal Brabant, avocat. Landwell & Associés
Les trusts, institutions issues du droit anglo-saxon fréquemment utilisées à l’étranger comme instrument de gestion de patrimoine international, n’étaient pas jusqu’ici reconnus par le législateur en matière de transmissions à titre gratuit et d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Tel n’est plus le cas aujourd’hui depuis l’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 2011.

En vue de faire cesser le flou «?fiscal?» autour de l’imposition en France de la détention et de la transmission de biens placés dans un trust, la loi de finances rectificative pour 2011 portant réforme de la fiscalité du patrimoine et publiée le 29 juillet 2011 a instauré un régime spécifique d’imposition des trusts en matière de droits de mutation à titre gratuit et d’ISF.

Une définition très large du trust
Pour la première fois, le législateur a apporté une définition à la notion de trust par laquelle il convient d’entendre, en vertu du nouvel article 792-0 bis I du Code général des impôts (CGI), «?l’ensemble des relations juridiques créées dans le droit d’un État autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits, sous le contrôle d’un administrateur [le trustee], dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé?». Cette définition semble suffisamment large pour s’appliquer non seulement aux différents types de trusts existants (révocables ou non et/ou discrétionnaires ou non), mais également aux fondations et entités assimilées.
Le constituant est, lui, défini comme étant «?soit la personne physique qui l’a constitué, soit, lorsqu’il a été constitué par une personne physique agissant à titre professionnel ou par une personne morale, la personne physique qui y a placé des biens et droits?», l’objectif de cette dernière définition étant de permettre à l’administration fiscale de rechercher si nécessaire le constituant réel du trust.

Une imposition de principe aux droits de mutation à titre gratuit
Désormais, toutes les transmissions à titre gratuit effectuées par le biais d’un trust sont assujetties aux droits de mutation à titre gratuit (article 792-0 bis II du CGI). Les règles de territorialité seront certainement sources de discussions. Précisons à ce stade que les droits frappent soit l’ensemble des actifs mis en trust quelle que soit leur localisation si le constituant et/ou le bénéficiaire est résident fiscal français, soit les seuls actifs localisés en France lorsque le constituant et le bénéficiaire ne résident pas fiscalement en France.
La transmission directe par donation ou succession d’un bien logé dans un trust est assujettie aux droits de mutation à titre gratuit selon le lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire. Si la transmission ne peut être qualifiée juridiquement de succession ou de donation au regard du droit français, les biens placés dans le trust sont assujettis aux droits de succession au décès du constituant, et ce même lorsque ces biens ne sont pas transmis aux bénéficiaires et restent dans le trust :
- lorsque la part transmise à un bénéficiaire peut être déterminée, celle-ci est taxée selon le lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire ;
- au contraire, lorsque la part transmise ne peut être déterminée si elle est due globalement à plusieurs descendants du constituant, celle-ci est taxée au taux marginal de 45?% applicable en ligne directe, ou au taux marginal de 60?% applicable entre non-parents si les biens demeurent dans le trust ou s’ils sont transmis globalement à des personnes parmi lesquelles se trouvent des non-descendants.
Par dérogation, lorsque le trustee est soumis à la loi d’un État ou territoire non coopératif (ETNC) ou, de manière surprenante, lorsque le trust a été créé après le 11?mai 2011 par un constituant résident fiscal français, la transmission est taxée au taux de 60?% en toute situation.

L’imposition du constituant à l’ISF
Le nouvel article 885 G ter du CGI prévoit que les biens logés dans un trust (y compris les produits capitalisés, mais à l’exception naturellement des exonérations prévues par le CGI en faveur de certains biens) doivent être compris dans le patrimoine imposable à l’ISF du constituant ou, après son décès, des bénéficiaires du trust, lorsque ceux-ci sont soumis à l’ISF. À l’exception des trusts irrévocables caritatifs dont le trustee est soumis à la loi d’un État ou territoire dit «?conventionné?», cette disposition concerne tous les trusts quelles que soient leurs caractéristiques (révocable, irrévocable, discrétionnaire ou non). On remarquera que l’intention du législateur était ici de mettre fin à la jurisprudence en vertu de laquelle les biens se trouvant dans un trust irrévocable et discrétionnaire pouvaient sortir du champ de l’ISF.
De manière assez dissuasive, l’article 990-J du CGI prévoit qu’en l’absence de déclaration régulière des biens logés dans le trust à l’ISF, le trustee doit acquitter le paiement d’un prélèvement spécifique de 0,5?% assis sur la valeur desdits biens, dont le constituant et le bénéficiaire sont solidairement responsables.

Des obligations déclaratives à la charge du trustee
Afin d’assurer l’efficacité du nouveau régime d’imposition des trusts, l’article 1649 AB du CGI soumet le trustee à diverses obligations déclaratives dont le champ d’application a été récemment précisé par un rescrit fiscal émis par l’administration fiscale le 23 décembre dernier (rescrit n° 2011/37).
Ainsi, lorsque le constituant ou l’un des bénéficiaires est résident fiscal français, ou lorsque les biens placés dans le trust sont localisés en France, le trustee est tenu de déposer (i) une déclaration, pour les trusts existant à la date du 31 juillet 2011, précisant leurs termes, (ii) une déclaration relative à la constitution d’un trust intervenant à compter du 31 juillet 2011, précisant ses termes, (iii) ainsi qu’une déclaration des modifications ou extinctions intervenant à compter du 31 juillet 2011. De plus, le trustee doit également déposer (iiii) une déclaration annuelle de la valeur vénale (au 1er janvier de chaque année) de tous les biens du trust situés en France et hors de France lorsque le constituant du trust ou l’un au moins des bénéficiaires réside fiscalement en France, ou de la valeur vénale des seuls biens du trust localisés en France (à l’exclusion des placements financiers) si le constituant du trust et l’ensemble des bénéficiaires sont tous des non-résidents. S’il ne respecte pas ces obligations déclaratives, le trustee est sanctionné par le paiement d’une amende de 10 000 euros ou, s’il est plus élevé, d’un montant égal à 5?% des actifs logés dans le trust.
À noter que cette obligation de divulgation totale des trusts par le trustee peut dans certains cas aller à l’encontre des termes de son mandat ainsi que du secret professionnel qui lui incombe, et susciter par conséquent de réelles difficultés.
Ne sont pas soumis cependant à ces obligations déclaratives les trustees (lorsqu’ils sont soumis à la loi d’un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales) des trusts constitués en vue de gérer les droits à pension acquis, au titre de leur activité professionnelle, par des bénéficiaires dans le cadre d’un régime de retraite mis en place par une entreprise ou un groupe d’entreprises, ainsi que des trusts constitués par une entreprise ou un groupe d’entreprises pour leur propre compte et dont le constituant réel n’est pas une personne physique.

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