Le groupe HIEC inscrit dans ses valeurs phares la diversité des profils et leur mixité. Convaincue par ces valeurs et leur importance sur les plans sociétaux et stratégiques, Laurence Maheo, dirigeante de HIEC France, partage ses constats sur le processus de recrutement spécifique que met en œuvre le groupe pour aider les entreprises dans leurs objectifs de parité.

Décideurs. Votre cabinet chasse des dirigeantes et dirigeants dans la tech, l’innovation, pour le compte de fonds d’investissement et opère un travail ­remarquable en matière de mixité ­(environ 40 % de femmes dirigeantes ­recrutées chaque année) : pourquoi est-ce que cela vous tient à cœur ?

Laurence Maheo. La diversité et l’inclusion font partie de nos valeurs fondatrices, ce qui se reflète aussi en interne : 40 % des associés HIEC sont des femmes et/ou issus de diversités ethniques (plus de 30 nationalités), tous niveaux confondus. Selon nous, la richesse se fonde sur le partage des expériences et de nos différences. La pensée unique, le conformisme appauvrissent les entreprises, on s’enrichit au travers de nos différences et cela crée aussi de la valeur pour nos clients. C’est capital pour les entreprises d’atteindre une meilleure représentativité des genres et de la diversité dans leurs instances dirigeantes.

Depuis plus de dix ans, nos clients (des ETI, mais également de très grandes entreprises) nous confient des mandats spécifiques visant à améliorer leurs objectifs de diversité.

Quelles sont les différences que vous observez lorsque vous « chassez » une femme et un homme ?

"Si certains mots du brief ne résonnent pas avec le profil ou les valeurs d’une femme, cela peut être rédhibitoire" 

Nous constatons qu’il faut 90 jours pour recruter un homme contre 140 pour une femme au même poste de direction. Dans la première phase de recherche, huit fois sur dix, elles ne répondent pas à nos sollicitations, puis déclinent la proposition dès la première interaction : si une femme dirigeante n’a pas décidé de changer de poste dans l’année, elle ne répondra pas favorablement au chasseur, alors que les hommes prennent toujours le temps d’explorer les mandats qui nous sont confiés. Il nous faut parfois un mois pour parvenir à joindre une candidate. Un candidat homme nous rappelle dans les 24 heures. Nous tenons compte de ce rapport au temps différent, nous l’expliquons à nos clients afin qu’ils ne perdent pas patience, et nous les informons que, pour se donner les moyens de recruter une dirigeante, il faudra plus de temps et plus de flexibilité sur les critères attendus.

Au-delà de ce premier contact, si certains mots du brief ne résonnent pas avec le profil ou les valeurs d’une femme, cela peut devenir rédhibitoire. Généralement, une femme sort du process dès qu’elle identifie un conflit de valeurs, là où un homme aura tendance à sortir de la course en fin de process, une fois toutes les informations en main.

Comment procédez-vous pour éviter ces écueils et parvenir à des listes paritaires de candidates et candidats ?

D’abord, nous rédigeons nos briefs selon un vocabulaire inclusif afin d’éviter certaines terminologies belliqueuses (objectifs "agressifs" , "dominant leader" ) que l’on retrouve encore souvent dans les descriptifs de poste et qui peuvent repousser des candidates. Ensuite, dès le premier contact, et ce, pour tous les candidats, nous veillons à apporter une information complète et transparente sur notre client, son organisation, ses circuits de décision, ses valeurs et le rôle à pourvoir. Nos associés entrent dans la discussion plus tôt avec les candidates car elles demandent à être convaincues et posent davantage de questions à chaque étape. Nous nous assurons que le nombre de candidates femmes dans la short list soit suffisant, nous dénichons les talents féminins là où ils sont, nous allons les chercher un par un, nous les repérons tôt dans leur carrière et les suivons année après année.

Nous cherchons à démontrer aux candidates que l’opportunité que nous leur présentons mérite d’être considérée, ne serait-ce que pour se comparer au « marché », prendre conscience de leur valeur et des étapes de carrière suivantes. Nous les encourageons à adopter le même raisonnement, le même tempo que les hommes. Nous leur conseillons de prendre leur décision une fois toutes les informations ­recueillies et les entretiens clients effectués. Enfin, nous accompagnons les femmes tout au long du processus de recrutement afin de répondre à leurs questions, à leurs interrogations, à leurs doutes, l’idée étant d’éviter que le moindre grain de sable interrompe le processus pour de mauvaises raisons.

"Les femmes ont tendance à penser d’abord à l’entreprise et à leurs équipes plutôt qu’à leur carrière" 

La question des compétences clés requises pour le poste est essentielle : il faut savoir accompagner l’entreprise vers une flexibilité sur leurs critères. D’excellentes candidates peuvent avoir été bien préparées à prendre un poste de CEO ou de direction générale sans forcément cocher la case d’un "P&L" de taille importante, car elles sont solides sur leur leadership d’équipes pluridisciplinaires et leurs compétences stratégique et opérationnelle. En adoptant plus de flexibilité sur certains critères, les entreprises se donnent une chance d’accéder à un réservoir de talents moins visible sur le marché mais tout aussi compétent.

Quels biais devez-vous lever ?

De nombreux préjugés subsistent et une forme de sexisme perdure dans certaines organisations : à niveau équivalent, les femmes sont-elles compétentes ?Tiendront-elles la pression, la distance ? Se rendront-elles suffisamment disponibles pour exercer leur fonction ? Si un PDG et ses équipes ne sont pas convaincus de la pertinence d’un recrutement féminin, il faut œuvrer vers leur alignement dans ce sens, l’exemplarité venant toujours du plus haut niveau. Malgré cette complexité et le caractère parfois fragile des résultats, la parité progresse en France : Believe fait figure d’exemple avec 50% de femmes dirigeantes à son comité de direction, CapGemini ­affiche un objectif de 30%…

"Construire et développer un comex paritaire change les dynamiques et permet d’accélérer la réussite collective"  

Un autre biais, côté candidates, repose sur le fait que les femmes dirigeantes se comportent souvent avec plus de loyauté vis-à-vis de leur employeur et de leurs équipes. Elles ont tendance à penser d’abord à l’entreprise et à leurs équipes plutôt qu’à leur carrière. Il faut parfois les convaincre que ce n’est pas une "trahison"  de considérer une opportunité extérieure après trois, quatre ou cinq ans dans le même poste et la même entreprise.

Quels sont les résultats de ces intégrations au sein d’entreprises au départ très masculines ?

Nous constatons que les sociétés aux codir ou comex suffisamment mixtes (au moins 30%) surperforment par rapport aux autres. Les femmes dirigeantes sont dans la collaboration, l’inspiration et la direction des équipes. Elles donnent beaucoup d’importance aux résultats, à leur impact. Construire et développer un comex paritaire change les dynamiques et permet d’accélérer la réussite collective.

Nous observons néanmoins certains secteurs où les femmes sont moins représentées statistiquement (numérique, logistique, industrie, ingénierie, poste d’expertise technique ou technologique) et nous y travaillons. En revanche, dans la gestion des données, la transformation ­digitale, l’environnement, les femmes sont mieux représentées. Ces deux dernières ­années, nous sommes fiers d’avoir notamment ­recruté Hélène Auriol Potier comme senior advisor chez Warburg Pincus, Mathilde Bluteau, PDG France du groupe allemand Bechtle, ou encore Béatrice Dumurgier, en tant que COO de la société cotée Believe.

Entretien avec Laurence Maheo, dirigeante, HIEC FRANCE 

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