En dépit d’un environnement économique incertain et d’un contexte géopolitique instable, la concurrence pour les profils les plus prometteurs s’annonce d’ores et déjà féroce. La "guerre des talents" est ainsi identifiée comme l’un des principaux enjeux des années à venir par les directions générales.
Éric Aubert (Boyden France) : "Le recrutement des talents, un enjeu de performance et de suivi des entreprises"
La nouvelle donne pour les entreprises
La majorité des grandes entreprises intègrent aujourd’hui différenciation et personnalisation dans leurs avantages sociaux pour répondre aux besoins de leurs collaborateurs. En effet, la crise économique et sanitaire a emporté avec elle le traditionnel rapport de force employé/employeur, avec pour conséquence deux défis stratégiques pour les entreprises : la nécessité de "s’armer" dans une compétition accrue pour attirer les meilleurs candidats et celle de fidéliser et retenir leurs talents.
Face à des profils de plus en plus mobiles dans le choix de leur lieu de travail ou de leur secteur d’activité, pour qui la rémunération et la projection de long terme ne sont plus des priorités, "l’expérience candidat" doit être intégralement repensée. Exit la renommée de la marque et le plan de carrière bien établi. L’entreprise qui séduit est engagée pour l’intérêt général, partage une vision et crée du sens autour de son activité. Alors qu’elles font l’objet de nombreuses études à ce sujet, les jeunes générations ne sont pas les seules concernées. Les recrutements au sein des équipes dirigeantes sont également à la peine, certains candidats n’hésitant pas à refuser une offre s’ils ne se sentent pas en adéquation avec les valeurs de la société ou de ses actionnaires. La loi Rixain, qui vise à imposer un quota de femmes dans les instances de direction des grands groupes, si elle doit être saluée, ajoute une tension supplémentaire sur le marché du recrutement.
La retention des talents passe par la proposition de parcours plus innovants, moins linéaires. L’adhésion à l’entreprise est forte lorsque les décideurs alignent leurs paroles et leurs actes
La capacité à développer et à retenir les talents : un véritable enjeu pour les entreprises
Si la menace provient de l’externe, c’est également en interne que la "guerre" doit être menée. Pour entretenir un vivier de talents suffisamment riche et accompagner des salariés jusqu’à des postes de direction, ces derniers doivent avant tout être fidélisés. La rétention des talents passe en priorité par la visibilité qui leur est offerte sur le rôle qu’ils peuvent jouer dans l’entreprise et les projets à y développer, tout en ouvrant la possibilité de s’essayer à différents métiers. Face à des profils de plus en plus versatiles, les directions RH doivent casser l’image d’une carrière rectiligne et inventer de nouveaux parcours.
Le développement du capital humain constitue un enjeu majeur alors que s’ouvre une décennie d’opportunités incroyables pour les acteurs économiques, dans un contexte de relance inédit. C’est d’autant plus vrai au sein des équipes de direction qui portent des projets de transformation décisifs pour la performance de leur entreprise, qu’ils soient structurels, technologiques ou managériaux.
Un enjeu de croissance et de souveraineté économique
Avec cette pénurie, ce sont les ambitions françaises de souveraineté économique qui sont à risque. Que ce soit par manque de projets d’ampleur ou à cause d’une moindre attractivité des salaires, les sociétés françaises ne parviennent pas à retenir certains de leurs talents qui font le choix de poursuivre leur carrière à l’étranger. La crise a mis en exergue cette réalité dans le secteur de la santé et de l’industrie pharmaceutique. Ainsi deux Français dirigent des groupes pharmaceutiques à l’origine de premiers vaccins contre le Covid-19, Stéphane Bancel chez Moderna et Pascal Soriot chez AstraZeneca. Mais si la concurrence est donc bel et bien internationale, face au changement de paradigme, la France peut encore tirer son épingle du jeu. Alors que les entreprises françaises peinent à être compétitives sur le plan salarial, elles peuvent aujourd’hui l’être sur le plan de la vision, des valeurs et de la crédibilité. Les dirigeants doivent se saisir de cette opportunité sans tarder !