À partir de l’an prochain, les grands groupes auront l’obligation de publier des rapports mettant en avant leur impact matériel en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance. Un exercice exigeant qui permettra à l’Union européenne d’afficher une longueur d’avance en matière de reporting extra-financier.
ESG, les entreprises européennes bientôt à la hauteur des enjeux ?
L’accord avait été trouvé in extremis alors que la présidence française de l’Union européenne touchait à sa fin. En novembre 2022, le Parlement votait une nouvelle directive destinée à responsabiliser davantage les entreprises en matière de RSE. Comment ? En les obligeant à rendre publiques les informations concernant l’impact de leurs activités sur la planète et les personnes.
Grande nouveauté : les sociétés devront s’appuyer sur des critères communs et donc comparables. Le texte, qui porte le doux sigle de CSRD pour Corporate Sustainability Reporting Directive, entrera en vigueur en janvier 2024. Il s’inscrit dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et du programme en matière de finance durable. Les premiers reportings sont très attendus et seront scrutés de près, ce qui pousse la plupart des groupes à travailler soigneusement leur copie.
50 000 entreprises concernées
Dans le détail, la CSRD remplace la NFRD, une autre directive européenne en vigueur depuis 2017 qui imposait à plus de 11 000 entreprises de réaliser un reporting extra-financier. Si le texte marquait une avancée, il était reproché aux informations d’être souvent "parcellaires, peu fiables et facilement détournées", selon les mots de Pascal Durand, député français pour le Groupe S&D. Et d’ajouter: "Certaines entreprises ne font pas de rapport. D’autres rapportent ce qu’elles veulent. Les investisseurs, les consommateurs et les actionnaires sont perdus." La CSRD, quant à elle, s’appliquera à davantage d’entreprises européennes (50 000). À terme, toutes les sociétés seront concernées, à l’exception des microentreprises. Pour les PME, les normes sont adaptées afin d’alléger leur charge de travail. La directive se dote également d’une portée extraterritoriale en obligeant les grands groupes non européens à fournir un rapport sur la durabilité.
Les entreprises qui jusqu’ici publiaient des informations libres et non contrôlées vont devoir faire auditer leurs rapports
Le couperet de l’audit
Les entreprises qui jusqu’ici publiaient des informations libres et non contrôlées vont devoir faire auditer leurs rapports, lesquels seront eux-mêmes abrités dans les rapports de gestion de la société. En 2028, les auditeurs choisis devront être les mêmes que ceux qui se penchent sur les données financières. Ce garde-fou permettra d’éviter le greenwashing, les auditeurs prenant des risques s’ils valident des informations peu qualitatives, biaisées, voire fausses. Les entreprises sont appelées à faire preuve de la même rigueur dans leurs déclarations et dans les provisions allouées afin de faire face aux risques subis ou engendrés en matière de RSE. Car les sociétés sont tenues de publier noir sur blanc leur impact matériel sur les sujets ESG mais aussi l’impact de ces problématiques sur l’entreprise (ce que l’on appelle dans le jargon européen la double matérialité). Elles sont également attendues sur les risques et opportunités connexes et sur la façon dont elles y répondent. Les États membres ont jusqu’à début décembre pour transposer la directive. Les experts espèrent que les textes seront le plus uniforme possible afin que l’exigence de comparabilité soit respectée.
Olivia Vignaud