Sorti en 2015, "The Big Short" est un film américain basé sur des faits réels : la crise immobilière américaine qui est devenue une crise financière mondiale entre 2007 et 2008. À travers le parcours de quelques financiers ayant anticipé l’éclatement de cette bulle immobilière, le film dépeint l’aveuglement des institutions financières, leur fragilité et les conséquences désastreuses qui en ont découlé.
The Big Short ou la crise des subprimes pour les nuls
Tout le monde connait la crise financière mondiale de 2007/2008. Tout le monde sait aussi qu’elle a pris racine aux États-Unis et qu’il est question de prêts hypothécaires à risque, de titrisation et d’agences de notation. Une sorte de gloubi-boulga terminologique dont on retient que, oui, tout le monde connait la crise des subprimes, mais personne (ou presque) n’est réellement capable de l’expliquer, voire même de la comprendre.
"Qui ne rembourserait pas sa maison ?"
Session de rattrapage en 2015 avec The Big Short réalisé par Adam McKay. Maladroitement traduit en français par Le Casse du siècle, un titre qui pourrait laisser préfigurer un film potache sur un braquage. "The Big Short" fait en réalité référence au "short-selling", une stratégie financière qui consiste à investir de manière à générer un profit dans le cas où le prix d'un actif financier baisse. À bien y regarder, c’est un braquage. Adaptation du livre de Michael Lewis, récompensé par l'Oscar du meilleur scénario adapté en 2016, le film relate l’aventure de quelques illuminés qui, en se penchant sur la structuration des mortgage-backed securities (MBS), ont anticipé cette crise sans précédent. Même s’ils semblent rejeter en bloc tout le système économique américain, voire même le capitalisme, ils vont "shorter " ces actifs douteux et rafler la mise lors de la crise. Spoiler alert : ils vont s’en mettre plein les poches en pariant sur la chute de l'économie mondiale ! Des anti-héros.
Spoiler alert : ils vont s’en mettre plein les poches en pariant sur la chute de l'économie mondiale !
Superproduction américaine oblige, le casting est en or massif et les personnalités atypiques des personnages qu’ils interprètent sont survitaminées. On retrouve le docteur Michael Burry, interprété par Christian Bale, gestionnaire du fonds Scion Capital LLC, qui sera parmi les premiers à contracter des couvertures de défaillances (Credit Default Swap) auprès des plus grosses banques américaines comme Goldman Sachs (et dont il collectionne les mugs publicitaires...). Mais aussi, le narrateur de l’histoire, le courtier de la Deutsche Bank, Jared Vennett, joué par un Ryan Gosling teint en brun (on ne valide pas !), ou encore le gestionnaire du fonds spéculatif FrontPoint, Mark Baum interprété par Steve Carell, avec lequel il s’associe. Ce trio de tête croise aussi le chemin de Charlie Geller, joué par John Magaro, et Jamie Shipley par Finn Wittrock, deux jeunes investisseurs mentorés par le trader à la retraite (et paranoïaque) Ben Rickert, joué par Brad Pitt.
Comme il n’est pas si simple de remplir les salles de cinéma avec un film entrant dans la complexité des échafaudages financiers avec son florilège d’abréviations et de termes techniques, les scénaristes ont eu l’idée brillante de faire intervenir plusieurs célébrités qui vont jouer leur propre rôle pour expliquer les sujets les plus complexes. Cela donne l’actrice Margot Robbie dans son bain expliquant les subprimes, le regretté chef cuisinier Anthony Bourdain dans sa cuisine traduisant un collateralized debt obligation (CDO) avec du poisson (pas frais) ou encore la chanteuse Selena Gomez et l’économiste Richard Thaler analysant un CDO synthétique dans un casino.
"Les saints ne vivent pas sur Park Avenue"
Bourré de métaphores, le film, très bien documenté, rend intelligible un événement marquant de l’histoire moderne que beaucoup estiment incompréhensible. N’oublions pas in fine que la finance s’appuie finalement sur des concepts assez simples. Tout comme la fraude ! Et comme le rappelle la citation de Mark Twain affichée dans les premières minutes du film : "Ce n’est pas ce que vous ne savez pas qui vous pose des problèmes, c’est ce que vous savez avec certitude et qui n’est pas vrai".
N’oublions pas in fine que la finance s’appuie finalement sur des concepts assez simples. Tout comme la fraude !
On adore le climax de ce film, atteint lors du forum de la titrisation – comble de l’ironie – à Las Vegas, mais aussi les jeux d’acteurs de Steve Carell et Christian Bale et surtout l’attention portée aux détails jusqu’aux prospectus (document juridique à destination des investisseurs) brandis par Michael Burry négociant ses swaps et où l’on distingue le logo de la banque d’investissement Bear Stearns. Chapeau bas aux accessoiristes.
N’oublions pas que ce film est bien "basé sur des faits réels", qui ont bouleversé la vie de millions de personnes rien qu’aux États-Unis et généré des pertes se comptant en milliers de milliards (oui, 1012) de dollars. On doit aussi, plus récemment, au réalisateur Adam McKay, le très brillant Don't Look Up, cette fois-ci sur la crise climatique. Un autre récit sur l’aveuglement d’une civilisation où la sculpture du taureau de Wall Street apparaît à la toute fin du film, flottant dans l'espace. La boucle est bouclée.
Béatrice Constans