Pour rester performants dans un environnement économique dégradé, les fonds de capital-investissement vont devoir redoubler d’ingéniosité pour dégager les financements nécessaires à de nouvelles prises de participation comme à l’optimisation de leurs portefeuilles existants.
Moins cher, plus simple, sous-utilisé : l’affacturage tire son épingle du jeu et permet de dégager rapidement des liquidités inexploitées. Entretien avec Thibaut Robet et Maxime Bertin de Fibus (ex-Chateaudun Crédit).
Décideurs. Pouvez-vous nous rappeler ce qui rend l’affacturage spécifique ?
Thibaut Robet. L’affacturage transforme la quasi-totalité du poste clients d’une entreprise en liquidités disponibles immédiatement. Cet outil de financement est parfois mal connu des décideurs financiers : il est pourtant stratégique pour les entreprises BtoB, payées en moyenne à 60 jours, quand l’affacturage permet de ramener ce délai à 48 heures. Pour ces sociétés, l’affacturage est la plus grande des lignes de crédit à court terme qui soit, c’est un levier de trésorerie très puissant. Une entreprise BtoB sur deux utilise l’affacturage en France aujourd’hui.
Maxime Bertin. L’affacturage est le moyen le plus rapide pour les entreprises d’accompagner leur croissance, notamment dans le cas des entreprises de taille intermédiaire (ETI) : cela doit vraiment retenir l’attention des directeurs administratifs et financiers, comme celle des fonds d’investissement. On le sait peu, mais l’affacturage est désormais le premier outil de crédit interentreprises en France, comme dans la plupart des pays européens.
T. R. C’est également le financement à court terme le moins cher, notamment si on le compare à l’emprunt bancaire ou à la dette. Compte tenu de la hausse des taux et de la difficulté actuelle des entreprises à trouver des liquidités, l’affacturage est un outil indispensable et à déployer en priorité. De la PME au grand groupe, les entreprises ne s’y trompent pas : nous le mesurons déjà sur les dossiers traités au premier semestre 2023.
"Le montant des encours mensuels de l’affacturage a enfin repassé la barre symbolique des 40 milliards d’euros, pic historique qui datait de décembre 2019." T. Robet
Que s’est-il passé en 2022 sur votre marché, et quelles sont les tendances pour 2023 ?
T. R. En décembre dernier, le montant des encours mensuels de l’affacturage a enfin repassé la barre symbolique des 40 milliards d’euros, pic historique qui datait de décembre 2019. En somme, il aura fallu 3 ans au secteur pour retrouver toutes ses couleurs, avec une croissance de 15,5 %, soit 421,6 milliards d’euros de créances financées pour le marché français en 2022. Dans ce contexte, Fibus a affiché une croissance de 30 % sur son dernier exercice : près de 10 % des créances commerciales financées par l’affacturage en France en 2022 l’ont été via Fibus. En 2023, le secteur devrait poursuivre sur sa lancée, sur le marché domestique comme sur le marché international. La part de l’international est d’ailleurs ce qui a tiré le marché l’année dernière, avec 18,8 % de croissance, et cette tendance se poursuit en 2023.
M. B. Il faut en effet savoir que les plus gros acteurs de l’affacturage dans le monde sont français : cela permet de monter des programmes multinationaux, un pied dans chaque pays, et centralisés en France. Aujourd’hui, nous réalisons près de la moitié de notre chiffre d’affaires à l’international et nous travaillons dans 32 pays. Dans deux ans, nous pourrons accompagner nos clients dans 50 pays. C’est un avantage important pour les fonds d’investissement avec lesquels nous travaillons : nous pouvons les conseiller quelles que soient les implantations géographiques de leurs participations.
Comment travaillez-vous avec les fonds de private equity ?
T. R. L’essentiel de nos clients sont des sociétés sous LBO : nous travaillons donc autant avec leur direction financière qu’avec leur fonds d’investissement, et nous connaissons bien leurs attentes respectives. Les fonds de capital-investissement nous appellent soit dans la perspective de nouvelles acquisitions, soit dans le cadre de l’optimisation de leurs portefeuilles existants. Sur ce point, nous observons un regain de la demande des fonds, qui veulent être certains que leurs programmes de factoring sont parfaitement optimisés dans un contexte économique contraint.
M. B. L’affacturage n’est pas un outil de financement d’acquisitions proprement dit, mais il y contribue indirectement et de multiples façons. Nous avons développé une offre dédiée aux fonds de private equity, séquencée selon les différentes étapes des deals : avant l’acquisition ; du signing au closing ; puis post-closing. Si nous sommes sollicités suffisamment en amont, dans le cadre d’une nouvelle prise de participation, par exemple, nous aidons le fonds à sécuriser le financement de son acquisition et à assurer son autonomie financière grâce à l’affacturage.
T. R. Après le signing, l’affacturage est mis au service de la croissance externe ou organique de l’acquisition. Il est toujours intéressant de disposer d’une source de financement bas de bilan plus fiable que la RCF. D’autres mécanismes cruciaux pour les fonds, comme la remontée des dividendes ou le refinancement de la dette, sont également facilités par l’affacturage. Sur ce dernier point, il faut rappeler une chose importante : l’affacturage respecte les covenants de la dette. Enfin, la sortie d’une participation étant décisive, nous aidons également les fonds à préparer leurs cessions. Notre offre de conseil est pensée pour accompagner le cycle des participations de bout en bout, sur tout ou partie de ce cycle.
M. B. Le contexte économique dans lequel nous sommes, sans doute appelé à durer jusqu’en 2024, doit renforcer la vigilance des fonds de private equity dans la gestion quotidienne de leurs portefeuilles. Dans les faits, financer le BFR par l’affacturage grâce au poste clients est beaucoup moins coûteux que de le faire en dette ou en equity. La gestion du BFR et des éventuelles tensions de trésorerie sont le coeur de notre métier, avec une expertise incontestable sur le segment des ETI internationales : nous sommes à leur service depuis plus de quinze ans.
"L’ADN de Fibus est de faciliter et de simplifier la mise en place de programmes d’affacturage et d’assurance-crédit au sein des ETI," T. Robet
Justement, en 2023, comment aider ces ETI à passer le cap d’une situation économique compliquée par de multiples facteurs ?
T. R. L’ADN de Fibus est de faciliter et de simplifier la mise en place de programmes d’affacturage et d’assurance-crédit au sein des ETI, afin qu’elles soient toujours au maximum de leurs capacités de financement. C’est pour cette raison que nous avons lancé cette année ARI Trade, une solution IT qui permet aux directions financières de s’assurer de ne jamais être en sous-financement sur l’ensemble de leurs programmes. Nous avons réuni en une seule interface toutes les parties prenantes du poste clients : DAF et Credit Managers du groupe et de chacune de ses filiales, leurs factors et leurs assureurs-crédit. C’est sans équivalent sur le marché.
M. B. Avec ARI Trade, nous sommes arrivés à supprimer la "couche technique" habituellement nécessaire aux équipes comptables pour optimiser leur trésorerie : il n’y a plus de rapprochements manuels de fichiers à faire, plus de remises aux normes factors à effectuer, plus de demandes de limites de crédit à effectuer contrat par contrat, etc. Toutes les communications avec les factors et les assureurs-crédit se font automatiquement, les données se mettent à jour en continu, dans un même tableau de bord, et ce quel que soit le nombre de pays, de devises et de contrats que vous ayez. On gagne un temps considérable, tout en ayant la certitude de ne plus rater aucune opportunité de financement. Aujourd’hui nous constatons que les directions financières font d’ARI Trade un préalable à l’implémentation, l’optimisation ou l’extension de programmes de factoring et d’assurance-crédit. Grâce à la digitalisation, elles peuvent enfin exploiter le factoring à 100 % de son potentielnds d’investissement avec lesquels nous travaillons : nous pouvons les conseiller quelles que soient les implantations géographiques de leurs participations.
➡️ Les points clés
- En 2022, Fibus (ex-Chateaudun Crédit) refonde son identité et valorise la complémentarité de ses trois domaines d’expertise : les marques Fibus Factoring, Fibus Trade et Fibus Digital voient le jour ;
- Fibus affiche une croissance de 30 % sur son dernier exercice ;
- 48 % de son chiffre d’affaires est réalisé à l’international ;
- Les équipes Fibus ont traité plus de 50 nouveaux dossiers ETI et grands comptes en 2022 ;
- Fibus compte 42 collaborateurs répartis entre Paris, Poitiers, Lyon et Londres ;
- En 2023, Fibus lance ARI, une gamme de solutions IT permettant de piloter et d’optimiser les programmes d’affacturage et d’assurance-crédit, sans équivalent sur le marché.
🔎 Sur les interviewés
Thibaut Robet fonde Fibus (ex-Chateaudun Crédit) en 2005 avec Gaëtan du Halgouët. Ils font du financement du poste clients leur spécialité, jusqu’à devenir premier courtier en affacturage en Europe, et leader du courtage en assurance-crédit. Fibus conseille tout type d’entreprise, et intervient prioritairement dans des contextes de private equity pour des ETI en forte croissance. Maxime Bertin est directeur affacturage chez Fibus.