L’Insee a dévoilé le 12 avril les résultats de son étude portant sur la mobilité des revenus entre 2003 et 2019. Il en ressort que les revenus initiaux conditionnent ceux du futur.
Dis-moi combien tu gagnes, je te dirai combien tu gagneras
Une personne peut-elle espérer changer d’échelle de revenus au cours de sa carrière ? En France, assez peu. Les salaires et allocations d’un individu à un instant t déterminent fortement ceux dont il disposera deux décennies plus tard, selon l’Insee qui a étudié le sujet sur la période 2003-2019. "Plus les individus sont situés haut dans l’échelle de revenus en 2003, plus ils ont de chances d’occuper un rang élevé de la distribution en 2019", précise l’Insee dans son enquête rendue publique le 12 avril.
Les revenus de départ et d’arrivée sont corrélés les uns aux autres à hauteur de 89 % après 3 ans, de 78 % après 10 ans et de 71 % après 16 ans. Si de fortes amplitudes de distribution peuvent être enregistrées, elles ne sont pas la norme. Par exemple, si vous faisiez partie des 20 % les plus aisés en 2003, vous aviez 63 % de chance de toujours appartenir à cette catégorie en 2019. De la même manière, 62 % des plus modestes en 2003 n’avaient pas changé d’échelle en 2019. Seuls 2 % des personnes interrogées arrivent à passer du plus bas vers le plus haut de l’échelle. "Cette probabilité est beaucoup plus faible que pour la mobilité intergénérationnelle" (à savoir la mobilité entre le statut socio-économique des parents et celui de leurs enfants à l’âge adulte, qui s’élève, elle, à 12 %). L’institut ajoute : "Les revenus d’un individu sont ainsi beaucoup moins corrélés aux revenus de ses parents qu’à ses propres revenus 16 ans plus tôt."
France vs États-Unis
L’inertie constatée dans l’Hexagone est plus élevée que celle observée aux États-Unis. "La littérature économique avance plusieurs explications à cette faible mobilité des revenus en France, comme la forte dépendance de la carrière professionnelle au diplôme initial, l’inégalité d’accès à la formation professionnelle ou encore les coûts de la mobilité géographique", précise l’Insee.
Quelques nuances existent toutefois. Les jeunes se montrent plus mobiles dans l’échelle de revenus, la mobilité ascendante diminuant ensuite avec l’âge. Les personnes âgées de 25 ans en 2003 avaient 7 % de chance de sortir de la catégorie des plus modestes, contre 1 % pour celles âgées de 45 ans. Ce qui s’explique en partie par le fait que les jeunes affichent souvent des revenus plus faibles que le reste de la population.
Indépendants vs salariés
Les indépendants s’avèrent également plus mobiles dans l’échelle des revenus. La corrélation entre leurs rangs de départ et celui d’arrivée (entre 2003 et 2019 toujours) est de 59 % alors qu’elle atteint 71 % pour les salariés. Les mobilités extrêmes sont également plus fréquentes que pour les personnes disposant d’un employeur : au sein des 20 % les plus modestes, 6 % des indépendants effectuent des mobilités très ascendantes, soit la même proportion que pour ceux qui connaissent des mobilités très descendantes, contre 2 % et 3 % des salariés.
Le lieu de résidence impacte également les chiffres. L’Ile-de-France se caractérise par des mobilités très ascendantes et descendantes relativement plus fréquentes que dans les autres régions. À l’inverse, dans les départements d’outre-mer l’inertie est particulièrement élevée. "Une absence de mobilité dans l’échelle des revenus peut être le signe d’une faible répartition des opportunités de progression au cours de la vie active, au risque de ne pas développer des talents potentiels", note l’Insee. Ces données nourrissent l’idée que les choix d’étude et de travail déterminent très tôt la suite de votre carrière. À moins que vous ne fassiez partie des exceptions ?
Olivia Vignaud