Devenu mandataire judiciaire en 2005, Marc Sénéchal fonde BTSG² : première structure française du mandat de justice, elle compte quatre associés et 120 salariés. Afin de combiner la théorie à la pratique, il est également professeur à l’Université Paris Panthéon Sorbonne.

Décideurs. Quels ont été les dossiers marquants de votre carrière et pour quelles raisons ?

Marc Sénéchal. Nous travaillons sur de nombreux dossiers marquants. Et pour n’en citer qu’un, le feuilleton de la fusion-absorption de Suez par Veolia a marqué les esprits au cours de l’année 2021. J’avais alors été désigné, à la demande de Suez, par le président du tribunal de Nanterre, comme mandataire ad hoc, chargé d’accompagner la gouvernance de la société puis de mettre en œuvre le rapprochement des deux géants de l’environnement. Cette année, il y a eu la gestion du dossier La Provence avec la médiation que j’ai menée entre Xavier Niel et Rodolphe Saadé. Si l’on remonte plus loin, je pense au dossier Soitec, le champion français de l’industrie des semi-conducteurs, qui m’a aussi beaucoup marqué car il est probablement l’un des retournements français les plus spectaculaires des vingt dernières années. Cette société, qui était au bord du précipice en 2016, est valorisée à plusieurs milliards d’euros aujourd’hui et a même été aux portes du CAC 40. Mais, je pourrais en citer beaucoup d’autres comme Areva, Conforama, Accor Invest, ou encore, Val-lourec notamment, pour sa phase de sauvegarde accélérée.

"Soitec a été, pour moi, le dossier du retournement français probablement le plus spectaculaire des vingt dernières années"

2023 annonce de nombreux défis à relever pour les entreprises. À cet égard, quelle est votre vision du marché du restructuring ?

Difficile de répondre à cette question. Si je devais donner une tendance pour 2023, je dirais qu’elle est plutôt défavorable. Il est vrai qu’en France, les effets de la crise peuvent être atténués par la mise en place d’un certain nombre d’amortisseurs sociaux et par l’aide décisive de l’État français dans certains dossiers, notamment au moment de restructurer les PGE ainsi que la dette fiscale et sociale des entreprises ayant subi la crise sanitaire ou celle de l’énergie. Les tribunaux favorisent ce mouvement d’accompagnement grâce aux mandats ad hoc et conciliations qui sont aujourd’hui bien ancrés dans nos pratiques et sont couronnés de succès la plupart du temps.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous orienter et à exercer ce métier de mandataire judiciaire ?

Je voulais un métier d’action. Il s’agit d’une profession très exigeante sur le plan personnel et qui suppose d’accepter, pour celui ou celle qui l’exerce, de grosses charges, non seulement de travail mais aussi émotionnelles. Ce qui est intéressant également dans ce métier, c’est d’avoir à prendre des décisions. Et si celles-ci ont d’incontestables répercussions, c’est aussi engageant en termes de responsabilité, en plus d’être séduisant par certains aspects.

Enfin, quelles qualités vous paraissent indispensables pour exercer votre métier ?

J’en vois essentiellement trois. La première est d’être capable de s’engager. L’engagement est une notion très importante pour moi. À la fois physiquement et mentalement. On peut même dire qu’il peut y avoir pour certains ou certaines d’entre nous une forme de sacrifice personnel car il faut être disponible constamment, sans réelle capacité de relâchement, et ce, du 1er janvier au 31 décembre. C’est un choix. L’engagement implique une disponibilité totale. La deuxième est d’être un très bon technicien de la matière. Au-delà d’une formation de haut niveau en droit comme en comptabilité et en finance, il faut être un excellent spécialiste des mécanismes de restructuration et maintenir une veille permanente de ses connaissances au gré des réformes nationales et des influences de la réglementation européenne. C’est une discipline en perpétuelle évolution qui exige en permanence de se former. Le droit des entreprises en difficulté est au carrefour de tous les autres. C’est un droit confluent. Enfin, la troisième qualité est humaine. Elle est indispensable quand vous avez du pouvoir même si celui-ci peut être très relatif. Il faut savoir rester modeste, faire preuve d’humilité et de bienveillance.

Parcours

  • 2005 : création de l’étude BTSG².
  • de janvier 2012 à janvier 2014 : élu à la présidence président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ).
  • de 2015 à aujourd’hui : professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Propos recueillis par Laura Guetta

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Marc Sénéchal

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