Les périodes de ralentissement économique mettent souvent en lumière des évidences. Toute entreprise doit régulièrement s’adapter et réallouer ses ressources. Elle doit le faire non seulement au niveau du choix de ses activités, métiers, modèles d’activité et géographies mais également au niveau de ses coûts. Seule une baisse significative des coûts de croisière permet des investissements pour la croissance. À travers cette chronique Jean Berg, président de Strategia Partners, nous donne la méthode pour baisser les coûts et investir pour la croissance.

Les coûts de croissance et les coûts de croisière

Toute activité repose sur un mix de coûts de croissance (les surcoûts transitoires pour croître et gagner des parts de marché) et de coûts de croisière (les coûts structurels pour rester dans le marché). Les coûts de croissance sont les coûts de l’innovation, des investissements marketing et commerciaux nécessaires pour croître, des sous-optimisations transitoires pendant leur montée en puissance, des différents avantages d’un modèle d’activité plus attractif pour les clients, des baisses de prix nécessaires pour gagner des parts de marché… Ils doivent être optimisés: priorisation, réallocation des ressources entre métiers, pays et leviers d’action, différenciation et adaptation des modèles d’activité. Les coûts de croisière doivent être compétitifs et les plus bas possible pour donner des marges de manœuvre et financer la croissance : coûts compétitifs sur la production, la logistique et l’accès au client, ainsi que sur tous les frais généraux, les processus de fonctionnement et les fonctions de support. Ceci passe par la relocalisation des outils de production dans les géographies à bas coûts, la relocalisation de certaines fonctions de support (finance, IT) ou de développement (R&D) dans ces mêmes géographies, la clustérisation de certaines fonctions de support ou leur externalisation, la réduction de la complexité et de ses coûts, l’optimisation du portefeuille de marques, l’optimisation des prix, la digitalisation des opérations, la concentration des fonctions… Il n’y a pas de croissance soutenable si les coûts de croisière ne sont pas compétitifs et ne donnent pas les marges de manœuvre nécessaires pour financer la croissance. Il faut rechercher toutes les sources d’efficacité et d’économie qui généreront les 1 à 3 points d’EBIT supplémentaires permettant de financer les surcoûts de croissance.

La méthode pour baisser les coûts et investir pour la croissance

1. Définir/Valider des principes de management
Un mouvement d’une telle ampleur doit se fonder sur des principes de management solides et partagés par la Direction générale. Ces principes doivent définir les fondements de l’approche de management: leviers de création de valeur de l’entreprise, principes de délégation, principes de centralisation, principes et localisation d’autonomie, modes de transversalité, liens entre les pays et les activités… Ils permettront de bâtir les organisations, les modes de fonctionnement et par conséquent les coûts en ayant un fil directeur cohérent par rapport à la stratégie et cohérent entre les entités. Ils donneront un cadre et des frontières pour les détails de mise en œuvre des approches et les logiques de centralisation par rapport aux logiques d’adaptations locales.

2. Se donner des ambitions de baisse nécessitant de développer de nouvelles approches
Des programmes de réallocation des coûts pour la croissance doivent partir d’une vision globale et d’une ambition du management avant d’être déclinés par entité et
travaillés à un niveau de détail fin. La bonne logique, pour les coûts opérationnels (OPEX), est généralement de fixer une ambition de baisse de 10 % à 15 % et de réinvestir 50 % à 75 % de ces baisses pour la croissance. Au final, l’objectif est d’aboutir à une stabilité ou une faible croissance de ces coûts. Cette approche doit évidemment être affinée en fonction des ambitions de croissance et de la nature des activités et des effets de taille.

3. Différencier les baisses par entité et par enjeu
La déclinaison par entité et par enjeu est nécessaire pour focaliser les efforts sur les enjeux principaux tout en incluant l’ensemble des fonctions. Elle passe par une analyse de la compétitivité des différentes fonctions par rapport aux concurrents et à d’autres comparables pour certaines fonctions de support (finance, ressources humaines, certains métiers de l’informatique…). Elle doit, pour aboutir à l’objectif initial, se différencier entre des baisses de 5 % à 35 %.

4. Différencier les investissements par entité et privilégier la croissance
Toute activité doit investir pour faire face aux évolutions des marchés et des echnologies et améliorer la productivité. Il faut également redonner un souffle aux équipes: pour les entités opérationnelles, pour accélérer la croissance ; pour les fonctions de support, pour servir plus efficacement les entités opérationnelles. Souvent, ces investissements ne sont pas faits à la bonne mesure par manque de moyens. Les managers n’osent pas mener des réallocations drastiques à l’intérieur de leur périmètre qui leur permettrait de le faire. Ce mouvement doit venir du top management. À ce niveau également, une différenciation des investissements en Opex est nécessaire. Il faut définir des règles simples de priorités des investissements et de retour. Par exemple, en règle générale, un euro d’investissement marketing et commercial doit générer 5 à 7 euros de marge brute à trois à cinq ans.

5. Lancer le programme au niveau des équipes opérationnelles
Avec des principes de management solides, des objectifs ambitieux de baisse de coûts, au global et par entité, des objectifs d’investissement au global et par entité, les équipes doivent définir un plan d’actions à trois niveaux : actions de rupture avec de nouvelles approches pour la baisse de coûts, actions d’optimisations et actions d’investissements. Ce plan d’actions, quantifié et défini dans le temps, permettra de hiérarchiser les priorités afin de les rendre cohérentes d’un point de vue financier en privilégiant les réductions de coûts d’abord, plus les investissements et non l’inverse.

Qu’en conclure ?
L’adaptation d’une entreprise aux évolutions de ses marchés, de ses technologies et de ses expertises est nécessaire. Il y va de sa survie. Cette perspective n’est pas suffisante. Elle doit s’accompagner d’un investissement dans les activités et les approches pour la croissance. C’est pourquoi, il est nécessaire de couvrir deux approches de manière combinée : il faut baisser les coûts pour redonner des marges de manœuvre pour pouvoir réinvestir pour la croissance, et ce, de manière différenciée. Sans marge de manœuvre, pas d’investissements. Sans investissements, pas de croissance. Sans croissance, pas de création de valeur.

Les points clés:

  • Pour créer de la valeur à long terme, il faut croître à plus de 7,5 % par an.
  • La croissance organique est le produit d’un investissement supérieur à celui des concurrents par l’impact de cet investissement appliqué à un mix d’activités… le plus favorable.
  • Les investissements de croissance peuvent revêtir différentes formes: innovation, coûts marketing et commerciaux, baisses de prix…
  • Pour financer la croissance, il faut dégager des marges de manœuvre dans les coûts de croisière et les réinvestir dans les investissements pour la croissance.

Sur l'auteur: 

Jean Berg est président de Strategia Partners, cabinet international de conseil en stratégie basé à Paris, Zurich, New York, Seattle et Shanghai. Strategia Partners assiste les directions générales et les investisseurs dans leur stratégie de croissance et d’allocations de ressources en intégrant trois perspectives: stratégique & financière, environnementale et humaine.

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